vendredi 14 avril 2006 - par Tristan Valmour

La Société d’économie solidaire, une autre vision de l’économie

Les nouveaux types de contrats de travail sont destinés à apporter une réponse aux problèmes de l’emploi en favorisant telle ou telle population, ce qui revient à créer des dissensions, des discriminations. Ainsi les « vieux » sont-ils opposés aux « jeunes », les diplômés aux non-diplômés, le tout pour jouir de ce qui peut s’assimiler à un droit « constitutionnel » : travailler. Certains hommes politiques, pour résoudre le chômage, veulent aller plus loin en réformant le droit du travail en profondeur. D’autres, au contraire, souhaitent le statu quo, voire un retour en arrière. Pourtant, n’y aurait-il pas matière à contenter les uns comme les autres en analysant objectivement les préoccupations des chefs d’entreprises comme celles de leurs employés ? Une réponse satisfaisante pourrait alors être apportée par l’introduction d’une nouvelle forme juridique sociétale : la Société d’économie solidaire.

Tout chef d’entreprise, il ne faut pas l’oublier, est un travailleur précaire. Cette précarité peut être certes compensée par des revenus conséquents, mais dans la plupart des cas, elle ne trouve aucune compensation financière. Ainsi il n’est pas rare que les salariés d’une entreprise gagnent plus que leur employeur. Ajoutons à cela de nombreux sacrifices (vie familiale, responsabilités juridiques et sociales...), et nous pourrons aisément conclure que le statut de chef d’entreprise n’est pas si enviable. Le souci du chef d’entreprise peut être réduit à ce que la somme de ses décisions heureuses dépasse celle de ses choix malheureux, dans un environnement qu’il est loin de maîtriser.

Tout salarié, il ne faut pas l’oublier non plus, est aussi un travailleur précaire. Le CDI n’est pas un vaccin contre le chômage. Les procédures de licenciement sont certes complexes et coûteuses, moins cependant que de conserver un salarié indésirable, quelle qu’en soit la raison. Seul le fonctionnaire est assuré de son emploi tant qu’il n’a pas commis d’acte grave dans l’exercice de sa fonction. Le souci du salarié est d’assurer à son entreprise une position qui lui permette d’obtenir une rémunération en échange de son travail.

L’actionnaire, quant à lui, a pour souci de valoriser son capital, même si certains, « les actionnaires engagés », poursuivent en parallèle d’autres objectifs. L’entreprise, ses dirigeants et les employés sont donc, aujourd’hui, des produits de placement, alors qu’historiquement l’actionnariat avait pour objectif premier d’assurer la croissance des entreprises par l’apport de capitaux externes.

Le statut comme les objectifs de l’entrepreneur et du salarié ne sont pas si éloignés, ils ont en tout cas plus à gagner en s’accordant. Une partie des problèmes peut être expliquée par cette incommunicabilité. En effet, un enrichissement personnel de l’entrepreneur consécutif à des décisions heureuses peut être jugé indécent par les salariés si ceux-ci ne bénéficient pas à leur tour du fruit collectif. De même, un salarié qui ne remplit pas les objectifs qui lui ont été assignés, ou dont le coût rend difficile l’équilibre de l’entreprise, devient-il une menace pour l’entreprise, l’entrepreneur et les autres salariés. L’actionnaire ne s’inscrit pas, en général, dans la dimension humaine de l’entreprise.

Vivre, c’est risquer, même si l’une de nos préoccupations nous conduit à limiter le potentiel négatif du risque. Certains ont un attrait pour le risque quand d’autres y sont confrontés par obligation. Ainsi les employeurs qui appartiennent à la première catégorie demandent aux employés - la seconde catégorie- de partager leur vision du risque en introduisant plus de souplesse dans le droit du travail. Un partenariat clair, honnête et équitable pourrait concilier les besoins de chacune des parties et redéfinir la dimension sociale de l’entreprise : une aventure humaine collective. La création d’une nouvelle forme sociétale, la SES (Société d’économie solidaire), pourrait répondre à cette définition. Cette société serait mue non par une recherche immodérée du profit au service de quelques-uns, mais par la recherche d’un réel équilibre qui satisfasse toutes ses composantes. Cela reposerait sur un certain nombre d’avantages assujettis à autant de garanties.

Des aides à la création d’abord. Le créateur lambda est confronté à deux problèmes majeurs : trésorerie (les banques ne prêtent qu’en échange de garanties) et formation insuffisantes. Ainsi de nombreuses entreprises sont conduites à la faillite avant leurs cinq premières années d’existence. Les dirigeants issus des grandes écoles ainsi que ceux qui disposent d’un capital suffisamment important (ce sont souvent les mêmes) ont un taux de réussite supérieur aux autres. Voici donc quelques idées, pour garantir « l’égalité des chances » :

- Gratuité des formalités administratives, et formation continue gratuite du gérant pendant un an

- Prêt de 50 000 euros (maximum) au gérant, attribution d’une sorte de RMI et suspension des charges sociales du gérant. Ces aides seraient accordées sous conditions, et remboursables sur cinq ans, à partir de la troisième année d’existence.

Des avantages sociaux ensuite. L’importance des charges sociales garantit certes une protection sociale importante - et c’est heureux -, cependant elles sont un frein au développement des entreprises, surtout quand le monde se rétrécit (mise en concurrence, dans certains secteurs, de nos entreprises avec les entreprises étrangères). Voici donc quelques « idées » pour baisser le coût social du travail :

- Suspension des cotisations URSSAF, qui ne seraient dues qu’en cas de licenciement

- Création de caisses sociales autonomes

- Allègement des autres cotisations sociales

Des avantages fiscaux pour les dirigeants et les employés de ces SES : exonération de l’impôt sur le revenu pour les uns comme pour les autres. D’ailleurs l’impôt sur le revenu n’est guère productif, d’autant plus que les contribuables informés, en général les plus importants, y échappent partiellement, voire totalement.

La SES serait également la seule entreprise à bénéficier des aides publiques comme à accéder aux marchés publics. L’octroi des aides publiques fausse l’économie de marché car, limitées, elles profitent à certains secteurs, à certaines entreprises, au détriment d’autres. Pourquoi en effet privilégier le vigneron, au mépris de l’artisan ou du boutiquier ? L’expérience nous a également montré que les aides publiques accordées aux entreprises en échange de leur implantation n’a pas toujours vu pérenniser l’emploi ni contribuer aux richesses locales. Même si l’accès aux marchés publics a gagné en transparence au cours des dernières années, le chemin est encore long pour abolir la corruption.

La SES serait également la seule entreprise à recourir aux contrats aidés et, pourquoi pas, à assouplir la procédure de licenciement.

