Commentaire de Morpheus
sur Une kabbale pour le 21ème siècle ?


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Morpheus Morpheus 22 juin 2012 13:20

La kabbale est une approche ésotérique intéressante, c’est vrai. Certains la disent dangereuse, mais curieusement, ils ne disent pas en quoi elle le serait. Je suis toujours resté sur ma faim lorsque j’ai posé cette question. En fait, elle n’est pas plus dangereuse que n’importe quelle recherche métaphysique. Elle n’est pas plus dangereuse que n’importe quelle découverte scientifique : ce n’est pas l’objet de la recherche qui est dangereux, mais bien ce qu’en fera le chercheur. Sur les « dangers de la kabbale », je conclurai simplement ceci, qui est contenu dans l’énoncé même de cette discipline : « le danger est d’y rechercher une vérité, et surtout, de conclure sa recherche (nb, c’est-à-dire trouver une vérité dans la kabbale) ».

En effet, la kabbale est spéculative : elle procède donc, par définition (cf. dictionnaire), de la méditation et de réflexions abstraites. Elle développe donc un ensemble de théories abstraites.

Notons tout de même que, pour abstraite qu’elle soit, l’on peut observer qu’en certains domaines, ces spéculations ont pu être précurseur de théories aujourd’hui scientifiques. Par exemple, on reste stupéfait de la proximité entre la doctrine du tsimtsoum et la théorie du big-bang.

Isaac Louria est un rabbin et kabbaliste palestinien du XVIe siècle. Il est notamment réputé pour avoir énoncé (entre autre) la doctrine du tsimtsoum. Cette « doctrine » énonce que le premier acte créateur de la conscience absolue (Dieu) fut de se rétracter du grand tout, de se concentrer en un point (yesh) infiniment petit, créant par là même un vide dans l’univers. Cette rétractation, comparable au processus d’une implosion précédant une explosion, donna lieu à un « rayon » qui frappa des réceptacles, procédant ainsi à la création de l’univers, dont il décrira le détail dans la formation des séphiroth (émanations).

L’idée est la suivante : imaginez que vous soyez cette conscience absolue (Dieu) ; vous résidez dans le grand tout, vous êtes le grand tout. Tout ce qui existe est vous. Vous avez conscience et connaissance de tout, rien ne vous échappe, rien n’échappe à votre regard, rien n’échappe à vos sens, rien n’échappe à votre perception. Puisque tout est vous-même, il n’existe rien d’autre que ... vous. Mais si tout est vous, et que rien d’autre que vous n’existe, alors ... comment pouvez-vous définir qui vous êtes, ce que vous êtes, et même : qu’est-ce qui prouve que vous existez ?

Pour pouvoir se définir, la conscience absolue doit donc renoncer à être tout. La conscience absolue doit se diviser en différentes parties, en différents aspects, en différentes manifestations. La conscience absolue, qui est illimitée, pour exister, doit se limiter. Car se définir, c’est se limiter. Définir, c’est poser des limites.

La doctrine du tsimtsoum part de cette spéculation, et elle décrit, non pas la création de l’univers (impliquant, dans nos esprits conditionnés par la manifestation, un commencement et une fin), mais un processus par lequel Tout Ce Qui Est peut se manifester et faire l’expérience de l’être : le processus de la vie. D’où l’appellation « arbre de vie » donnée à l’image qui illustre cet article.

Et comment Louria décrit-il ce processus ? Le Grand Tout se rétracte en un point infiniment petit, infiniment dense, créant un vide dans Ayin (signifiant à la fois « œil » et ... « néant »), puis, à l’apogée (Apex) de cette contraction, un rayon lumineux jaillit et frappe différents réceptacles qui se brisent (image de la division du Tout en Parties divisées et séparées), et c’est ainsi que le processus de manifestation se réalise.

La théorie du Big Bang spécule exactement la même chose : à l’origine de l’Univers, un vide immense au sein duquel un point d’énergie infiniment dense et minuscule explose en un jaillissement d’énergie et de lumière et ainsi, le processus de formation de l’Univers se réalise.

La théorie du Big Bang fut énoncée en 1927. La doctrine du Tsimtsoum fut énoncée au XVIe siècle. On peut donc dire que Isaac Louria fut un précurseur de la théorie du Big Bang. A moins que le chanoine catholique Georges Lemaître n’eut lui-même connaissance de cette doctrine, et qu’il la transposa dans sa propre théorie ? A voir.

Notez aussi ceci : nous ne sommes pas obligé de considérer la « conscience absolue » comme étant « Dieu » > cette conscience absolue n’est pas un Être Absolu, c’est exactement l’inverse : un NON ÊTRE ABSOLU qui doit abandonner cet état de non-manifesté et d’absolu, pour pouvoir se manifester e façon limitée, mais multiple. Dans cette acception, la spéculation d’Isaac Louria rejoint les spéculations des exégètes du bouddhisme, qui enseignent que la spéculation ultime montre que l’univers manifesté est une illusion (maya) servant de support à la conscience pour se manifester.

« Le sage ne demeure ni dans l’être ni dans le non-être ».

Cordialement,
Morpheus


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