Commentaire de Nycolas
sur L'autre avenir des surdoués


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Nycolas 5 octobre 2015 13:10

J’ai plusieurs remarques.

La première est qu’à mon avis, vous généralisez et amalgamez ici à tort le problème des surdoués et celui du chômage. Dans notre société, le chômage c’est pour tout le monde.

Deuxièmement, être surdoué n’est pas synonyme d’être sur-diplômé, et vice-versa. On peut être l’un ou l’autre.

J’en déduis que vous expliquez, ou excusez votre situation par votre « don », alors qu’il n’y a pas besoin de s’excuser quelque chose que la société fait subir à tout le monde. Aussi, vous prouvez dans votre article qu’être doué et sensible ne crée par forcément un être très conscient de lui-même, si vous me pardonnez ce jugement. Il me semble que vous auriez besoin de vous défaire de quelques idées reçues pour devenir un peu plus vous-même. Et devenir soi-même n’implique pas de « s’intégrer » dans une société qui s’est déshumanisée de toute façon, même au contraire.

J’ai moi aussi passé toutes sortes de tests, au début de ma vie d’adulte, après un parcours d’échec scolaire dans un laisser-aller total, un désintérêt absolu pour la chose scolaire, en étant malgré tout parvenu jusqu’au bac (sans le réussir) sans avoir jamais, en aucune façon, travaillé pour en arriver là. On m’a diagnostiqué à trois reprises comme surdoué (sans oser employer le terme). En gros, j’étais premier des tests à chaque fois, on m’a même dit qu’on avait « jamais vu ça », à une occasion. Pourtant je n’ai aucun diplôme à part le BEPC. Pourtant, je suis au chômage, pourtant je ne lis pas du Rimbaud, pourtant je ne suis jamais allé voir la flûte enchantée, pourtant je suis célibataire, pourtant je n’ai pas d’enfants, pourtant, 20 ans après ces tests, je suis pauvre, isolé, etc. Je n’écris pas cela pour m’en plaindre, seulement pour témoigner, seulement pour dire que j’en ai raz-le-bol de ce snobisme du travailleur, de ce snobisme de la culture institutionnelle. L’école ne m’a rien appris sinon qu’on voulait m’y formater, d’où mes réticences. Le monde du travail ne m’a rien apporté sinon des bris de mon esprit, on appelle ça des traumatismes.

La beauté est dans la nature, l’intelligence aussi. L’humain s’étant dénaturé, il s’étonne de tout et en premier lieu de lui-même, qu’il ne comprend pas. Et lorsqu’il ose enfin se comprendre, il peut soudain se trouver en total décalage avec le monde environnant qui lui, est en course permanente pour une réussite superficielle, dans une compétition décérébrée et vaniteuse, et là je suis d’accord avec vous. Mais vous ne pouvez pas vous raccrocher à ce type de société en espérant qu’elle vous permettra de vous réconcilier avec vous-même en même temps qu’avec elle. Cela ne marche tout simplement pas ainsi. La société brise les individus pour en faire des entités productives. Le reste ne lui importe pas réellement, au point qu’il est même rare de trouver un thérapeute qui ne se vit pas lui-même comme un simple ingénieur-réparateur des pièces usées du système. Ils vous donneront des médicaments, ils vous donneront des leçons de morale, mais jamais ils ne vous donneront une opportunité d’exister en tant que vous-mêmes.

Je pourrais en raconter encore des tonnes sur ce que j’ai constaté, mais je m’arrêterai là, en terminant simplement en disant que l’exclusion, de nos jours, touche tout le monde à divers degrés. Les surdoués ne sont pas plus, ni moins, victimes que les autres. L’être idéal de ce système est la personne totalement formatée, la personne totalement dans le moule, ni trop ni pas assez intelligente. Cette personne idéale est juste assez intelligente pour être fière de sa médiocrité et la défendre coûte que coûte. Elle regarde de haut les « cons » et les « débiles » qui lui permettent de se sentir intelligente, et crache sur les plus doués qu’elle, insultant leurs idéaux, leurs discours alambiqués qu’elles ne comprennent pas, et se raccrochent au « bon sens populaire » pour mieux mépriser l’intelligence. Mais en se comportant ainsi en bourreau, elle est avant tout victime d’un système qui s’est servi de sa relative faiblesse, de sa vulnérabilité, pour faire d’elle un soldat du consumérisme, du mercantilisme et la médiocratie.

Le problème n’est pas d’être surdoué. Le problème est d’être différent, d’être autre que cela.


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