On peut enfin imaginer que certains secteurs (banques, assurances, industries alimentaire et culturelle, bref, tous les producteurs de biens et services indispensables) ne puissent se constituer qu’en SES.

Si les avantages octroyés à cette entreprise paraissent conséquents, les garanties le sont aussi.

D’abord, tout licenciement devrait être approuvé par la majorité des employés, et les cotisations URSSAF seraient dues.

Ensuite, la SES n’aurait droit ni d’entrer en Bourse, ni de muter en un autre type de société.

De même, tout bénéfice non réinvesti serait versé à l’Etat.

Enfin, le salaire (qui inclut les primes) deviendrait la seule forme de rémunération, aussi bien pour les employés que pour les dirigeants. Le salaire le plus haut ne pourrait pas dépasser de trois à cinq fois le salaire le plus bas. La cohésion sociale serait renforcée tout en garantissant une discrimination des revenus, moteur de performance. L’instauration d’un salaire maximal - on n’en parle jamais quand le salaire minimal existe- pourrait venir compléter cette mesure.

En résumé, la SES s’inscrit parfaitement dans une logique capitalistique, productrice de richesse, tout en écartant ses excès, à savoir la recherche immodérée du profit au service exclusif d’une minorité. Celle-ci s’établit au détriment du salarié, du consommateur et des écosystèmes. Les effets bénéfiques, au contraire, il convient d’en poursuivre l’analyse, ce qui ne peut être l’objet d’une telle synthèse, pourraient être multiples.

Tristan Valentin



39 réactions


  • Marsupilami (---.---.32.185) 14 avril 2006 12:25

    Très intéressante proposition...

    Qui pourrait figurer dans le programme socialiste si les éléphants de la rue de Solférino pensaient à en élaborer un.

    « Qu’il vienne, qu’il vienne, le monde dont on s’éprenne » (Arthur Rimbaud).

    Houba houba !


  • Anti-Hoax (---.---.206.93) 14 avril 2006 13:22

    Excellent.

    « Tout chef d’entreprise, il ne faut pas l’oublier, est un travailleur précaire. »

    Exact, quoique je limiterai cela aux dirigeants de PME/PMI, ; dans les grands groupes, les compensations sont rtelles qu’on ne peut plus parler de précarité. Vous auriez pu ajouter qu’ils ne bénéficient pas des Assedic en cas de chômage.

    On parle baucoup de précarité en ce moment, mais on oublie les commerçants, artisans et professions libérales qui vivent quasiment au jour le jouir, sans indemnité de chômage eux non plus en cas de faillite.

    « L’actionnaire, quant à lui, a pour souci de valoriser son capital »

    Un capital qui ne vaut plus rien si l’enreprise fait faillite.

    Note : je suis salariée, donc pas concernée.


  • jcm - Freemen (---.---.0.12) 14 avril 2006 13:28

    Inventer ou promouvoir une forme d’entreprise qui concilierait mieux l’ensemble des intérêts en présence serait effectivement un grand avantage par rapport à la forme d’entreprise la plus répandue aujourd’hui et qui a des effets pervers nombreux et très coûteux à divers titres.

    Une forme d’entreprise qui garantirait une meilleure équité et une stabilité plus grande apporterait beaucoup à chacun, à tous et peut-être jusqu’à la démocratie.

    Car, au moins pour ce qui concerne la grande entreprise à actionnariat externe de type « fonds de pension », l’entreprise est un facteur important d’instabilité à tous les niveaux, depuis la santé des employés (voir certaines statistiques ou des clients : La santé, le cadet des soucis des géants de l’alimentation) jusqu’à l’action politique parfois trop minée par l’activisme des lobbies : c’est la menace que fait peser la puissance financière des entreprises sur les états.

    Autour de quoi tout cela tourne-t-il ?

    Autour des flux financiers, avec trois grandes questions : quels sont leurs montants, quels sont leurs destinataires et de quelle utilité sont ces flux pour la société (pour les sociétés, pour l’humanité...).

    On saurait depuis quelques temps déjà si ces flux avaient un effet bénéfique fort du point de vue de l’équité et d’une juste répartition des richesses.

    Par ailleurs certains indices peuvent nous laisser penser qu’un basculement mondial pourrait se produire : les centres de richesse tendent à déplacer de l’Occident vers l’Orient, nous assistons probablement au début de ce mouvement qui nous déstabilisera de façon encore plus profonde s’il s’amplifie.

    Ce en sont donc pas uniquement nos petites entreprises qu’il faudrait adapter aux conditions du moment mais aussi le fonctionnement des plus grandes serait à réviser.

    Or il existe une formule d’entreprise peu usitée mais qui présente une très vaste palette d’avantages : la SCOP (voir Entreprises, anti-démocratie, facteur d’instabilité) en termes notamment de répartition équitable des revenus comme des responsabilités, mais aussi d’ancrage dans un tissu local.

    Un ancrage qui sera peut-être fort apprécié le jour où le prix trop élevé du pétrole nous causerait certaines difficultés (d’approvisionnement en particulier).

    De ce point de vue comme de celui de la nécessité de limiter très fortement nos émissions de gaz à effet de serre le fait de modifier aussi vite que possible la nature, la structure financière, les modes opératoires de nos entreprises pourraient nous apporter un certain confort pour l’avenir.

    La mondialisation « galopante » actuelle pourrait se terminer par la nécessité impérieuse de « relocalisations » massives.

    Lesquels de nos politiques en auraient conscience ?

    Où nous mênent-ils ?

    Du seul point de vue du climat : dans le mur, nous le savons.

    Mais d’un point de vue social, en France mais aussi dans d’autres pays, la destination pourrait être identique...

    Et là je ne peux que renvoyer à un article publié il y a quelques jours sur Agoravox : Appel à la résistance


    • Tristan Valentin (---.---.60.128) 17 avril 2006 20:11

      Très intéressante réflexion que je partage en grande partie.


  • ifelhim (---.---.126.105) 14 avril 2006 14:10

    Comme quoi il est possible de proposer des idées qui sortent les querelles stériles gauche-droite. L’idée pose une base de reflexion interessante.


  • Tristan Valentin (---.---.201.198) 14 avril 2006 14:31

    Il faut lire : suspension des cotisations ASSEDIC au lieu de suspension des cotisations URSSAF


    • CELINE (---.---.226.118) 15 avril 2006 19:05

      Effectivement je comprends mieux car suppression des cotisations URSSAF c’était bizarre dans une telle réflexion intelligente. Comme quoi une AUTRE économie pourrait exister et la politique actuelle n’est pas une obligation, une fatalité... Bravo Monsieur Valentin


  • éric (---.---.30.129) 14 avril 2006 15:47

    Proposition intéressante pour la solidarité. Mais le défaut qui reste est que votre vision de l’entreprise est purement financière. L’individu ne fait pas que des choix financiers. Peut-être je préfère être moins payé et travailler moins. Malheureusement ce choix n’est pas toujours possible dans une entreprise, surtout dans ne pme ou tpe. Et vous ignorez les phénomènes liés aux relations humaines, amour du pouvoir, amour propre... qui entraînent des dysfonctionnements (rétention d’information...). Ceci étant ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.


