Commentaire de louphi
sur Le lumpenproletariat ou l'armée du capitalisme


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louphi 6 mars 2013 00:45

Jaja

« Makhaiski s’oppose à Marx en affirmant le potentiel radical que portent en eux les chômeurs et les « houligans » du LUMPENPROLETARIAT »

Voici une belle perle d’âneries que l’anarcho-trotskiste jaja a l’habitude de débiter. Selon jaja, Makhaïski, l’une des éminences de l’anarchisme au temps de la révolution en Russie, affirme le « potentiel » « radical » que portent en eux les « houligans » et les chômeurs tandis que Karl Marx, lui, nierait ce « potentiel radical ».

D’abord, Marx n’aborde pas la question du lumpenprolétariat sous l’angle du radicalisme. Marx aborde cette question sous l’angle de la Révolution prolétarienne. Jaja visiblement n’a pas une idée tant soit peu claire de la révolution prolétarienne qu’il conçoit comme une simple question de « radicalité », notion qui n’a pas un contenu de classe sociale car on trouve des « radicaux » dans la plupart des classes sociales.

Assimiler la radicalité à la révolution, c’est ne rien piger ni de la radicalité, ni de la révolution. Le mot « potentiel » auquel jaja associe celui de « radical », pour faire l’expression « potentiel radical », n’est pas d’un grand secours pour dédouaner jaja. En fait, du point de vue de la révolution prolétarienne, Marx, quant à lui, reconnaît bien que le « lumpenprolétariat, ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société,…peut se trouver, çà et là, entraîné dans le mouvement par une révolution prolétarienne… » (1).

Le lumpenprolétariat, de façon très aléatoire et individualisée, peut se trouver entraîné dans le mouvement révolutionnaire prolétarien. Mais, étant un agglomérat hétéroclite d’individus désocialisés, sans rapport avec la production, vivant de mendicité, de vol, de brigandage et autres mœurs d’accès facile sans effort à l’argent et aux bien-être matériel, le lumpenprolétariat ne constitue ni une classe, ni une sous-classe, ni même une fraction de la classe ouvrière. Par sa manière de vivre aux dépens de la société, le lumpenprolétariat s’apparente plutôt aux classes exploiteuses dont elle reproduit le mode d’existence dans les bas-fonds de la société. Pour le lumpenprolétariat, la révolution sociale n’est pas une nécessité pour réaliser son aspiration au bien-être. La question de la révolution sociale ne se pose même pas.

Et cette nécessité pour la classe ouvrière, ou prolétariat, de réaliser sa révolution en renversant la bourgeoisie, Jaja la rejette catégoriquement en se référant à Makhaïski, idéologue de l’anarchisme syndical et animateur de la contre-révolution russe. Jaja cite Makhaïski :

« Il est indispensable que les ouvriers exigent de la bourgeoisie cultivée, comme le font les houligans, non pas des droits politiques, non pas des idées grandiloquentes et l’éducation, mais de l’argent bien réel, des biens matériels les plus terre à terre ».

Voilà au moins qui est clair pour jaja. La classe ouvrière ne doit pas s’occuper de la politique, ni demander à être éduquée, ni chercher à réfléchir pour avoir des idées. Elle doit seulement se contenter de revendiquer de l’argent bien réel, des biens matériels terre-à-terre. Elle doit éternellement attendre tout cela de la bourgeoisie. C’est du délabrement mental.

Ensuite, quand jaja évoque « les chômeurs et les ‘’houligans’’ du lumpenprolétariat », cela veut dire que pour jaja, les chômeurs et les houligans font tous partie du lumpenprolétariat. Là encore, jaja démontre qu’il n’a rien pigé ni sur les chômeurs, ni sur les houligans, ni sur le lumpenprolétariat. En effet, ce que jaja ne peux comprendre, c’est que les chômeurs, eux, forment la masse des ouvriers en surnombre, « l’armée de réserve industrielle » (2),  font partie de la classe ouvrière ou prolétariat, tandis que le lumpenprolétariat, lui, est « ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société », « cette lie d’individus déchus de toutes les classes » (1).

