Commentaire de volt
sur Préparez vos pilules, vous êtes tous fous !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

volt volt 24 avril 2013 15:08

dommage que vous ne fassiez pas un petit comparatif chiffré entre le DSM III et le dernier né, puisque ces gens-là ont réussi en 20 ans à « créer » plus de maladies que deux siècles de psychiatrie...

les choses sont bien plus graves que votre tableau, encore impressionniste : ce ne sont pas « quelques rédacteurs » du DSM qui « seraient » en sympathie avec les pharmacos... c’est une publication directe des firmes pharmaceutiques : 
d’abord on trouve une vague molécule surnuméraire, ensuite on étudie vaguement les effets (« vaguemen » on a dit), enfin on codifie une nouvelle maladie - voilà où on en est.

dès le milieu du siècle dernier, les signes de tout cela étaient évidents avec l’« egopsycology » : Lacan rapporte l’anecdote suivante, que Jung lui aurait racontée : 
Jung et Freud sont sur le bateau qui les rapproche de New York, où Sigmund va donner une série de conférences rapides (qui constitueront les Cinq Leçons) ; une petite foule est là sur le quai qui s’agite avec cris de joie, Sigmund se penche alors sur l’oreille de Karl pour lui murmurer : « ces gens-là ne savent pas que nous leur apportons la peste... »

Ce que Freud n’avait pas prévu, c’est la vitesse à laquelle le formattage d’Amérique allait anesthésier sa pratique, avant de la réduire à néant : alors que la psychanalyse freudienne a pour caractéristique de considérer plus ou moins l’instance du Moi comme une formation imaginaire, tenant lieu d’obstacle, centralisant le système défensif, et donc souvent à déconstruire en partie, afin de lever le trouble, puis, dans un deuxième temps, et en toute neutralité surtout, permettre au patient de se reconstruire à partir de ce qui lui est propre et qui va réémerger de son histoire personnelle ; 

les ricains eux, auront tôt fait de dénaturer, ou plutôt d’inverser tout ça ; et ils « re-théorisent » le freudisme de la manière suivante : 
le Moi comporte une partie bonne de la psyché, c’est une sécurité ! la cure va consister à renforcer ! cette partie en focalisant sur l’identification du patient au moi sain du psychanalyste !
ne rions pas, c’est toute l’Amérique...

d’où le fait que surgit Lacan, et vraiment en sauveur dans pareil contexte, insistant sur le retour à Freud ; il va réussir aussi bien politiquement que théoriquement surtout, et avec quel brio, à inverser cette tendance, en tous cas en Europe et en Amérique latine.

cette histoire récente du DSM est une toujours une traduction de cette vieille tendance, elle a des effets ravageurs d’abord sur le travail des psychiatres, qui ne sont plus que des distributeurs de médocs, mais presque directement sur le travail des psychanalystes surtout, puisque tout va dépendre du pays dans lequel vous travaillez : 
si c’est en France par exemple, psychiatres éveillés, tout va bien, d’abord il sait à quoi s’en tenir côté DSM, ensuite, il sait la place du psychanalyste, la collaboration est possible.

lorsque par contre c’est un pays du tiers monde, c’est fini : 
le psychiatre se prend pour la science, il a son DSM sous le bras, il participe aux défenses et résistances du patient à la cure, il sait comment jouer avec les dosages de sorte à foirer le coup ; le psychanalyste se retrouve alors en position de chirurgien opérant avec à ses côtés un enfant fou et pervers en position d’anesthésiste, or des vies sont en jeu, c’est un cauchemar indescriptible ; au point que les psychanalystes forcés de collaborer avec les agents du DSM ont désormais pour tendance de refuser les cas où les ravages des fans du DSM sont à prévoir...

Voir ce commentaire dans son contexte