Commentaire de jean-pierre castel
sur Y a-t-il plus de violence religieuse dans le monde monothéiste que dans le monde non-monothéiste ?


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jean-pierre castel 13 novembre 2012 16:36

@Hermes
Oui, autres exemples, mais où toujours les enjeux déterminants ne sont pas de remplacer les dieux de l’autre (merci de me corriger éventuellement)

* en Chine :
o « Le fanatisme religieux des populations, qui a fréquemment dégénéré en soulèvements, ne s’est manifesté qu’au sein de courants sectaires, en marge des grandes religions »1,
o l’une des plus grandes persécutions religieuses fut celle menée contre le bouddhisme par l’empereur Wuzong en 845 : pour favoriser le retour à la tradition chinoise (confucianiste et taoïsme), il proscrivit toutes les religions étrangères, au premier rang desquelles le bouddhisme. Les temples, les autels et les monastères furent détruits, un demi-million de personnes furent déplacées. Les monastères bouddhistes avaient amassé une grande fortune ; leurs membres échappaient aux taxations et au service militaire ; nombreux étaient les habitants qui s’étaient fait moines par intérêt matériel ; les monastères étaient soupçonnés d’abriter des complots ; la Chine était plongée dans une guerre civile2 ; les impôts ne rentraient plus. Les mobiles prioritaires de cette violence sont considérés par la plupart des spécialistes comme l’état des finances, le maintien de l’ordre, une réaction conservatrice, plutôt que la rivalité doctrinale ou spirituelle entre bouddhisme et taoïsme3.
o la guerre des Taiping (1851-1864) fut l’une des guerres les plus sanglantes de l’histoire de l’humanité (près de 50 millions de morts). Bien que son chef, Hong Xiuquan (1812-1864), se prétendît le deuxième fils du Dieu de la religion chrétienne, son but était d’instaurer un système quasi communiste, avec de objectifs essentiellement sociaux et économiques. La révolte échoua en raison des divisions internes aux rebelles et de l’appui qu’apportèrent les Occidentaux au pouvoir « légitime » chinois.

* au Japon :
o « durant tout le Moyen-âge japonais, les monastères bouddhistes, qui s’étaient constitué de véritables armées, avaient pris pour habitude d’effectuer des démonstrations de force à Kyoto afin d’impressionner l’Empereur et la Cour, et d’obtenir ainsi la satisfaction de leurs revendications de toutes sortes. Ces monastères joueront souvent un grand rôle durant les guerres qui ont ensanglantées l’archipel nippon. Cela dit, les affrontements armés impliquant des moines soldats n’avaient pas pour motif une querelle sur un aspect du dogme, même s’il a aussi existé des sectes bouddhistes intolérantes »4,
o la rébellion des paysans chrétiens de Shimabara fut noyée dans le sang en 1637, ce qui marqua la fin de la pratique ouverte du christianisme au Japon. Il s’agissait d’une révolte paysanne contre les impôts prélevés par le Shogunat Tokugawa dans un contexte de mauvaises récoltes et de famine,
o « la tolérance et la souplesse d’adaptation du bouddhisme ? qui au cours de son expansion vers l’Est avait pris l’habitude d’intégrer les croyances locales qu’il rencontrait ? sont pour beaucoup dans la paradoxale résistance du shintoïsme »5,
o les moines bouddhistes, zen en particulier, ont souvent participé activement à l’impérialisme et au militarisme japonais, mais en tant que citoyens nationalistes et non pas en tant que missionnaires chargés d’apporter la bonne parole,
o le bouddhisme japonais Nichiren a adopté une attitude proche de celle du monothéisme : prétention à la vérité unique, intolérance, prosélytisme. L’école de Nichiren devint le 3ème courant principal du bouddhisme japonais aux côtés de l’amidisme et du zen. Elle perdure aujourd’hui notamment à travers la Sokka Gakaï. Les bouddhistes japonais eux-mêmes la considèrent comme une secte nationaliste et dangereuse, un cas exceptionnel au sein du monde bouddhiste : l’exception qui confirme la règle ?

1 Christine Mollier, op. cit.
2 La rébellion d’An Lushan (755 – 763).
3 La dynastie Tang (618-907), taoïste, avait maintenu son soutien au bouddhisme arrivé en Chine plusieurs siècle auparavant. La persécution lancée en 845 par l’empereur Wuzong fut violente mais courte. Wuzong était sous forte influence taoïste, au point selon certaines sources de prendre des pilules que les alchimistes taoïstes lui avaient recommandées et devaient lui conférer l’immortalité, mais qui furent sans doute responsables de sa mort.
4 Nathalie Kouamé, Arnaud Brotons, Yannick Bruneton, 2011.
5 Nathalie Kouamé, Arnaud Brotons, Yannick Bruneton, 2011. 


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