Ainsi, le lumpenprolétariat n’est pas une sous-classe du prolétariat. Le lumpenprolétariat est plutôt un agglomérat d’individus roués, pourris, hors-classes, déclassés, vivant de mendicité, de truanderie, de brigandage et réfractaires à tout travail productif. Le seul objectif de tels individus, c’est l’accès facile à l’argent, aux biens terre-à-terre, par tous les vils moyens. En ce sens, le lumpenprolétariat constitue bien une pourriture étroitement liée, non pas au prolétariat, mais plutôt aux classes exploiteuses. C’est ce que nous décrit Karl Marx :

« A côté de « roués » ruinés, aux moyens d’existence douteux et d’origine également douteuse, d’aventuriers et de déchets corrompus de la bourgeoisie, on y trouvait des vagabonds, des soldats licenciés, des forçats sortis du bagne, des galériens en rupture de ban, des filous, des charlatans, des lazzaroni, des pickpockets, des escamoteurs, des joueurs, des souteneurs, des tenanciers de maisons publiques, des portefaix, des écrivassiers, des joueurs d’orgue, des chiffonniers, des rémouleurs, des rétameurs, des mendiants, bref, toute cette masse confuse, décomposée, flottante, que les Français appellent la bohême. C’est avec ces éléments qui lui étaient proches que Bonaparte constitua le corps de la société du Dix-Décembre. « Société de bienfaisance », en ce sens que tous les membres, tout comme Bonaparte, sentaient le besoin de se venir en aide à eux-mêmes aux dépens de la nation laborieuse. Ce Bonaparte, qui s’institue le chef du lumpenprolétariat, qui retrouve là seulement, sous une forme multipliée, les intérêts qu’il poursuit lui-même personnellement, qui, dans ce rebut, ce déchet, cette écume de toutes les classes de la société, reconnaît la seule classe sur laquelle il puisse s’appuyer sans réserve, c’est le vrai Bonaparte, le Bonaparte sans phrase. » (3)

Et voici jaja, en bon anarcho-trotskiste disciple de l’anarcho-syndicaliste Makhaïski, défenseur-champion du lumpenprolétariat contre le prolétariat, qui parle de « l’unité de la classe et de ses différentes strates » comme une « nécessité de la révolution ouvrière » pour « l’égalité sociale de toute la classe anciennement exploitée ». L’unité du lumpenprolétariat avec le prolétariat, c’est de la pure démagogie. La « révolution ouvrière égalitaire » makhaïevskienne de jaja, le lumpenprolétariat n’en a cure pour satisfaire ses besoins car la révolution suppose un minimum d’éducation, des idées et des droits politiques.

Or, selon le mot d’ordre même de Makhaïevski, l’idole de jaja, « Il est indispensable que les ouvriers exigent de la bourgeoisie cultivée, comme le font les houligans, non pas des droits politiques, non pas des idées grandiloquentes et l’éducation, mais de l’argent bien réel, des biens matériels les plus terre à terre ». Et même si « la bourgeoisie cultivée » pouvait accéder à la revendication égalitariste du lumpenprolétariat, çà ne sera surement que l’égalité vers le bas dans les bas-fonds.

Le lumpenprolétariat n’a pas seulement un aspect matériel. Il a aussi ses intellectuels comme jaja. Dans la révolution russe à la quelle jaja a fait allusion, certains de ces intellectuels lumpenprolétariens se sont trouvés entraînés, çà et là comme dit Karl Marx, dans le mouvement de la révolution prolétarienne d’Octobre 1917.

Mais, au fur et à mesure que la révolution d’Octobre s’approfondissait, ces intellectuels lumpenprolétariens, tels Jan Waclav Makhaïski, se sont révélés être de redoutables militants de la contre-révolution capitaliste formant divers groupes oppositionnels tels que l’« opposition ouvrière », les « communistes de gauche », les « centralistes démocrates », etc. L’idéologie lumpenprolétarienne recruta des intellectuels petit-bourgeois idéologiquement ruinés dont certains basculèrent dans le terrorisme à l’instar du plus connu d’entre eux, Trotski.

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(1) Marx cité dans l’article ci-dessus.

(2 Marx – Le Capital – Section VII – Chapitre 25

(3) Marx – Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte



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