Commentaire de hommelibre
sur Pour un nouveau Situationnisme


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hommelibre hommelibre 4 novembre 2014 14:42

L’aliénation fit les beaux jours de Mai 68. Elle fut convoquée régulièrement par Guy Debord et les situationnistes. Elle était, paraît-il, le voile invisible de la société de consommation. Elle fut, bien avant cela, utilisée avec quelque succès par Karl Marx.

L’aliénation était un concept imparable. En effet, si une personne est aliénée, elle ne peut être consciente qu’elle l’est, justement parce qu’elle l’est. Succulent, non ? L’aliénation poserait un voile sur la conscience de soi et sur la liberté de choix. Nous serions « agis » de manière invisible par des suggestions, des inductions, des incitations et des influences que nous ne percevrions pas et qui gouverneraient notre vie.

Les prostituées qui ont décidé librement de louer leurs services sexuels ne seraient que des inconscientes, des aliénées qui ne savent pas ce qu’elles font. L’aliénation ferait de nous des esclaves - on ne sait exactement de qui. Du « Système », selon Guy Debord. La personnification d’un système tout-puissant est de nature paranoïaque et fait penser à 1984. On n’a d’ailleurs pas assez exploré ce qu’il y a de parano dans les analyses critiques de la société de cette époque.

Le mot « aliéner » signifie : céder, comme céder un droit de propriété. De là vient l’idée de « rendre étranger » à soi. De cette étrangeté découle la folie. Asile d’aliénés : lieu où l’on garde et soigne des personnes qui ne s’appartiennent plus, dont l’esprit est égaré. La signification politique est certes un peu différente, mais elle court sur la même piste : l’aliénation économique ou mentale est le fait de ne pas posséder sa propre vie, d’être devenu étranger à soi-même.

Le sens politique, comme le sens médical, contient l’idée que le sujet ignore sa propre aliénation. C’est bien pratique : tout ce qu’il dit ou fait devient dès lors une confirmation de son aliénation, même ses dénégations ! C’est dingue.

Bien sûr qu’il y des des éléments conditionnants, voire prédéterminants, dans la vie d’un homme ou d’une femme. L’origine géographique, la langue, les croyances religieuses, la classe sociale, les modèles et l’éducation familiale, la culture en général, formatent l’individu. Ce formatage est d’abord une éducation au sens noble du terme : un moyen de comprendre le monde et d’y exister sans y être étranger. 

Dès le moment où l’on décide par soi-même, on doit être considéré comme libre, même si notre éducation nous prépare plus à certains choix qu’à d’autres. Le fait de décider fait de nous des être certes formatés, mais libres de reproduire ou non le formatage reçu.

C’est un changement radical de paradigme par rapport aux décennies qui ont suivi Mai 68.

Dans le nouveau Situationnisme comme je le propose, l’être humain doit être considéré comme fondamentalement libre et non aliéné par le système ou au système. La condition de base n’est pas l’aliénation, elle est la liberté. Que cette liberté soit en partie sous influence et qu’elle grandisse avec le temps n’y change rien.

Que l’on soit athée, de gauche, de droite, djihadiste, chrétien, russe, américain, la condition commune est la liberté présupposée. Liberté d’endosser ou non, de reproduire ou non les outils culturels reçus pour nous construire dans un monde donné, dans un spectacle du monde, dans une « situation » (un contexte, un pattern culturel) spécifique.

Celui qui dit que les humains sont aliénés, se poste en supérieur. C’est lui le tyran, l’aliénant.



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