Commentaire de Philippe VERGNES
sur Nommer la perversion dans une société néolibérale déshumanisée


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Philippe VERGNES 9 janvier 2018 15:34

@ Bonjour Hervé Hum,

J’irais jeter un œil à ton article lorsque j’aurais terminé ma journée. Beaucoup de choses cependant dans ton commentaire.

« Le déni simple, consiste à nier une réalité malgré son évidence, sinon, il y aurait prise de conscience et fin du déni. Le déni du déni, par le principe de la double affirmation, implique la prise de conscience du déni simple et sa confirmation. »

Non, c’est là où beaucoup de gens se trompent. Je te cite la définition du déni du déni dans le cadre clinique : « Classiquement, [le déni] est défini comme une défense psychique, mise en jeu par le sujet, qui consiste à nier l’existence d’une réalité qui le fait souffrir. Dans le cas de la position perverse, le déni devient une stratégie permettant d’établir l’emprise sur l’autre, tout en niant par une illusion mensongère, l’intention destructrice mise en jeu. A ce propos, nous parlons du déni de déni. » (Marie-Claude Defores et Yvan Piedimonte, La contitution de l’être, un livre remarquable que je recommande à tous). Il n’y a pas de perversité sans ce redoublement : déni de l’emprise exercée sur autrui et déni de l’intention destructrice ou malveillante mise en jeu. Par exemple, quelqu’un qui méprise autrui par ses interventions abusives et hors-propos (pulsion d’emprise) va ensuite dénier le caractère haineux qui transparaît pourtant à chacune de ses interventions. On a un cas d’école sur ce site. Et n’en déplaise à certains, c’est totalement pervers !

« Ainsi donc, si on part du postulat que la perversité est une tare, une maladie, alors, il n’y a pas de « déni du déni » possible, car toute prise de conscience devrait avoir pour conséquence d’en sortir, mais pas celle d’y rester, car cela veut dire dire que la personne choisit sciemment de rester dans sa tare. Accepter la fatalité d’une maladie est une chose, mais refuser de se soigner et revendiquer sa maladie en est une autre ! »

Mais la perversité n’est pas une maladie, ni même une tare, c’est plutôt une « caractérose perverse », un trouble du caractère ou de la personnalité qui interdit justement toute prise de conscience. Le pervers ne choisit pas de rester dans sa « tare », mais il s’y conforte par refus d’en prendre conscience. Il ne peut donc en aucun cas se revendiquer « malade ». il ne l’acceptera jamais, d’autant que son cas ne relève pas de la maladie, mais bien plus de la formation d’un caractère.

« On distingue donc le pervers au fait qu’il agit en conscience de son propre déni d’accorder à l’autre une valeur autre que celle d’objet. »

Justement, le pervers n’a aucune conscience de dénier. Ou plutôt, si cette prise de conscience venait à lui, il l’a chasserait immédiatement de sa pensée. Dans le langage psy on dit qu’il « switche » ou « permute ». C’est-à-dire qu’il est capable de passer d’une personnalité à une autre en une fraction de seconde et c’est très spectaculaire à observer. Ce phénomène a tendance à « méduser » les cibles ou les proies d’un pervers tant il est « sidérant ». Il faut en avoir été témoin pour vraiment comprendre. Gollum fait référence plus haut à l’univers de Tolkien et justement, le gollum du Seigneur des anneaux (pas celui de ce fil de discussion) « switche » à la manière des pervers. Ce genre de comportement n’est pas que du cinéma et le personnage de gollum est une bonne métaphore du processus.

Quelqu’un qui agit en conscience de sa perversité, c’est le méchant, pas le pervers. Tu fais là une confusion courante.

Après, je suis parfaitement d’accord avec toi sur le fait que : « Quoiqu’il en soit, la perversion la plus difficile à révéler, c’est celle qui porte sur le raisonnement logique lui-même... » (pas sur les auteurs que je cite cependant). Je pense que, comme moi, tu as pu le constater souvent et notamment dans certains échanges sur ce site.

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