    • (---.---.201.198) 14 avril 2006 16:11

      Monsieur, je vous remercie pour cette contradiction. Mes propositions ont en effet beaucoup de défauts, elles ont pour objectif de conduire à la réflexion. Dans le modèle synthétique proposé, rien n’empêche de travailler moins. Quant aux problèmes liés aux relations humaines, il ne faut pas avoir une vision ethnocentrée du sujet. Claude Lévi-Strauss, ainsi que d’autres ethnologues ont démontré que l’amour-propre comme l’amour du pouvoir sont intimemement liés à la propriété, et donc absentes chez certains peuples. C’est une question de culture, de mentalité. Le fonds culturel dans lequel nous baignons, et qui prouve que nous sommes aussi et surtout un PVD, n’est certes pas favorable à cela. Pourtant, qui aurait parié sur le changement de comportement des conducteurs ou des fumeurs il y a encore peu d’années ?


    • Adebisi (---.---.2.36) 15 avril 2006 17:15

      « Mais le défaut qui reste est que votre vision de l’entreprise est purement financière. L’individu ne fait pas que des choix financiers. Peut-être je préfère être moins payé et travailler moins »

      excuse moi, mais je ne suis pas d accord avec ton constat ! Si l entreprise a une vision autre que financiere, merci de me le dire, mais j ai pas l impression que ca soit vrai, plus maintenant ! La vision financiere est le principale interet du chef d entreprise car s il faute ds cet aspect, il est mort

      la vision financiere est imposée a toute les couches de la société, et c est bien le probleme !

      tu dis ’Peut-être je préfère être moins payé et travailler moins’, comme si on avait le choix !! tu connais le nbre de gens qui bossent et qui n arrive pas à joindre les 2 bouts ?

      Avec la globalisation des économies, la vision financiere est devenu le seul aspect important ! Il y a bien longtemps, l entreprise avait encore un aspect social car elle etait liée directement avec la population locale (l entreprise produisait pour un marché bien spécifique (local ou national)) ! Depuis que l entreprise peut fabriquer n importe où pour chercher le cout de la main d oeuvre la plus basse, l aspect social a totalement disparu !

      pour moi, le chef d entreprise n est pas un salaud par nature ! mais le systeme fait qu il ne doit privilégier qu un seul aspect, la pérenité de son entreprise ! donc tout les coups sont permis !

      si l on donnait a l entreprise d autres objectifs que la rentabilité financiere, on vivrait sans doute mieux (enfin j espere)


  • herbe (---.---.49.58) 14 avril 2006 18:32

    ce n’est pas vraiment un commentaire mais simplement pour dire que votre article me réjouit. Bonne continuation...


  • Profe Miguel (---.---.238.174) 14 avril 2006 22:03

    Merci pour cet article ! Les commentaires sont souvent ici inégaux en qualité et respect de l’autre, je nous souhaite que le débat que vous lancez soit productif.


  • Vincent (---.---.224.192) 15 avril 2006 05:14

    Avec la « Société d’économie solidaire » de cet article, nous glisserions très vite vers le féodalisme et système de castes.

    « il convient d’en poursuivre l’analyse » : Quelle analyse ?

    « La Société d’économie solidaire, une autre vision de l’économie » : Quelle vision ? Les effets du cannabis ?


    • (---.---.237.92) 15 avril 2006 09:52

      Monsieur, Vous énoncez deux thèmes « féodalisme » et « système de castes » sans les définir, ni les associer à un prédicat (propos). De plus, vous employez la tonalité ironique « effets du cannabis » pour tenter de décrédibiliser l’énoncé initial. Votre critique, et c’est fort dommage car elle aurait gagné à être intéressante, n’apporte malheureusement aucune information.


    • g33ktaku (---.---.85.89) 16 avril 2006 18:05

      D’abord un mot, pour féliciter l’initiative et la réflexion de l’auteur : Chapeau, y’a encore un espoir...

      @Vincent

      [« Avec la »Société d’économie solidaire" de cet article, nous glisserions très vite vers le féodalisme et système de castes.]

      Ha... Il me semblait qu’on était en plein dedans... Les super-riches aux pouvoir et les pauvres exploités (Point de vue mondial)

      [« il convient d’en poursuivre l’analyse » : Quelle analyse ?]

      ... Rien, laisse tomber...

      [« La Société d’économie solidaire, une autre vision de l’économie » : Quelle vision ? Les effets du cannabis ?]

      Tu fais parti des gens qui affirme que rien ne va depuis 30 ans, non ?

      Et il y a 30 ans... On à interdit l’usage (ancestral) du cannabis...

      Moi aussi je suis un rigolo ;)


  • (---.---.220.128) 15 avril 2006 11:33

    Il existe les sociétés de type coopératives où associatif à but lucratives. Ce type de sociétés laissent la place aux salariés dans le pouvoir de décision et dans le choix du gérant qui est salarié comme les autres. Le problème c’est qu’au départ il faut que tout le monde apporte de l’argent en définitif ce sont les actionnaires qui travaillent et qui forment le capital. Quand la boîte où je travaillais avait été placés en redressement judiciaire, j’avais proposé de monté une structure de ce type aux salariés, nos indemmnités de licenciement suffisaient pour commencer, ils n’ont pas voulu, on veut le beurre, l’argent du beurre et la crémière !...


    • simon (---.---.12.94) 15 avril 2006 14:57

      Cela ne m’étonne pas. Tout le monde veut empocher la prime mais pas le risque qui va avec. Paradoxalement, à force de remparts, de lois, de régimes particuliers, il semblerait que l’on soit plus gagnant à ne prendre aucun risque. La SCOP est une entreprise capitalistique propriété de tous ces acteurs, on partage le risque et le profit. Il reste que le mot « profit », dans notre modèle social, est presque un gros mot. Et pourtant, pour assurer notre travail, nos participations, nos augmentations de salaire, nos CE, et autres zavantageacquis il faut bien des profits. La société d’économie solidaire n’est pas une utopie, c’est un pléonasme. Il n’y a pas de société sans solidarité, pas de société sans économie et pas de solidarité sans économie. Le meilleur système, pour moi, c’est l’absence de système, la liberté et le droit. Un socle fondamental et admis de tous qui permette aux plus entreprenants de réussir et d’entraîner les plus timorés. Que la France de la rue ne se trompe pas, sauf à établir un régime collectiviste (43% des français trouve OB plutôt sympa) nos enfants et petits enfants ne seront pas tous fonctionnaires. C’est mathématique, les avantages des uns sont payés par les autres, encore faut-il qu’il y ait des autres.


