Commentaire de Kookaburra
sur La religion au Proche et Moyen-Orient


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Kookaburra Kookaburra 24 décembre 2011 19:12

Oui, on peut aller plus loin :

La prétendue dette de l’Occident au monde arabe.

Nous vivons, en Europe, en ce qui concerne l’Islam et les peuples musulmans, sur une vieille erreur qui, depuis les temps les plus lointains, a faussé le jugement des historiens et qui a souvent inspiré aux hommes d’Etat des attitudes et des décisions nullement conformes aux réalités.

Cette erreur consiste à reconnaître aux Arabes une influence civilisatrice qu’ils n’ont jamais exercée. Les écrivains du Moyen-Age qui, par une absence de documentation précise, désignaient sous le nom d’Arabes tous les peuples de religion musulmane et qui voyaient l’Orient à travers le fabuleux mirage des légendes dont l’ignorance entourait alors les contrées lointaines, ont travaillé inconsciemment à répandre cette erreur.

Ils y furent aidés par les Croisés, gens rudes et grossiers pour la plupart, plus soldats que lettrés, qui avaient été éblouis par le faste superficiel des cours orientales et qui rapportèrent de leur séjour en Palestine, en Syrie ou en Egypte des jugements dénués de tout esprit critique. D’autres circonstances contribuèrent également à créer cette légende de la civilisation arabe.

L’établissement du gouvernement des Califes dans le Nord de l’Afrique, en Sicile, puis en Espagne, provoqua des relations entre l’occident et les pays d’Orient. A la faveur de ces relations, des ouvrages de philosophie et de science rédigé en langue arabe ou traduits de l’arabe en latin parvinrent en Europe et les lettrés du Moyen-Age, dont le bagage scientifique était fort léger, admirent ingénument ces écrits qui leur révélaient des connaissances et des méthodes de raisonnement, nouvelles pour eux.

Ils s’enthousiasmèrent pour cette littérature et ils en conclurent de très bonne foi que les Arabes avaient atteint un haut degré de culture scientifique. Or, ces écrits étaient, non pas des productions originales du génie arabe, mais des traductions d’ouvrages grecs des Ecoles d’Alexandrie et de Damas, rédigées d’abord en syriaque, puis en arabe, à la demande des Califes Abbassides, par des scribes syriens devenus musulmans.

Ces traductions n’étaient même pas des reproductions fidèles des ouvrages originaux, mais plutôt des compilations d’extraits et de gloses, tirés des commentateurs d’Aristote, de Galien et d’Hippocrate, appartenant aux Ecoles d’Alexandrie et de Damas, notamment d’Ammonius Saccas, de Plotin, de Porphyre, de Jamblique, de Longin, de Proclus, etc.

Et ces extraits déjà déformés par deux traductions successives, du grec en syriaque et du syriaque en arabe, étaient encore défigurés et tronqués par l’esprit d’intolérance des scribes musulmans. La pensées des auteurs grecs était noyée dans les formules religieuses imposées par le dogme islamique ; le nom des auteurs traduits n’était pas mentionné, de telles sortes que les lettrés européens ne purent soupçonner qu’il y avait traduction, imitation ou adaptation et qu’ils attribuèrent aux Arabes ce qui appartenait aux Grecs.

La plupart de clercs du Moyen-Age ne connurent même pas ces travaux, mais seulement les adaptations qui en furent faites par Abulcasis, Avicenne, Maimonide et Averrhoës. Ceux-ci puisèrent notamment dans les Pandectes de Médecine, d’Aaron, prêtre chrétien d’Alexandrie, qui avait lui-même compilé et traduit en syriaque des fragments de Galien. Les ouvrages d’Averrhoës, Avicenne, et Maimonide furent traduits en latin et c’est par cette dernière version que les lettrés du Moyen-Age connurent la science arabe.

Il convient de rappeler qu’à cette époque la plupart des ouvrages de l’Antiquité étaient ignorés en Europe. Les Arabes passèrent donc pour des inventeurs et des initiateurs, alors qu’ils n’étaient que des copistes. Ce n’est que plus tard, à l’époque de la Renaissance, lorsque les manuscrits des auteurs originaux furent découverts, qu’ont s’aperçut de l’erreur, mais la légende de la civilisation arabe était implantée dans les esprits ; elle y est demeurée et les plus graves historiens en parlent encore aujourd’hui comme d’un fait indiscutable.

Montesquieu en a fait la remarque : « Il y des choses que tout le monde dit, parce qu’elles ont été dites une fois. »


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