Commentaire de Renaud D.
sur La Société d'économie solidaire, une autre vision de l'économie
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Le système que vous proposez existe et a déjà fait ses preuves : c’est le système coopératif dans lequel les plus-values sont réparties entre coopérateur, ce qui induit une grande partie des propositions que vous faites pour le fonctionnement de l’entreprise.
En tant que professeur d’histoire, il vous sera facile de vous renseigner sur l’importance des coopératives ouvrières de production et de distribution qui ont fleuri à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Vous pouvez vous appuyer sur les Ecrits Politiques de Mauss (Fayard 1997) pour les situer dans le contexte philosophique de l’époque.
La Russie a dû une grande part de sa croissance rapide du début du XXe siècle à l’essor des coopératives. Elles occupaient une part importante de l’économie russe avant que Lénine ne les liquide juste avant sa mort, au début des années 20.
La Yougoslavie de Tito s’est développée également sur principes similaires. Son développement a été stoppé opportunément par la guerre civile. Opportunément, parce que les cartels bancaires ne supportent l’idée que l’individu puisse gérer de sa propre initiative la valeur ajoutée produite par son propre travail. Le pouvoir économique qu’ils exercent procède de la gestion de la valeur ajoutée dont ils s’estiment les seuls attributaires. En proposant que les banques pourraient être contraintes d’adopter un fonctionnement coopératif, vous semblez être passé à côté de cette réalité.
Il reste des organismes financiers issus du système coopératif du début du Xxe siècle, mais l’étiquette ne correspond plus au produit.
Votre proposition renvoie également à ce qui se pratique actuellement dans les coopératives de production d’Amérique du Sud livrant leurs produits aux sociétés de distribution du commerce équitable.
Elles sont irréalisables en France et le demeureront tant que l’Etat dépendra d’une aristocratie marxo-libéraliste qui s’accroche aux murs tandis que le sol s’effondre sous ses pieds.
Les intérêts des cartels bancaires fleurissent allégrement sur le fumier répandu par le marxisme. Marx leur a rendu un immense service en ne proposant pour alternative à la gestion financière de la politique que la collectivisation des moyens de production, dont l’expérience soviétique a prouvé l’irréalisme. Il a ruiné pour des générations l’idée que l’entreprise puisse assumer sa responsabilité sociale et dénaturé les postulats proposés par Adam Smith qui constituaient de bonnes bases de proposition. L’Etat français pense assurer sa fonction régalienne en s’insérant violemment dans toute initiative individuelle, exigeant au nom d’un principe souverain que tout créateur de richesse alimente les prébendes dont jouissent ses hauts fonctionnaires avant de pouvoir vivre de ses propres ressources.
Tant que la société française restera hallucinée devant la création de richesse comme un chat dans les phares d’une voiture, tant qu’elle ne verra dans la capacité d’entreprendre qu’une menace pour ceux qui pensent qu’il n’y a création de richesse que dans la confiscation du travail d’autrui, votre proposition rejoindra l’oubliette dans laquelle pourrissent ses milliers de suggestions semblables.
Lorsque la France tentera de se réveiller, elle se fera remettre à sa place par les cartels bancaires qui détiennent la réalité du pouvoir et compte bien ne rien changer à la situation existante, sinon en la précarisant davantage.
Je ne vous répondrai pas dans le détail de vos propositions, qui dénotent un trop grand manque de connaissance dans la réalité de l’entreprise (la mutualisation du risque par l’intéressement aux résultats est largement préférable à une redéfinition annuelle des salaires humainement inacceptable, la limitation des salaires dans une fourchette de 1 à 3 est une réalité statutaire dans de nombreuses SCOP et coopératives comme les Biocoop par exemple et limitation dans une fourchette de 1 à 5 une réalité financière dans la majorité des PME).
Pour conclure, je voudrais souligner que le pouvoir dans les coopératives s’exerce sur le principe un homme, une voix. C’est à partir de ce postulat que s’exerce le pouvoir. L’expérience montre que, dans les SCOP, la majorité des salariés ne s’immisce pas dans les problèmes liés à la gestion et délèguent tout simplement leur bulletin de votes aux dirigeants. C’est un autre (et très vaste) débat.
Cela dit, votre article a le mérite de montrer qu’un autre monde est possible et de procurer un peu d’air frais dans le vase clos de la pensée unique.
Cordialement
Renaud D.