Commentaire de Christian Labrune
sur Pour les cons « plotistes », les Arabes sont de gentils cons !


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Christian Labrune Christian Labrune 11 avril 2012 10:56

Le complotiste est d’abord un esprit faible et qui se sent très vulnérable en face d’une réalité qui lui paraît opaque et sur laquelle il n’a aucune prise. Se sachant crédule, il imagine qu’en refusant systématiquement de croire ce qu’il voit et ce qu’il entend il échappera au risque d’être dupe. Et de fabriquer immédiatement des hypothèses très simples et très lumineuses, de véritables images d’Epinal qui sont exactement proportionnées à ses capacités intellectuelles. Il n’a pas lu Machiavel mais il en a vaguement entendu parler ; il croit donc que le mensonge, la dissimulation et même le crime seraient les ressorts obligés de toute politique. Derrière tout événement, il y a nécessairement autre chose que ce dont on prétend l’informer : une intention criminelle et des puissances occultes à qui le crime profite. Souvent, le complotiste a lu Orwell ; dans « 1984 », le gouvernement fait pleuvoir des bombes sur les quartiers des prolétaires pour leur faire croire que le pays est en guerre. Ce schéma ingénieux (mais romanesque !) peut aisément être plaqué sur n’importe quelle situation : les tours jumelles, un détournement d’avion, une situation insurrectionnelle. Les acteurs directs ne sont jamais les vrais acteurs, mais des marionnettes dont « on » tire d’en haut les ficelles. On, ce n’est personne : le « Pouvoir », la CIA, le Mossad ; de préférence des entités occultes aussi inaccessibles que les dieux antiques. Le complotiste, comme le Descartes de la seconde Méditation (mais chez le philosophe il ne s’agit que d’un moment transitoire et ironique), se dit qu’il y a peut-être « un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé qui emploie toute son industrie à [le] tromper toujours », le monde devient pour lui une vaste et angoissante illusion et il se trouverait enfermé tout seul dans une sorte de bulle solipsiste s’il ne rencontrait d’autres paranoïaques avec qui partager les mêmes fantasmes. Une illusion partagée devient aisément la réalité même. C’est de cette manière que naissent aussi les religions, les sectes et toutes les psychoses collectives génératrices de haine et de destruction.


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