Commentaire de BUOT-BOUTTIER
sur Les causes de la délinquance, lettre d'une éducatrice à un éducateur


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 22 janvier 2007 20:06

Bonjour Nico, Je sens en vous le professionnel passionné ! Ne nous sommes pas déjà croisés dans d’autres sphères de débat ? je tenterai de reprendre à vos propos dans l’ordre. « La seule évocation de la société et des politiques me paraît réductrice », oui, c’est un fait, dans le sens ou elle appartient à un discours d’extrême gauche auquel je n’adhère pas. la société et les politiques ont bien entendu leur part de responsabilités dans le contexte de la délinquance mais cette seule évocation est effectivement réductrice. « Le défi d’une société est bien de lutter contre ces phénomènes exclusifs », dites-vous. Comment ne pas être d’accord avec cet énoncé ? Toutefois, si elle est belle et bien à combattre, l’exclusion ne peut être un prêtexte idéologique pour maintenir des gamins dans une posture de victime et légitimer le tout par une pensée politique. « Vous reprochez aux jeunes ce que vous acceptez de la part de tous les autres membres de la société », dites-vous plus loin. Qu’en savez-vous ? Tous les parents n’ont pas les moyens financiers de payer des marques de la tête aux pieds à leurs enfants, pas plus que la dernière PSP dernier cri et c’est une très bonne chose ! Pour quelles raisons ? Parce-qu’il me semble éducatif d’instaurer un dialogue avec l’enfant sur toutes les valeurs qui accompagnent cette dimension : la différence entre l’être et le paraître, la possession, l’utilité des objets qui nous entourent, la manière dont on peut remplacer une heure de jeu vidéo par une partie de cartes, la question de la valeur de l’argent et du travail nécessaire pour l’obtenir. Autant de questions éducatives parfois trop rapidement éludées par certains parents qui, me direz-vous, souffrent d’exclusion, mais qui, je vous répondrais, auraient surtout besoin d’être soutenus pour aborder toutes ces notions avec leur enfant au risque parfois d’oser dire non et de le frustrer. « Les jeunes ne font que reproduire, à leur niveau, et avec les moyens qu’ils possèdent, ce que la société produit, à commencer par les politiques ». Dites-vous aussi. Tous les jeunes ? à la même échelle, en êtes-vous certain ? « Le décalage culturel de certaines familles ne représente pas toujours une aide dans ce contexte ». Voici un énoncé qu’il est très difficile de pouvoir exprimer dans le secteur social. le tabou et le non dit sont massifs ! Et pourtant, la polygamie, la pratique de l’excision, les mariages « arrangés » au pays d’origine, la différence importante d’éducation et de liberté entre les garçons et les filles et le sentiment pour un certain nombre de jeunes, pris entre deux cultures marquées par de réelles différences, sont en effet des différences culturelles qui ne concernent pas toutes les familles d’origine étrangère mais qui ne manquent pas, pour celles qui le sont, de situer leurs enfants dans une vrai problématique de « calage » pour reprendre votre terme. les famillles d’origine étrangère n’ont pas toutes « joué le jeu » de l’intégration de la même manière, même s’il est vrai qu’il doit être bien difficile de pouvoir s’accoutumer à un ailleurs parfois bien différent de son propre monde. Ainsi, à la responsabilité des politiques qui, à partir des années 70 ont construit de manière hative des logements pour ces familles, vient aussi se poser la question du reflexe de survie communautaire. Par une peur d’un inconnu qe l’on ne peut que comprendre, certaines familles ont aussi fait le choix d’une vie communautaire en reproduisant sur un micro territoire, une vie qui s’apparente à celle de leurs origines. Parfois, même, en faisant le choix de ne pas apprendre la langue du nouveau pays. Ce qui amènent parfois certains gamins à avoir un statut de petit adulte relais et de traducteur. Libre à eux ensuite de transmettre et de traduire ce que bon leur semble, notamment lorsqu’il s’agit de l’école. Un enfant reste un enfant ! Quant à la citattion de la jeune fille, la réponse éducative que je souhaite lui apporter, est de réfléchir à l’avenir qu’elle se prépare avec ce mode de pensée, plus que de lui suggérer qu’après tout, ce qu’elle fait est du même ordre que certains hauts placés dans la société. Laissons à Mme Laguiller, un discours qu’elle matrîse si bien ! Enfin, je vous propose, si vous le voulez bien, une relecture de mon article, car l’énoncé « être dans la norme et se fondre dans la masse ou oser être singulier au risque de se voir parfois exclure de la communauté », était un triste constat que je faisais d’un fonctionnement sociétal auquel je n’adhérerais pour rien au monde. J’ai d’ailleurs quitté le secteur social pour ne plus être dans « sa » norme et pour oser, tout en étant professionnelle de l’éducation, être singulière, en toute légitimité. Enfin, pourquoi parlez-vous de tout institutionnaliser ? Pour évoquer ensuite son extrême ? L’institutionnel et la responsabilité ne peuvent-ils pas se conjuguer ? Pour terminer, et parce que toute bonne chose a une fin, je trouve votre idée « que la société d’aujourd’hui n’a plus de contrôle sur son fonctionnement totalement régi par des institutions » un peu paroxystique. mais tout ceci, n’est-ce pas ce qui fait la richesse du débat, cher Nico ? P.S. : "est-on passible d’une amende si l’on donne une gifle à un enfant ? à vrai dire, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question, mais vous trouverez certainement une réponse à votre interrogation auprès de spécialistes juridiques. Quant à ma propre interrogation, si je puis me permettre, elle sera la suivante : est-on nécessairement tenus d’intervenir de cette manière ? N’y aurait-il pas quelques nuances de teintes sur la palette des réponses possibles ? Au plaisir de lire « vos idées pour améliorer la situation ». Isabelle Buot-Bouttier.


Voir ce commentaire dans son contexte