Commentaire de easy
sur François Feldman reconsidéré. A-t-on bien entendu et vu « Wally Boule Noire » et « Valses de Vienne » ?
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Ahhhh !
Merci Gérard
« »« » Dans la chanson Feldman s’adresse à la fois à un public ignorant et craintif et au jeune smurfer, il est un pont entre deux rives « »"
Un pont entre deux rives
Justement que je recours à cette image depuis deux jours.
Si les parents entreprennent, par leur conjugaison, la construction d’un pont, leur enfant l’incarne. Tout enfant est un pont, au moins entre ses parents, puis entre des familles, puis entre des clans, puis entre des communautés, voire des continents.
Je suis Eurasien et je le comprends à peine maintenant, toute ma vie, j’ai pensé et agi en hyper pont.
François avait à peu près 14 ans lorsqu’il vivait avec ses parents (dont je ne me souviens pas trop. Il me semblait que son père était fourreur) et en tous cas avec ses deux frères aînés. Comme j’avais monté un corps de ballet avec son frère aîné et que je suis donc passé chez eux quelques fois, à Clichy sous bois où vivait aussi Sylvie vartan et Roberto Alagna, j’avais fait la connaissance de ce gamin. Il était plus fluet et plus introverti que ses aînés, surtout du premier. Et il était le seul à jouer d’un instrument de musique, du piano. Il ne chantait pas et plus tard j’ai été assez étonné de la voir prendre une position de chanteur plutôt qu’instrumentaliste
Je débarquais alors de mon arbre à singes du Vietnam et j’étais au niveau zéro des connaissances musicales (et pas que de ça d’ailleurs)
C’est donc avec un regard des plus primitifs, sauvages ou instinctifs que je l’ai observé. Et je l’avais trouvé extraordinairement mûr non seulement par rapport aux autres garçons de 14 ans mais même par rapport à moi et à ses aînés en ceci qu’il était, à mes yeux, pointu et accompli en matière musicale. Je le voyais en maître du piano.
Alors que ma cousine, fille de bourgeois du Raincy, pianotait classiquement la Marche Turque, François jazzait. Et sa manière de glisser ses doigts d’une noire à une blanche sans les relever m’apparaissait très insolente, transgressive ou libertaire.
Je lui ai demandé de m’initier au piano, au seul jazz, via les standards mais aussi avec de l’impro et c’est comme ça que j’en ai acheté un, que je m’y suis mis (mais en autodidacte, je te dis pas le carnage)
Cette fratrie ressortait donc à mes yeux comme autorisée par le père, à explorer librement les espaces artistiques. J’admirais cette fratrie toute orientée vers l’art.
Autant ses frères et moi, nous étions fascinés par lui, autant nous cherchions, comment dire, à l’attirer à notre danse comme en espérant nous en nourrir, nous enrichir de son talent, autant lui, ne s’intéressait pas à nos expériences
Il n’appréciait donc pas l’exhibition sur scène (qui exige un minimum de narcissisme corporel). Très souvent, en regardant Claude François ou Michael Jackson, je me suis mis à penser que ces derniers avaient largement emporté sur François par leur disposition à montrer leur corps, à danser.
Gainsbourg, se trouvant très laid, avait pris le parti gagnant de se moquer carrément de son physique. Partant de ce contrepied, il a pu démontrer que s’il était repoussant de premier abord, il était extraordinairement riche de talent. Et il a su fournir la preuve de ses charmes secrets en se montrant entouré de beautés.
François était à mon sens le plus beau de sa fratrie. Mais comme l’aîné avait très explicitement occupé la place du beau, François ne concevait sans doute pas de lui faire concurrence sur le physique et à l’époque où l’image, la télé, devenait si importante, ça l’aura plombé.
François est quelqu’un qui peut penser et dire des choses très fines mais après réflexion. et digestion lente. Il n’a pas le talent de tchater de manière improvisée.
A mon sens, il aura envié les Tapie, les Debouze et autres Philippe Bouvard.
Le rap, qui exige cette capacité à improviser sur le verbe, aurait donc représenté son principal défi.
(Si ça se trouve JJ Goldman a un complexe comparable)
A l’époque, Clichy Sous Bois n’était pas habité par autant de gens d’origines différentes. Eurasien, je ressortais donc comme le nègre de service. Alors qu’on pourrait attendre des Juifs qu’ils soient quelque peu fermés aux autres, ses frères et lui m’ont tous accueilli comme un frère. C’est ce qui fait que je n’ai aucune appréhension face à cette communauté. De toutes les familles juives que j’ai fréquentées, c’est celle des Feldman que j’ai trouvée la plus transversale.
Puis j’ai changé de région et perdu de vue cette famille.
Un jour, constatant sa chute après le téléthon où il avait demandé à un public de paralysés de se mettre debout (Debouze aurait fait cette erreur, il aurait probablement su en tirer parti. François est trop délicat pour ça) j’avais demandé à JL Lahaye -qui lui aussi s’était gamellé-de nous réunir afin que je lui dise toute ma gratitude. Car c’est bien François qui m’avait initié à la musique libre. Mais cette rencontre n’a pas pu se faire.
Comme l’a dit Scual, il aura eu sa chance. Peu doué en matière d’image, François n’aura pas accédé au panthéon des artiste de l’ère visuelle, mais il est déjà allé très haut.
Bravo !