Commentaire de Christian Labrune
sur Le sens de l'humain


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Christian Labrune Christian Labrune 11 octobre 2013 09:17

" En ce qui concerne le Salut, je fais à nouveau valoir mon droit à définir mes propres concepts comme je les entends« 

@Rougalashinga
Je voulais vous achever au moyen de la grosse artillerie du TLF, mais je n’ai pas la version sur papier et un dysfonctionnement empêche qu’on puisse avoir accès, ce matin, à la petite fenêtre de questionnement. Je me contenterai donc de Littré.

Plusieurs définitions du mot »salut« . La première : »mise hors de mal, hors de péril« . Je ne lis pas les exemples de Littré,mais j’en propose un de mon cru : les naufragés n’ont dû leur salut qu’au passage d’un chalutier. Deuxième définition : »Félicité éternelle« . Inutile de lire les exemples, on est bien évidemment dans la perspective religieuse qui nous occupait. Les autres définitions sont sans grand rapport avec notre sujet.

Je substituais mon propre exemple à ceux de la définition 1 de Littré parce que je pensais à l’argument du pari : vous me demandez de parier, dit le libertin, mais je n’ai pas du tout envie de le faire. Vous ne pouvez pas l’éviter, dit Pascal : »vous êtes embarqué« . Autrement dit : vous êtes vivant, et la vie est un bateau qui fait eau de toutes parts (c’est ce que vous écrivez vous aussi dans votre début). Se sauver au sens 1, si c’est sortir d’un péril, dans la perspective qui est ici la nôtre, c’est bien sortir heureusement du péril existentiel, de la vie même, et cela nous rabat bien évidemment sur l’hypothétique hypothèse du sens 2 : la »félicité éternelle« .

Pascal et n’importe quel chrétien rigoleraient d’une prétention du libertin de se »sauver par lui-même« et ils auraient tout à fait raison  : aussi longtemps qu’il reste vivant, ce malheureux, il est en péril au sens 1, et demain, il coulera à pic, inévitablement. Le libertin lui-même serait bien le dernier à vouloir le nier : même s’il s’efforce de faire bonne figure aussi longtemps qu’il surnage, même s’il se raidit face à l’adversité comme Dom Juan, il sait très clairement que, dans le naufrage inévitable de son existence, il ne peut attendre aucun sauveteur, et pas plus au sens 2 qu’au sens 1. On peut certes »trouver son salut dans la fuite« mais on ne peut fuir l’existence que les pieds devant, et ça n’est assurément pas une évasion, pour l’athée, qui puisse mener bien loin. Je le redis encore une fois : en dehors de la religion et de la croyance en Dieu, point de »salut" !
En ce sens, et cela est assez paradoxal, il y a incontestablement beaucoup plus d’humilité dans la position de l’athée condamné à une irrémédiable déréliction que dans la prétention du chrétien assuré de l’arrivée prochaine du canot de sauvetage. Il ne compte que sur ses propres forces pour se maintenir encore quelques instants à la surface, tout en sachant que, très bientôt, il va boire la tasse.


Voir ce commentaire dans son contexte