  • jac71 (---.---.92.45) 15 avril 2006 17:52

    La SES que vous définisez dans votre article me semble très interessante.Au niveau interne cependant,il me semble qu’il manque un paramétre important,à savoir l’autocontrôle financière ainsi que la concertation entre tous les acteurs solidaires de l’entreprise sur les projets,les activités,la politique commerciale et industrielle de l’entreprise.Syndicats,comité d’entreprise,autres structures de contrôle ?


    • Tristan Valentin (---.---.129.83) 17 avril 2006 12:26

      La SES dont je parle est une ébauche que des gens infiniment plus qualifiés que moi pourraient approfondir, modifier, etc.


  • Renaud D. (---.---.83.79) 15 avril 2006 18:06

    Le système que vous proposez existe et a déjà fait ses preuves : c’est le système coopératif dans lequel les plus-values sont réparties entre coopérateur, ce qui induit une grande partie des propositions que vous faites pour le fonctionnement de l’entreprise.

    En tant que professeur d’histoire, il vous sera facile de vous renseigner sur l’importance des coopératives ouvrières de production et de distribution qui ont fleuri à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Vous pouvez vous appuyer sur les Ecrits Politiques de Mauss (Fayard 1997) pour les situer dans le contexte philosophique de l’époque.

    La Russie a dû une grande part de sa croissance rapide du début du XXe siècle à l’essor des coopératives. Elles occupaient une part importante de l’économie russe avant que Lénine ne les liquide juste avant sa mort, au début des années 20.

    La Yougoslavie de Tito s’est développée également sur principes similaires. Son développement a été stoppé opportunément par la guerre civile. Opportunément, parce que les cartels bancaires ne supportent l’idée que l’individu puisse gérer de sa propre initiative la valeur ajoutée produite par son propre travail. Le pouvoir économique qu’ils exercent procède de la gestion de la valeur ajoutée dont ils s’estiment les seuls attributaires. En proposant que les banques pourraient être contraintes d’adopter un fonctionnement coopératif, vous semblez être passé à côté de cette réalité.

    Il reste des organismes financiers issus du système coopératif du début du Xxe siècle, mais l’étiquette ne correspond plus au produit.

    Votre proposition renvoie également à ce qui se pratique actuellement dans les coopératives de production d’Amérique du Sud livrant leurs produits aux sociétés de distribution du commerce équitable.

    Elles sont irréalisables en France et le demeureront tant que l’Etat dépendra d’une aristocratie marxo-libéraliste qui s’accroche aux murs tandis que le sol s’effondre sous ses pieds.

    Les intérêts des cartels bancaires fleurissent allégrement sur le fumier répandu par le marxisme. Marx leur a rendu un immense service en ne proposant pour alternative à la gestion financière de la politique que la collectivisation des moyens de production, dont l’expérience soviétique a prouvé l’irréalisme. Il a ruiné pour des générations l’idée que l’entreprise puisse assumer sa responsabilité sociale et dénaturé les postulats proposés par Adam Smith qui constituaient de bonnes bases de proposition. L’Etat français pense assurer sa fonction régalienne en s’insérant violemment dans toute initiative individuelle, exigeant au nom d’un principe souverain que tout créateur de richesse alimente les prébendes dont jouissent ses hauts fonctionnaires avant de pouvoir vivre de ses propres ressources.

    Tant que la société française restera hallucinée devant la création de richesse comme un chat dans les phares d’une voiture, tant qu’elle ne verra dans la capacité d’entreprendre qu’une menace pour ceux qui pensent qu’il n’y a création de richesse que dans la confiscation du travail d’autrui, votre proposition rejoindra l’oubliette dans laquelle pourrissent ses milliers de suggestions semblables.

    Lorsque la France tentera de se réveiller, elle se fera remettre à sa place par les cartels bancaires qui détiennent la réalité du pouvoir et compte bien ne rien changer à la situation existante, sinon en la précarisant davantage.

    Je ne vous répondrai pas dans le détail de vos propositions, qui dénotent un trop grand manque de connaissance dans la réalité de l’entreprise (la mutualisation du risque par l’intéressement aux résultats est largement préférable à une redéfinition annuelle des salaires humainement inacceptable, la limitation des salaires dans une fourchette de 1 à 3 est une réalité statutaire dans de nombreuses SCOP et coopératives comme les Biocoop par exemple et limitation dans une fourchette de 1 à 5 une réalité financière dans la majorité des PME).

    Pour conclure, je voudrais souligner que le pouvoir dans les coopératives s’exerce sur le principe un homme, une voix. C’est à partir de ce postulat que s’exerce le pouvoir. L’expérience montre que, dans les SCOP, la majorité des salariés ne s’immisce pas dans les problèmes liés à la gestion et délèguent tout simplement leur bulletin de votes aux dirigeants. C’est un autre (et très vaste) débat.

    Cela dit, votre article a le mérite de montrer qu’un autre monde est possible et de procurer un peu d’air frais dans le vase clos de la pensée unique.

    Cordialement

    Renaud D.


    • Fabopoulos (---.---.201.205) 15 avril 2006 23:36

      Je rajouterai juste à ce commentaire que la coopérative, forme particulière de l’entreprise, est l’institution du socialisme à la Jaurès (dont Mauss fut ami), d’un socialisme important au 19e siècle (Saint-Simon, Fourier), qui a presque disparu dans les poubelles de l’histoire, hélas, et que les dirigeants actuels ignorent parfaitement (y compris au PS).

      Nous en sommes aujourd’hui à opposer de manière parfaitement stérile Etat d’un côté, marché de l’autre, alors qu’il existe d’autres formes de production, qui peuvent servir l’intérêt du plus grand nombre sans impliquer les lourdeurs et les insuffisances d’une organisation étatique, qui font jouer l’initiative des individus sans leur faire servir des intérêts privés et iniques. La coopérative (qu’il faut bien sûr moderniser) pourrait représenter une solution qui satisfasse certains principes libéraux (celui de la libre entreprise avant tout) et d’autres plus socialistes (la mutualisation des décisions et des profits).

      Bien sûr, il y a du boulot sur la planche. Cet article y participe. Bravo.


    • jcm - Freemen (---.---.0.12) 17 avril 2006 10:40

      A noter qu’il existe en Europe des coopératives de grande envergure, comme le fabricant espagnol d’électroménager « Fagor » qui n’est autre que la coopérative "Mondragon.

