Commentaire de Léo
sur CPE : un combat incertain


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Léo (---.---.202.61) 20 mars 2006 00:20

J’appartiens à une grosse PME et j’ai, depuis environ 6 ans, embauché environ 120 personnes, à travers des activités nouvelles que j’ai contribué à créer. Je me suis demandé comment les choses se seraient passées si on avait eu la possibilité de recourir au CNE/CPE. Je pense que ma direction m’aurait mis une certaine pression pour que j’en embauche un maximum, afin de limiter le coût si d’aventure ces activités nouvelles étaient décevantes ou qu’il fallait tout remballer, -et licencier. Conséquence n°1 : j’aurais embauché plus de débutants, et moins de salariés expérimentés. Conséquence n°2 : je ne vois pas comment nous aurions fait pour les former (notre énergie étant entièrement consacrée à nos lancements).. Conséquence n°3 : un certain nombre n’auraient pas fait l’affaire et nous les aurions licenciés, dans le stress et la mauvaise humeur, avant de les remplacer par d’autres.

Au fond, c’est du Darwin. Au bout du compte, nous aurions eu une belle équipe, jeune et talentueuse. Avec pas mal de dégâts collatéraux. Difficile de dire si le bilan serait positif, ou négatif...

J’ajoute que ma boite étant cotée et soumise au regard, sinon cruel, en tout cas très cru du marché financier, elle m’aurait certainement demandé d’utiliser la fenêtre des deux ans pour licencier dans les moments budgétaires difficiles : autrement dit, faire du « fine tuning » financier sur le dos des gens. J’aurais (moi ou un autre, normalement constitué) certainement résisté, contre-argumenté... Y réussisssant parfois, échouant d’autres fois. Difficile de passer un contrat moral avec les gens, dans ces conditions. Difficile d’attendre d’eux qu’ils se sentent moralement liés à moi ou à l’entreprise, aussi...

Tout cela est terriblement compliqué, ambigu, délicat à gérer et à vivre.

Et pourtant, quand je regarde comment travaillent les pays étrangers, anglo-saxons ou pas, je pense que le temps est venu de desserrer la loi (ou les contraintes administratives) et en contrepartie de resserrer l’engagement moral. Accepter de libéraliser d’un côté (même si ça fait mal au cul de faire plaisir à Madelin, et de se laisser tirer vers le bas par le moins-disant social des Chinois et autres pays émergents, -de vrais détergeants sociaux), et faire naître une « morale de l’engagement en entreprise » de l’autre. Sans naïveté, et sans illusion déplacée. J’aimerais juste voir émerger, par toutes sortes de pressions comme en est capable notre société moderne, un mouvement « economically correct », qui mette un peu de pression morale dans tout ça. Déjà, ce serait déjà mieux que le « politically correct », tellement déprimant. Mais surtout, avec le temps, cela aiderait à responsabiliser les uns et les autres. Exemple : des groupements de consommateurs pourraient demander aux grandes entreprises de publier leurs ratios sociaux (nombre de CPE embauchés par an / nombre de CPE stoppés...). Exemple : telle boite accepterait de rendre public le nombre de contentieux en cours avec ses (anciens) employés, et de l’actualiser. Il y aurait plein d’autres exemples qui pourraient aller bien au-delà des simples débats sur l’entreprise éthique, le commerce équitable, etc, toutes choses excellentes mais marginales, et réservées aux cercles patronaux d’un côté, et aux bobos de l’autre ..

Bon je m’arrête. Merci de me dire si je délire. Et si oui, pourquoi...


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