Commentaire de Christian Labrune
sur Le mythe et la nécessité


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Christian Labrune Christian Labrune 26 mars 2017 22:47

Non, les réseaux de neurones sont utiles avec le deep learning pour le traitement d’images ou de son, mais utilisent toujours un apprentissage supervisé et n’approchent même pas de loin l’intelligence d’un insecte.

@pemile
C’est vraiment bizarre que vous écriviez ça. C’est précisément la question du deep learnng articulée à celle du brassage des big data qui constitue actuellement l’avancée la plus spectaculaire dans le domaine de l’IA. Pendant longtemps, on aura essayé, pour traduire une langue dans une autre, d’analyser le système de la langue, sa structure, sa grammaire. Ca donne par exemple les modes d’emploi traduits automatiquement du chinois en français et qui sont les trois quarts du temps complètement fantaisistes et incompréhensibles. En analysant, en revanche, des millions de lignes de textes disponibles dans les deux langues (big data), par des algorithmes appropriés, on arrive à de bien meilleures performances, et c’est un peu normal : quand un bambin apprend à parler, il ne sait rien non plus de la grammaire et du système de la langue. Dans un numéro de La Recheche paru l’été dernier, vous trouverez pas mal d’articles sur cette question, malheureusement pas aussi pointus qu’il serait souhaitable.

Dans un autre domaine, prenez le cas de la reconnaissance des formes, qui est l’une des principales difficultés en informatique, bien que notre cerveau réalise cela en permanence avec une facilité déconcertante. Une caméra peut très bien transmettre des images, mais elle ne sait pas ce qu’elle « voit ». Dans très peu de temps, elle pourra DECRIRE ce qu’elle a devant elle en langage naturel, par exemple un accident à un carrefour, et on pourra converser avec elle comme avec un témoin qui serait sur les lieux. Mais surtout, « comprenant » l’événement dans sa complexité inattendue, le système sera capable de prendre de lui-même les décisions qui s’imposent : bloquer la circulation sur telle avenue, avertir la police ou les pompiers, ne rien faire s’il n’y a pas de blessés visibles et si les choses, d’elles-mêmes, paraissent se remettre en ordre. Depuis déjà vingt ans, on a mis au point des armes autonomes sophistiquées, du genre drone, capables de prendre toutes seules des décisions stratégiques : détruire une colonne de blindés, c’est bien (si j’ose dire !), mais si elle doit traverser un pont, attendre pour la bombarder qu’elle y soit totalement engagée, c’est encore beaucoup mieux !
 
On est en train de perfectionner des lunettes pour les aveugles qui existent déjà, fonctionnent très bien et peuvent vous dire : untel vient d’entrer dans la pièce. Ou bien, sur un trottoir : attention, il y a tel obstacle à contourner, ou encore vous lire le texte que vous ne pouvez plus voir. Ces activités de reconnaissance et d’analyse du monde réel, c’est la base même de l’intelligence. Interconnectez tous ces systèmes et, à la fin, ils fonctionneront très bien d’une manière parfaitement autonome, pour résoudre intelligemment des problèmes complexes. Il y a quarante ans, quand on appelait pompeusement « intelligence artificielle » les moteurs d’inférences, on n’aurait même pas osé y songer : la puissance de calcul était encore très insuffisante.


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