Commentaire de Brath-z
sur « Robespierre, bourreau de la Vendée ? » : une splendide leçon d'anti-méthode historique


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Brath-z Brath-z 20 mars 2012 15:38

Non, la France est le contre-exemple parfait que la détermination ethnique n’est pas une détermination suffisante pour qualifier un peuple. Elle ne doit pas être totalement négligée, mais elle est loin d’être un facteur d’explication à part entière.

Et tu as oublié, citoyen, une bonne moitié de ce que j’ai exposé. D’abord dans socio-politique, il y a certes « politique » mais il y a aussi « social » : se reconnaître en partage non pas seulement un gouvernement, une gestion, une politique, mais aussi une société, au sens lockien du terme. Et puis aussi tu oublies, ce qui est peut-être plus déterminant encore (mais bon, j’ai fait de l’histoire des représentations, alors j’y accorde peut-être trop d’importance), les référents culturels partagés par des populations qui sont loin d’être voisines.
Bien sûr les têtes couronnées ont joué un rôle dans la constitution des peuples, mais je ne pense pas qu’il soit si déterminant. Et même j’aurais tendance à considérer que ce rôle est plutôt une conséquence du processus de « décantation » du peuple. Ainsi quand des communes (c’est-à-dire des associations de paysans) bourguignonnes se placent spontanément sous l’autorité du roi de France et pas sous celle du duc de Bourgogne, comme cela a été le cas dès le XIIème siècle (règnes de Louis VI, Louis VII et Philippe II), cela témoigne à mon sens de l’existence d’un sentiment d’appartenance à la même société que les villes franches de l’ouest qui ont fait de même (en plein fief plantagenêt !). Plus significatif encore : quand les bannières rémoises refusent au XIIIème siècle d’être inscrites au registre des bannières des banques vénitiennes et insistent pour être affiliées aux bannières parisiennes, pourtant très mal vues des banquiers et des commerçants, alors même que Reims vit grâce au commerce avec l’axe Vénicie-Flandres et aux banques vénitiennes, cela témoigne d’un fort attachement identitaire au même ensemble que Paris, au point d’aller à l’encontre de la logique économique la plus élémentaire. Les exemples sont extrêmement nombreux de ce genre de comportements que l’on ne trouvait pourtant guère en Italie ou dans l’Empire.

Seule l’Angleterre (sans compter le Pays de Galles, fréquemment objet de massacres jusqu’au XVIIème siècle, ni bien évidemment l’Écosse et l’Irlande entre à peu près indépendantes) a connu, en Europe, un phénomène semblable : le sud de l’île avait plus de contacts avec le nord de la France et les Flandres qu’avec le nord et l’ouest de l’Angleterre, l’ouest de l’Angleterre entretenait des liens très étroits avec le Danemark, et le nord de l’Angleterre vivait des contacts avec les Gallois, Irlandais et Écossais pourtant ennemis du reste de l’Angleterre, mais les habitants de ces trois ensembles qu’on pourrait croire parfaitement distincts en nous limitant à l’étude des échanges commerciaux et même des modes de vie (à nuancer pour ce dernier point) manifestaient fréquemment leur appartenance commune à une même société.


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