      Une entreprise aux extensions (au nombre de 38) présentes dans 14 autres pays dont la France (4 implantations) et qui intervient dans de nombreux autres domaines (compétences multiples) avec, semble-t-il, un certain succès.


    • Tristan Valentin (---.---.129.83) 17 avril 2006 12:41

      Je ne peux que m’incliner devant la qualité de votre intervention -et celle d’autres intervenants- et partage en maints domaines votre analyse. J’essaierai de démontrer que la SES est un compromis entre la coopérative et la SARL et clarifierai ma position. Je tiens à préciser que si je ne suis certes pas un économiste, je connais le monde de l’entreprise pour former ses futurs cadres et dirigeants. Et je pense qu’il faudrait que des non économistes parlent davantage d’économie, car nous sommes des hommes, non des statistiques. J’ai tenté de synthétiser (car il faudrait non pas un article mais un essai pour développer mon argumentaire) une forme d’organisation sociale du travail en le décontextualisant, afin de poser les bases d’une réflexion commune que chacun mène déjà en son fort intérieur. Ce n’est certes pas une démarche originale, et elle a peu de chance d’aboutir, j’en suis conscient. Si au moins cela pouvait inciter nos pairs à réfléchir objectivement, sans position partisane sur notre sort comme notre devenir...


    • Joanny R. (---.---.143.15) 17 avril 2006 18:34

      « Il reste des organismes financiers issus du système coopératif du début du XXe siècle, mais l’étiquette ne correspond plus au produit. » dixit Renaud D.

      Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. La France est le pays où les banques coopératives (mutualistes) ont réussi à s’adapter tout en gardant leur statut mutualiste (contrairement à l’Angleterre où ce type de banque a été converti en banque classiquement capitaliste).

      Les milliers d’administrateurs de Caisses Locales qui « mouillent leur chemise » en participant aux conseils d’administrations et surtout en s’intéressant à la vie économique de leur commune, de leur canton ou de leur département, ne le font pas par appât du gain ou par besoin de pouvoir mais d’abord, dans leur grande majorité, par souci du bien commun, du développement du territoire.

      Leur connaissance du terrain permet aussi bien à la banque de financer de bons projets qu’à éviter à des entrepreneurs efficaces mais temporairement en difficulté de « mettre la clé sous la porte ». Demandez à des entrepreneurs multibancarisés qui ont eu des difficultés quelles étaient les banques qui se défilaient les premières et celles qui cherchaient à les aider à passer le cap. Même en cas de dépôt de bilan, le comportement des banques mutualistes est différent.


  • shorter (---.---.91.144) 15 avril 2006 18:16

    La formule SES ne pourra pas s’appliquer en france car l’état a une dette publique trop importante. c’est suréaliste. Et surtout URSSAF , comment pour boucher ce trou déficit qui s’accumule d’année en année. De ma part, il faut que les syndicats inventent une nouvelle protection sociale correspond à la mondialité, flexible et adaptable à tout le monde. c’est aussi une sorte de solidarité plus intelligent, plus équitable pour les 2 côtés (salariat et patronat ).


  • Vincent (---.---.224.192) 16 avril 2006 00:05

    Les commentaires et l’article me plongent dans l’effarement. Il y a deux possibilités, soit c’est moi le malade mental, ou alors l’écrivain de l’article, la grande majorité des commentateurs et des lecteurs. Autre possibilité, je n’appartiens pas à la même espèce.

    Juste une piste,

    Vous êtes riche, très riche, vous avez plein d’amis riches, que faites vous ? Mais bien sur : une Société d’économie solidaire !

    Vous vous donnez plein de bons salaires, faites vos propres caisses de cotisation, achetez tout plein de bâtiments et brevets. D’autres salariés ? Pour quoi faire ? Avoir des ennuis, ah ça non, nous allons sous traiter à des SES de pauvres, qui, si possible, sont nos locataires et achètent nos produits après les avoir produits. L’éducation de nos enfants ? On s’en charge avec nos capitaux. Les enfants des autres ? Qu’ils se débrouillent. La sécurité sociale ? Nous nous en chargeons solidairement pour nous même, que les autres soient donc solidaires entre eux.

    Oh, les pauvres ne sont pas contents de la consommation et propriété privé surtaxés, de leurs SES Kleenex. Ils veulent investir individuellement et des investissements extérieurs dans leurs Sociétés d’économie solidaire, une éducation pour leur enfants. Ils n’ont rien compris au principe de Société d’économie solidaire. Nous nous sommes solidaires et luterons avec notre propre justice et police contre ces dangereux libéraux individualistes ! L’Etat, la citoyenneté ? Non. Vive la Société d’économie solidaire ! Pour nos besoins militaires et de police, nous pouvons toujours sous traiter à des SES ex URSS.

    Est bien ce que vous voulez ? Allez vous bien dans vos têtes ?


    • Fabopoulos (---.---.201.205) 16 avril 2006 10:25

      Un peu hystérique comme commentaire non ? C’est assez classique comme critique : on ne vise pas l’idée de l’adversaire mais sa caricature, au nom de son application intégrale et aveugle. Nul n’a dit ici que ce type de structure devait prendre en charge les missions de l’Etat (en les privatisant). Il s’agit d’encourager un certain type d’entreprise, où la dimension sociale de l’organisation soit plus forte. Il ne s’agit pas de détruire le principe de justice commune appuyé sur l’Etat (ou même le principe d’intiative privée du marché)...

      Votre attitude me rappelle celle des Jacobins qui dès 1793 ont fait en sorte d’interdire tout intermédiaire entre l’Etat et l’individu, pour éviter que l’intérêt public ne soit faussé. Entre autres, ils ont détruit les corporations et affaibli tous les liens sociaux qu’elles consolidait. Erreur monumentale.


    • Tristan Valentin (---.---.60.128) 17 avril 2006 20:25

      Vincent,

      Je comprends mieux votre position. Prenez en compte trois réserves : la SES, comme presque toutes les entreprises paie des contributions (TVA, IFA, etc.) qui alimentent les caisses de l’Etat, donc sont sensées profiter à tous. Ensuite, tout bénéfice non réinvesti est reversé à l’Etat (et les bénéfices réinvestis profitent au développement de l’entreprise, ce qui permet d’embaucher, de payer plus de taxe, etc.). Enfin, j’ai ajouté que l’on pourrait imaginer une rémunération maximale pour éviter les abus. La SES participerait donc à l’effort commun, non pas seulement à ses membres comme vous le souligniez.

      Je vous souhaite une bonne soirée.


    • Vincent (---.---.224.192) 18 avril 2006 08:19

      Tristan,

      - Bénéfices non réinvestis à l’Etat.

