Commentaire de Pierre Régnier
sur Le déni de la violence monothéiste à l'occasion de la polémique Onfray/Soler de cet été


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Pierre Régnier Pierre Régnier 8 novembre 2012 23:38


@ Jean-Pierre Castel

 

Bien d’accord avec vous sur le dieu jaloux. Voici quelques éléments pour le "groupe de travail" que, j’espère, vous allez réussir à constituer (ne cherchez pas des participants dans les gentils « groupes inter-religieux » officiellement reconnus, on n’y étudie par principe que ce qui ne risque pas de fâcher l’un ou l’autre).

 

Extraits de mon texte  »Désacraliser la violence religieuse" de mars 2000 :

 

" En fait, depuis le massacre des juifs par les nazis le problème -et c’est là toute sa difficulté- se présente de façon plus complexe. On tient à juste titre à ce qu’une pareille horreur ne soit plus jamais possible. On tient aussi, et là encore à juste titre, à écarter, contrairement à ce que suggèrent certains antisémites, toute espèce de responsabilité des victimes dans ce qui leur est arrivé. Mais on en conclut, à tort, qu’il faut écarter de toute étude sur les origines du génocide nazi un quelconque rappel du massacre des cananéens par les hébreux il y a trois mille ans, massacre présenté comme une exigence de Dieu par l’auteur du livre de Josué.

 

On confond ce qui a contribué à former la mentalité des bourreaux avec l’attribution d’une responsabilité à leurs victimes. La mauvaise conscience catholique y est pour beaucoup. On sait qu’elle donne lieu maintenant à des manifestations de « repentance », de demandes de pardon, qui ne vont cependant jamais jusqu’à une exigence de désacralisation de la violence. On continue d’enseigner ou, au moins, de laisser entendre que, dans certains cas, les massacres étaient justifiés, puisqu’ils étaient commandés par Dieu.

 

L’AT fonde la violence sacrée de toute la tradition abrahamique de bien des manières. On oublie trop, par exemple, qu’il est aussi la source de la misogynie et du racisme religieux "

 

…/…

 

" Très tôt dans l’AT Dieu donne des arguments pour l’exercice de ce qui deviendra historiquement la plus terrible et la plus stupide des violences, celle qui s’exercera sur la descendance de ceux qui sont supposés avoir commis une faute. Dans le Décalogue, où l’on voit à juste titre d’excellentes bases morales de la civilisation judéo-chrétienne, il y a aussi cette précision que l’on oublie généralement : Yahvé s’y déclare par la voix de Moïse "un Dieu jaloux, châtiant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième génération" (Ex 20). Mais plus tard Jérémie (Jr 31, 29) et surtout Ezéchiel (Ez 18 et 33,10) modifient cette conception et établissent la nouvelle règle, celle de la « rétribution personnelle », inclue dans la Nouvelle Alliance : « Qu’avez-vous à proférer ce dicton en terre d’Israël : »Les pères mangent du raisin vert, et les dents de leurs fils sont agacées" ? …/… La personne qui pèche c’est elle qui mourra" (Ez 18)

 

Un autre prophète juif, Jésus, élargit encore la notion de justice, le rejet de la violence exercée contre des innocents et la générosité. L’amour du prochain, désormais, doit être universel, s’adresser à tous les peuples et non plus seulement au peuple élu. "

 

C’est ici que nous divergeons. Il n’est pas important pour moi de savoir si Jésus a « inventé » le message « aime ton prochain comme toi-même » ou s’il était déjà chez Confucius et les autres. Ce qui compte c’est ce qu’on fait d’une éthique éventuellement déjà existante.

 

Et ce qui vaut en positif vaut en négatif. Jésus reste pour moi le merveilleux prophète juif qui a tenté la grande réforme pacifiante de sa religion… et qui a échoué. Cela parce que lui-même n’a pas rejeté suffisamment explicitement sa filiation avec « le dieu jaloux » et parce qu’il n’a pas été compris par les Pères de l’Eglise, lesquels ont réaffirmé l’intégrale filiation au lieu de « compléter Jésus » en rejetant clairement la « filiation criminogène ».  

 

Il a jusqu’à ce jour échoué, enfin, parce qu’il est toujours trahi par Benoît XVI et son Eglise.



Voir ce commentaire dans son contexte