Commentaire de lagabe
sur La course apparemment irréversible à l'effondrement de la biosphère
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un trés bel article sur le canard enchainé il y a 2 semaines
ALLEZ, avouons-le : l’effondrement de la biodiversité ne nous empêche pas de dormir. Au Pérou, des milliers de pélicans meurent du réchauffement des eaux côtières. En France, le nombre d’hirondelles de fenêtre a chuté de 40 % en vingt ans. L’hécatombe des abeilles se poursuit (mais le nouveau gouvernement devrait enfin interdire l’insecticide Cruiser). Les nouvelles du même tonneau, c’est tous les jours. Sur le moment, certes, ça nous impressionne...
Car on le sait bien, que plus de 16 000 espèces sont en danger, un oiseau sur dix, deux mammifères sur dix, trois amphibiens sur dix, quatre tortues sur dix, que nous vivons actuellement la 6’ grande extinction, la dernière (celle des dinosaures) remontant à 65 millions d’années. On le sait, que la biosphère mondiale est à la veille d’une crise « abrupte et irréversible » (« Le Monde », 8/6)... Mais qu’est-ce qu’on y peut ? Relançons d’abord la croissance, on s’intéressera aux grenouilles après !En 1965, Jean Dorst, qui fut directeur du Muséum national d’histoire naturelle, publiait « Avant que nature meure » (1), où il faisait déjà le constat des dégâts et mettait en garde contre ceux à venir. Depuis, on s’est beaucoup agité : en 1971, création par l’Unesco des premières « réserves de biosphère » (plus de 580 aujourd’hui) ; en 1992, sommet de Rio qui lance dans le grand public le mot « biodiversité » et accouche d’une grande convention internationale ; en 2010, grande « année internationale de la biodiversité » et accord de Nagoya qui définit cinq « grands objectifs stratégiques ». Mais tout cela n’empêche pas l’effondrement d’aller s’accélérant...
Et voilà que, ce 20 juin, l’ONU remet ça à Rio, avec un nouveau grand sommet où l’on on va nous vanter les vertus de l’« économie verte » et nous expliquer qu’il faudrait créer un grand machin international pour protéger l’environnement. Même Nicolas Hulot est consterné d’avance : « Il vaut mieux un crash diplomatique à Rio que des engagements mous » (« lepoint.fr », 8/6). Or c’est ce qui nous pend au nez, puisque les Etats refusent tout engagement contraignant qui risquerait de nuire à leur sacro-sainte compétitivité et que le capitalisme triomphant a répandu partout l’idée que seules les lois du marché réussiront à préserver la biodiversité (rires dans la salle).
Rappelons-le : si les espèces (animales mais aussi végétales) disparaissent, c’est pour cette simple raison que nous saccageons pour notre seul profit leurs habitats naturels, forêts, prairies, savanes, océans. Les espèces ont besoin d’espaces. Pourquoi la disparition de leur apparente surabondance devrait-elle nous inquiéter ? Entre autres parce que l’économie mondiale repose à 40 % sur les services qu’elles nous rendent, et qu’« une propriété majeure de la biodiversité est la résilience, c’est-à-dire la capacité à absorber les chocs, à retrouver un fonctionnement normal après une catastrophe ». Or, avec le réchauffement climatique, nous allons être servis... (à suivre).
Jean-Luc Parquet
(1) 540 p., 29,90 €.Ouvrage opportunément réédité par Delachaux et Niestlé, postface de Robert Barbault