      Croyez vous un seul instant qu’une SES de privilégiés(ou non) préférera donner tous ses bénéfices à l’Etat, plutôt que de réinvestir dans un jet, de belles voitures ou logements de fonctions(déclarés ou pas) ? Plus réaliste, upgrade en super stations de jeux des stations de travail, et/ou construction d’une plus grande piscine et salle de gym, voyages « d’affaires et recherches de marchés », etc. Ce genre de dérive est actuellement partiellement évité grâce au système d’actionnariat.

      Vous voulez renforcer les contrôles ? Il y aura tellement en jeu que la corruption explosera.

      - Limites sur les salaires.

      Vous n’êtes pas riche mais doué, plutôt que de faire une SES ou se faire exploiter dans une SES de sous traitance, vivre dans une telle société, vous partirez à l’étranger.

      - TVA, IFA... La TVA est une des formes les plus injuste de taxe. L’IFA c’est du local.

      En fait ce genre de société, structures sont et serons un coût énorme pour tous. Réduire le coût de la masse salariale au bénéfice d’un petit nombre, à travers des mesures dites « travail/solidarité/réinsertion » est déjà une réalité en France que paye la majorité avec ses impôts et cotisations.


    • Tristan Valentin (---.---.140.214) 18 avril 2006 12:07

      Vincent, Vous démontrez que nous pouvons discourir de nos divergences sans pour autant nous vilipender. Je vous en remercie. De plus, la contradiction que vous apportez est intéressante, comme toute contradiction argumentée puisqu’on ne peut avoir raison seul. Maintenant, permettez-moi de préciser certains points : 1/ Je ne préconise nullement un modèle unique. La SES viendrait s’ajouter aux autres formes d’entreprise, sans les remplacer. Le système auquel vous tenez continuera donc d’exister, ne vous inquiétez pas, et vous pourrez continuer de jouir de vos actions ou futures actions. 2/ Vous énoncez « ce genre d’action est partiellement évité gràce à l’actionnariat ». Vous reconnaissez donc que cela n’évite pas tout. Je ne pense pas que cela soit lié -ou non- à l’actionnariat. D’autre part, la législation encadre les avantages en nature dont vous parlez. Et puis, mon article ne mentionne pas les organismes de contrôle -car ce n’est qu’un article, pas un essai-, ce qui ne suppose pas leur absence. 3/ Les plus doués dont vous parlez partent déjà à l’étranger. Ne vous inquiétez pas, ils seront remplacés par d’autres encore plus doués qui auront en plus une vision plus égalitaire en raison d’un changement de mentalité qui pourrait s’opérer. Même un François P. ou un Bernard A. sont remplaçables. Ce n’est pas l’homme qui fait l’équipe, mais l’équipe qui fait l’homme. Et puis, la France, ce sont des millions de consommateurs. Croyez-vous qu’un tel marché sera laissé à l’abandon ? 4/ Pour en revenir à l’actionnariat auquel vous êtes attaché. Qui en profite vraiment ? N’est-ce pas cela qui pousse (en partie) à licencier pour augmenter le profit. Sauf si vous êtes déjà millionaire et détenez beaucoup d’actions, vos dividendes (si dividendes il y a)ne représenteront que peu de chose. Ils permettront juste de vous faire rêver ressembler aux images que vous voyez. Et le crack boursier est toujours possible. Et ces licenciements seront supportés par toute la collectivité pour le bien-être des actionnaires. L’actionnariat a certes d’innombrables vertus, je ne le nie pas, sinon ce système n’existerait pas. Mais même si l’on imagine donner une part égale d’une entreprise côtée à chacun de ses salariés, il se créera tôt ou tard un déséquilibre et l’on assistera à une concentration d’actions aux mains de quelques uns. Je vous laisse imaginer la suite, car nous la voyons tous les jours. La valorisation du travail comme je le préconise provoquera certes d’autres maux (il ne peut y avoir de modèle idéal, et je ne prétends nullement détenir les clefs, car je ne suis rien du tout), mais pas ceux-ci. Allez parler d’actionnariat aux « nouveaux russes » qui paradent dans leurs limousines neuves en affichant ouvertement leur mépris pour les autres. Et non, je ne suis nullement attaché au modèle soviétique que je réprouve, ne vous inquiétez pas. On peut combattre une idée sans pour autant embrasser son contraire. C’est l’enjeu d’une démarche dialectique. 4/ Savez-vous comment la noblesse au bas moyen âge s’est (en partie) constituée ? C’étaient des chefs de brigands, pillards qui, par la force, se sont appropriés les terres d’autrui. Cette force, aujourd’hui, est remplacée par plus de subtilité. Mais allez parler d’actionnariat aux paysans d’Afrique, d’Asie, d’Amérique auxquels on achète la terre avec de la pacotille.


  • pierre (---.---.185.223) 16 avril 2006 12:16

    Il y a quatre ans ,j’ai monté un projet dans l’agriculture faisant place à la solidarité,la création d’une ferme ouverte pour des gens en situation précaire ,avec des produits tels que les fruits rouges et les volailles ,complétée par un volet pédagogique pour creer un lien social entre les personnes en situation difficile

    Elle a fonctionné sept mois avant que les agriculteurs par le biais de la SAFER , du conseil général socialiste ,nous fasse comprendre que la solidarité ne pouvait se faire que loin des habitations et certainement pas à proximité d’une ville ou village et certainement pas dans le domaine agricole

    Alors l’économie solidaire ne peut se faire que si la solidarité existe et je peux vous dire ,qu’elle existe tant qu’elle ne vient pas gêner son confort personnel

    Mais je reste persuadé que c’est un moyen efficace pour lutter contre la précarité

    A condition de sortir de son égoisme et du sectarisme.


    • Tristan Valentin (---.---.245.224) 16 avril 2006 14:16

      Monsieur,

      Je ne peux que vous féliciter pour votre initiative, fort louable. Votre conclusion m’apparait fort juste et vos difficultés pour monter ce projet guère étonnantes. Il faut en effet une révolution des mentalités, que des hommes montrent l’exemple et incitent d’autres à les suivre sans pour autant attendre un quelconque avantage personnel ou partisan ; qu’ils aient une vision de l’intérêt général qui dépasse la somme des intérêts particuliers, afin que chacun ait une place dans ce monde, car il appartient à tous. Ce n’est pas l’affaire des partis, des religions, des communautés, ni d’aucune philosophie que ce soit. C’est l’affaire de tous, quelques soient nos difficultés, nos problèmes, nos attachements, nos cultures. Il faut reconsidérer l’ambivalence de l’Homme, individu unique distingué de tous et être social afin de concilier les difficultés qui se posent à nous.


