Commentaire de Pierre Régnier
sur Y a-t-il plus de violence religieuse dans le monde monothéiste que dans le monde non-monothéiste ?


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Pierre Régnier Pierre Régnier 15 novembre 2012 18:23


@ Jean-Pierre Castel

 

Sur la mystique, la spiritualité, la religion, on pourrait faire des pages et des pages sans se comprendre…

 

Mais je vois que vous me répondez en omettant ma référence à Maïmonide. C’est peut-être parce que j’ai été trop vague. Je croyais vous avoir pourtant déjà rapporté ces extraits du Guide des égarés de Maïmonide (si oui, excusez-moi, mais mieux vaut deux fois qu’une) :

 

Maïmonide est tout à fait clair, explicite, insistant  :

 

« Dieu, »parfait en actes", intervient bien pour exercer ou commander de très justes massacres d’êtres humains. "Nous trouvons, au nombre de ses actions qui se manifestent sur les hommes, de grandes calamités qui fondent sur certains individus pour les anéantir, ou qui enveloppent dans leur destruction des familles, et même une contrée entière, font périr plusieurs générations à la fois et ne laissent ni culture ni progéniture, comme, p. ex., les croulements de sol, les tremblements de terre, les foudres destructrices, l’expédition faite par un peuple contre un autre pour le détruire par le glaive et pour effacer sa trace« (c’est moi qui souligne). Ces actions de Dieu  »sont nécessaires pour gouverner les états ; car la suprême vertu de l’homme est de se rendre semblable à Dieu autant qu’il le peut, c’est-à-dire que nous devons rendre semblables nos actions aux siennes…".

 

Maïmonide donne même ici une intéressante explication sur la fameuse précision contenue dans le Décalogue : "je suis un Dieu jaloux, châtiant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième génération« (Ex. 20,5). »On s’est borné", dit Maïmonide, "à quatre générations, parce que l’homme ne peut voir de sa postérité que tout au plus la quatrième génération. Ainsi, lorsqu’on tue la population d’une ville livrée à l’idolâtrie, on tue le vieillard idolâtre et sa race jusqu’à l’arrière-petit-fils, qui est l’enfant de quatrième génération.. On a donc, en quelque sorte, indiqué qu’au nombre des commandements de Dieu (je souligne) qui indubitablement font partie de ses actions, est celui de tuer les descendants des idolâtres, quoique jeunes enfants, pêle-mêle avec leurs pères et leurs grand-pères.

 

 On ne peut se rassurer en imaginant que, comme c’est le cas ailleurs dans Le Guide des égarés, l’auteur expose ici un point de vue qui n’est pas le sien pour mieux le critiquer ensuite. Bien au contraire ces énoncés sont d’autant plus terribles qu’ils viennent dans un chapitre exposant ce qui semble le plus largement reconnu comme un apport précieux de la pensée de Maïmonide : Les « attributs » bibliques sont des allégories. Dieu commande bien des massacres mais il le fait "en raison du démérite de ceux qui sont punis«  ; on ne doit en aucun cas y voir  »des actions comme celles qui, chez nous, émanent d’une disposition de l’âme, savoir, de la jalousie, de la vengeance, de la haine ou de la colère". C’est d’ailleurs ainsi que ce passage sur la prétendue juste violence pratiquée et voulue par Dieu se veut édifiant : "celui qui gouverne l’état, s’il est prophète« doit bien »faire disparaître tous ceux qui se détournent des voies de la vérité« , »un acte qu’exige la raison humaine" mais il doit le faire en prenant Dieu pour modèle et en tentant d’oublier ses mauvaises motivations humaines "à tel point qu’il doit ordonner de brûler un individu, sans éprouver contre lui ni indignation, ni colère ni haine, n’ayant égard, au contraire, qu’à ce qu’il lui paraîtra avoir mérité, et considérant ce que l’accomplissement de cet acte a de souverainement utile pour la grande multitude".

 

  Maïmonide ajoute enfin, comme le font presque toujours les auteurs de textes, sacralisés ou non, qui affirment et justifient la violence de Dieu :

 

"Malgré tout cela, il faut que les actes de miséricorde, de pardon, de commisération et de bienveillance, émanent de celui qui gouverne l’état, bien plus fréquemment que les actes de punition…" C’est là le fameux second volet dont se contentent les croyants sans exigence et sans cohérence -on pourrait dire « de spiritualité superficielle »- et plus gravement encore les responsables religieux tricheurs qui s’expriment de nos jours après les massacres les plus révoltants commis au nom de Dieu et de la religion.

 

 C’est là aussi la base de la lâcheté des responsables laïcs qui se refusent à mettre en application ce nécessaire et urgent devoir républicain : exiger des responsables religieux qu’ils mettent leur religion en situation de compatibilité avec les Droits de la personne humaine."

 

J’avais mis ça, en juin 2002, dans un texte que j’avais titré, justement "La spiritualité matérialiste" (ou Spiritualité et criminalité).

 

Cordialement. P.R.



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