Commentaire de Christian Labrune
sur Epître à Marianne…


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Christian Labrune Christian Labrune 5 mai 2012 11:44

"Que vous ne soyez pas d’accord avec le fait que La Rochefoucaud soit une illustration de l’exemple de l’esprit de finesse me surprend."
Najat,
Vous avez raison de me critiquer : vous tiriez La Rochefoucauld du côté de Pascal et j’ai voulu montrer à quel point, philosophiquement, ils s’opposent, sans rien répondre, en fait, à propos de l’esprit de finesse. Mais c’est, et vous ne reconnaissez vous-même, que sans cette disposition particulière dont la définition pascalienne est bien fumeuse, aucune écriture, aucun art, même, ne seraient possibles. Cela dit, les plus grands écrivains sont de terribles rationalistes. Prenez la poésie de Baudelaire, celle de Mallarmé, prenez Flaubert : c’est extraordinairement pensé et construit. Si on ne comprend pas, c’est qu’on a lu trop vite. Sinon, chaque élément s’explique par tous les autres, il n’y a jamais la moindre contradiction avec le contexte. A chaque lecture, la compréhension s’enrichit de nouveaux rapprochements qu’on n’avait pas encore vus. L’intelligibilité du texte tend vers la perfection. A côté de cela, vous en avez d’autres qui peuvent paraître très subtils mais d’une subtilité un peu creuse : il vaut mieux ne pas trop réfléchir sinon on va douter du sens. C’est le cas de Verlaine, par exemple, ou de Rimbaud : personne n’a jamais été capable de dire ce que signifient certaines strophes du bateau ivre. Ce n’est pas de l’hermétisme, c’est de la purée mentale. On pourrait en dire autant des philosophes. Nous parlions de Husserl : c’est très subtil, mais si on ne comprend pas, on relit et on s’en trouve mieux. Avec Heidegger, ce serait plutôt l’inverse : plus on relit et moins on comprend. Quand une oeuvre est vraiment géniale, c’est que l’esprit de finesse et l’esprit de géométrie se sont rencontrés et je ne vois pas qu’il y ait jamais lieu de les opposer.


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