  • simon (---.---.12.94) 16 avril 2006 22:08

    Je m’associe volontiers aux félicitations. Ne pensez-vous pas qu’à force de déléguer à l’état ce qui est de notre devoir d’individu (aide, assistance, solidarité avec ceux qui nous entourent) nous n’avons pas développé, non le sentiment de la responsabilité individuelle, mais l’irresponsabilité collective. A force de clamer que l’état pourvoiera aux besoins des moins bien lotis (avec un discernement qui peut être mis en cause) n’avons-nous pas fabriqué des générations d’indifférents ? Toute initiative dont l’objet est de ramener l’espoir et la capacité de s’assumer aux accidentés de la vie devrait être encouragée. Elles ont valeur d’exemple face à l’incurie des pouvoirs publics qui ne savent que déléguer des fonctionnaires pour distribuer aveuglément des subsides. A mon modeste niveau, au cours d’une longue période de chômage, j’ai cru possible de créer mon emploi en travaillant en indépendant. Bien mal m’en a pris. Je passe sur l’accueil scandaleux des apppointés de l’urssaf. Avant même d’avoir facturer le moindre centime, je devais déjà de l’argent à la force publique. J’ai abandonné au bout de deux années, je devais presqu’autant d’argent que j’en gagnais. Je travaillais pour l’état mais je n’étais pas rémunéré. Une dernière perle, je ne voudrais pas m’incruster, sans ressources j’avais sollicité une faveur des services fiscaux au sujet des impôts locaux, avant toute négociation, la question qui tue « touchez-vous le RMI » non je n’ai pas penser à demander le RMI, réponse « si vous ne toucher pas le RMI vous n’avez droit à aucun dégrèvement ». Moralité : moins vous couterez à l’état, moins il vous en sera gré ... Pour ceux qui s’inquièterais de mon sort, j’ai retrouvé un emploi salarié en acceptant une perte de revenu de 40%. Je ne regrette rien, j’ai retrouvé ma dignité en vivant de mon travail et en n’étant pas à la charge de mes frères salariés. Après avoir, modestement, contribué à l’élection du grand timonier Mitterand je me suis interrogé sur le sens de 40 ans de combat pour la cause de gauche. Sur l’espoir focalisé dans la défaite de la droite. Au bout du compte j’ai choisi le camp de la liberté, celui qui applaudi aux initiatives individuelles, SCOP, entreprises, associations, toutes formes d’expression de la liberté individuelle face aux prétentions des pensionnés de l’état. Mais je m’attarde ... je m’en excuse d’avance ....


  • pierre (---.---.30.21) 17 avril 2006 12:37

    réponse à SIMON Vous avez parfaitement raison sur l’irresponsabilité collective. Nous avons ,par la dérive du RMI et de tous les systèmes sociaux ,crée une super protection ,qui a oté de la concience collective, la charge de la responsabilisation . Je prends l’exemple de cette ferme ,dont je parle plus haut. Les agriculteurs ,les politiques locaux avaient la certitude que les gars qui travaillaient dans cette ferme n’arriveraient jamais à débrouissailler les terrains non entretenus depuis des années et des années, n’arriveraient jamais à rénover une batisse en ruine ,et le jour où ils ont vu que ces gars arrivaient à se lever de bonne heure pour travailler à leur projet ,ils ont commencé à nous mettre des batons dans les roues Alors l’irresponsabilité collective est de vouloir cantonner ces gens dans une impossibilité de s’en sortir ,alors qu’il suffirait d’un commencement de responsabilité pour s’apercevoir qu’avec la volonté de leur redonner dignité et confiance , ils arrivent à amorcer un début d’insertion. Mais il est dit que ce sont des bons à rien ,alors à quoi bon s’en occuper


  • Tristan Valentin (---.---.96.211) 17 avril 2006 18:27

    Pour répondre à tous les intervenants, pour les remercier, éclairer ma pensée, et relancer le débat :

    S’investir dans une relation amoureuse, préserver son capital sympathie, valoriser ses amitiés : le vocabulaire économique et les concepts associés se sont même emparés du domaine affectif. Il apparaît donc que les relations humaines tendent à se circonscrire aux relations économiques, dénaturant au passage la partie humaine de l’Homme, ce qui le distingue d’un vulgaire outil de production (faire des choses inutiles est un gage de liberté). Mais ne parle-t-on pas du poulet comme d’un produit, sans que cela choque, ne pose-t-on pas des brevets sur le vivant sans que l’on n’intervienne massivement ?

    « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier. En quoi ? Les ressources de notre planète ne sont pas éternelles en l’état puisqu’elles se transforment, et on ne peut affirmer que nous en bénéficions tous de la même façon. Au nom de quoi, au nom de qui ?

    L’Homme a une capacité à endurer un certain nombre de mensonges, de traîtrises, de frustrations, de souffrances avant qu’il ne réagisse. Cela est parfaitement étudié par les psychologues. Nous pouvons certes regarder les richesses étalées sur le petit écran (n’est ce pas cela qui incite de nombreux amis étrangers à s’installer chez nous ?), nous pouvons certes rêver appartenir au monde que l’on nous montre en investissant en bourse, en grattant un ticket forcément gagnant ou en prenant un crédit qui nous emprisonnera parce que pour le rembourser, il faudra être docile, voire servile.

    L’Economie de marché, malheureusement, est un leurre et repose sur au moins deux mythes : Mythe 1 : c’est le plus intelligent et le plus travailleur qui réussit, tout le monde peut réussir. Il y a en Allemagne 700 000 millionnaires, combien de génies ? L’intelligence ou le travail ne sont pas les seules façons d’acquérir la fortune : l’héritage, la malhonnêteté ou les relations en sont de meilleures. Mythe 2 : les règles de la concurrence dans l’économie de marché sont équitables. L’interventionnisme de l’Etat (et sa dernière forme, le « patriotisme économique ») ne fausse-t-il pas le jeu ? Peut-on également parler de concurrence équitable lorsque les hypermarchés font pression sur leurs fournisseurs pour ne pas livrer un détaillant ? Peut-on parler de concurrence quand on s’accorde sur un prix unique ? Que penser des entreprises qui s’espionnent, désinforment, bref, qui se livrent une guerre économique massive ? Les règles sont-elles claires, équitables, et chacun peut-il réellement en raison de ses qualités, de son travail, de ses vertus, trouver la place qu’il mérite ? Non, tout est organisé pour que seules les stratégies les plus viles réussissent. Le reste, c’est du mythe.

    Le degré de civilisation se mesure au traitement accordé aux plus faibles (Darwin ?). Nous semblons alors retourner à la barbarie dont nous venions à peine de sortir. Qui laisse sa place à une femme enceinte, à un vieillard, ou un handicapé dans les transports ? Qui salue encore son voisin, est prêt à secourir une personne agressée, bref, à tendre la main quand il le faut ? Ne nous inquiétons pas, nous pouvons user de sites de rencontres pour nous retrouver.

