Commentaire de Marc Bruxman
sur Emeute paysanne en Chine


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Marc Bruxman 21 décembre 2011 18:54

Que voulez vous, rien n’est ni tout noir ni tout blanc. Les chinois le savent et se moquent bien de notre définition du « bien » et du « mal » : un concept pour eux très bizarre car rien ne peut être que bon ou que mauvais.

Pour la Chine il en est pareil :

  • Le bon : Un pays qui est passé en 30 ans du statut de pays du tiers monde à celui de pays émergents. un pays qui a fait passé 250 millions de personnes du statut de pauvre à un niveau de vie proche du notre. Et la pauvreté des autres a quand même baissé.
  • Le moins bon : Les chinois n’ont pas de tradition « juridique », la justice est rendue par des hommes et non par des textes du moins jusqu’à une époque récente. Or ce point la n’est pas rentré dans les habitudes et le système juridique est un grand bordel qui reste jonché d’arbitraire et de corruption. C’est la source de la plupart des problèmes dans la chine actuelle. Plus que la démocratie, les chinois aimeraient bien un droit et une justice équitables. Leurs intérêts convergent sur ce point avec les investisseurs étrangers ET chinois. Difficile en effet de faire du business à long terme quand vous ne savez pas si vous n’allez pas être condamné demain parce que vous n’avez pas le bon guanxi.

Avant même d’être un problème économique (et le problème dont vous parlez est réel), la gréve en question est le message de paysan qui signalent qu’ils en ont marre de se faire fister à chaque fois qu’ils ont un conflit avec plus gros qu’eux. Si leurs terres avaient été payées avec un juste prix ou tout au moins que la procédure d’expropriation avait été transparente, ces gens la ne se seraient probablement pas révoltés. Lorsqu’au contraire ils ont l’impression qu’ils se sont fait flouer parce qu’ils n’ont pas pu payer un pot de vin au maire, ils sont furieux. Cela se comprend.

Ce qui manque en Chine, c’est un système judiciaire capable de faire appliquer des lois écrites qui soient identiques pour tous. Paradoxalement cela renforcerait le pouvoir central et permettrait de réduire considérablement la corruption. Mais cela montrerait aussi au chinois moyen qu’il a des droits et que l’état lui garantit ses droits y compris face à des fonctionnaires véreux. Cela améliorerait beaucoup la stabilité du pays et la confiance dans ses dirigeants. Mais il semble dixit les chinois avec qui j’en ai discuté qu’il soit très difficile de faire une telle réforme car beaucoup de mauvaises habitudes et qu’il faudrait beaucoup d’énergie pour imposer un tel changement. Or, les grands noms de la politique chinoise comme Mao (qui quoi que l’on en penses ici est encore respecté la bas) et Deng Xiaoping (qui a pu lancer des réformes ambitieuses à lui tout seul) ne sont plus la. Parmis les dirigeants actuels, aucun ne semble avoir l’aura nécéssaire pour entrainer le pays dans cette réforme nécéssaire. Et la situation ne semble pas assez grave pour qu’il puisse l’imposer.

Car souvent c’est la nécéssité qui fait les réformes dans ce pays. Lorsque Deng a souhaité réintroduire le capitalisme, il avait une forte opposition face à lui. Mais le pays était tellement dans la merde que l’opposition l’a accepté. Paradoxalement la prospérité actuelle nuit aux réformes. Et c’est dommage car cela a si bien commençé !


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