    Quel est le rapport avec la SES ? Vous verrez plus tard.

    Il n’y a plus de compote de pommes mais des « desserts », des « spécialités » et des « autres mots qui vous font croire que vous achetez encore les produits auxquels vous étiez habitués il n’y a pas si longtemps ». L’emballage n’a guère changé, sauf les « étuis fraîcheur » et « tous les autres mots à connotation méliorative », une véritable séance de psychanalyse collective, quoi. Ca n’est pas grave, tant qu’on peut acheter du sirop de glucose et de l’eau avec un peu de jambon (je ne savais pas que le porc contenait autant d’eau !). De toutes les façons, on ne sait plus lire. Et puis, on achète un prix, plus le produit.

    Quel rapport avec la SES ? ça vient.

    Je suis positivement ravi d’acheter la tomate en provenance du Maroc car elle est moins chère. Si, si ! Le coût engendré par la pollution due au transport ne se reflète absolument pas dans mon panier. J’ai fait une bonne affaire. Et puis, les cancers que mes enfants vont développer seront pris en charge par la sécurité sociale. Cela figure-t-il à l’actif ou au passif du bilan des entreprises ? On amortit cela sur combien de temps ? A-t-on le droit à une déduction fiscale ? Je me réjouis encore de penser les jeunes et les chômeurs fainéants (en Roumanie on travaille de 8h à 22h nous dit-on sur le quai de la gare. Et quand, en France, on habite à 250 km de son lieu de travail car il est impossible de s’offrir un loyer plus près ?) et de fermer les yeux devant les tentes qui fleurissent sur nos trottoirs. Je suis également joyeux à l’idée que l’on puisse bénéficier avant tout le monde des meilleurs soins en souscrivant à certaines assurances. Et je suis hilare devant la stérilité croissante qui frappe d’abord les agriculteurs puis le reste de la population. Non, il ne faut pas redouter la grippe aviaire. On nous fabrique de bons OGM stériles que l’on va ingérer et qui vont se mélanger à notre patrimoine génétique. De toutes les façons, c’est toujours l’individu qui a tort. Il a la prison, les somnifères, les tranquillisants, les psys. La société n’en a pas, et Hugo n’est plus. Le temps des poètes et des penseurs s’est effacé devant les marchands d’aspirateurs. Pardonnez-moi, il nous reste BHL ! Après tout, celui qui a dit « on n’hérite pas la Terre de ses parents, on l’emprunte à ses enfants »,Saint-Exupéry, était un aviateur, toujours dans la lune, rien qu’un fou.

    Non les mots profits ou capitalisme ne sont pas de vilains mots. Non, ce que je (et ce « je » n’est guère important) suggère ne s’apparente en aucun cas à une forme de crypto-communisme ou de néo-communisme. Curieux d’ailleurs qu’on n’ait pas rapproché cet article de la Doctrine Sociale de l’Eglise comme des théories de certaines loges maçonniques. Ca viendra sans doute.

    La SES a seulement pour ambition d’éviter un facteur à l’origine des quelques maux énoncés plus haut : la recherche immodérée du profit et le déséquilibre engendré par la concentration des pouvoirs aux mains d’une minorité qui tient tous les autres pour des produits, non pas des Hommes.

    La SES est effectivement très proche de la SCOP tout en se distinguant de la façon suivante : elle peut être créée et dirigée par une seule personne, l’apport de capitaux extérieurs est interdit (qui voudrait investir quand il n’y a pas de bénéfices à redistribuer ?), les salariés ne sont pas propriétaires du capital. Le travail est valorisé, pas l’actionnariat. La SCOP, elle, valorise aussi l’actionnariat. Les deux sont donc complémentaires. Je précise qu’une association de droit local créée en Alsace-Moselle permet de répartir les bénéfices entre sociétaires et les biens acquis par elle lors de sa dissolution. On peut s’en inspirer également.

    Enfin, mon souci était d’inviter les lecteurs à penser d’autres modèles économiques et sociaux.


  • Philippe (---.---.38.178) 18 avril 2006 13:49

    « La Société d’économie solidaire, une autre vision de l’économie » : ça me plait bien, surtout que j’avais pas mal d’idées allant dans ce sens, idées concrétisées pas vos propos. A lire les différents commentaires, nombreux sont ceux qui, comme vous, comme moi, savent qu’une nouvelle vision de l’économie n’est pas seulement possible mais nécéssaire. Cependant, il ne faut pas que de telles propositions (constructives) restent vaines. Ne serait-il pas temps que l’on se réunisse tous ensemble afin de pouvoir proposer une alternative crédible plutôt que de subir la politique des autres (de droite comme de gauche) ?


  • omar_badaos (---.---.172.145) 5 mai 2006 17:00

    je veux travailler dans une société de economie de espagne mon moyen de bac est 14.32


  • Johan Johan 15 novembre 2006 16:32

    A Tristan Valentin

    J’avais sauvé ton article sur mon dur et je viens de le lire.

    Si j’ai bien compris, l’idée c’est de faire des sociétés dont le capital est fourni par l’Etat, dont les statuts prévoient certaines règles y compris sur la rémunération. Des avantages fiscaux et l’accès aux marchés publics doivent permettre de les rendre rentables.

    C’est une très bonne idée : les fonds publics doivent être accordés à des entreprises qui respectent certains critères éthiques.

    Par contre, le fait d’obtenir des prêts de 50 000 euros et le coefficient multiplicateur entre le plus haut et le plus bas salaire risque d’aboutir à une multiplication des SES. Ce qui risque d’affaiblir tout le modèle.

    Tiens moi au courant des évolutions ultérieures STP :

    [email protected]


    • Tristan Valmour 15 novembre 2006 18:10

      Merci Johan de votre intervention.

      Vous savez, je n’ai qu’un DEUG d’AES, ce qui est trop peu pour approfondir. Je suis surtout un généraliste. Mes formations principales sont : philosophie, lettres et Histoire (merci les équivalences !!!)

      Je ne peux me permettre que de poser des bases de réflexion. Le reste est hors de ma portée. Mais pas de la vôtre smiley puisque vous maîtrisez l’économie comme un orfèvre d’après ce que j’ai pu lire.

      Deux points pourtant :

      1. On peut imaginer qu’un certain nombre de SES seraient bénéficiaires, donc rapporteraient des fonds à l’Etat pour financer d’autres SES (entre autres choses).

      2. Je ne crois pas que les SES tueraient les autres formes de société. Il existe suffisemment de brillants managers qui préféreraient gagner beaucoup au travers d’une SARL ou d’une SA.


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