Commentaire de Renaud Bouchard
sur Déclarations ministérielles de patrimoine : omissions, sous-estimations, rectifications, impunité politique et fiscale


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Renaud Bouchard Renaud Bouchard 25 janvier 2018 21:47

@marc dublanc
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Matt Taibbi, journaliste américain qui a bien compris ce fonctionnement, compare ces produits surévalués à une pastèque qu’un banquier lancerait du haut d’un immeuble enveloppée dans un beau papier. Ventant son produit, le banquier le mettrait en vente au plus offrant, rachetant et revendant toujours à la hausse. A ce jeu, le perdant est le dernier acquéreur, qui voit la pastèque éclater sur le trottoir, le laissant les poches vides.

La bulle Internet a bien été montée sur ce modèle. En 1997, sur les 24 sociétés introduites en bourse par Goldman Sachs, un tiers perdait de l’argent. En 1999, avant l’éclatement de la bulle, la banque portait en bourse 47 nouvelles entreprises dont certaines étaient en quasi faillite, comme E-Toys et Webvan. Pourtant, les actions montèrent en moyenne de 281%, par rapport à leur prix d’introduction. Un record. Pas mal pour un panier contenant une forte proportion de fruits pourris.

Pour obtenir de tels résultats, Goldman Sachs utilisait des méthodes très particulières. Faisant le tour des investisseurs potentiels avec le représentant de la société à introduire en bourse, un responsable de la banque promettait des actions au prix de lancement. En échange, l’investisseur s’engageait à acheter d’autres actions plus tard.

La banque s’assurait ainsi d’un flux de demandes d’achat d’actions pour pousser leur valeur à la hausse. Au passage, Goldman Sachs récupérait une commission de 6 à 7% du capital récolté en guise de commission. Dès le départ, elle assurait ainsi son profit.

La bulle du Net éclata en mars 2000, provoquant sur le seul NASDAQ (1) la disparition de 5 mille milliards de dollars. Mais déjà les banquiers, Goldman Sachs en tête, avaient trouvé une nouvelle bulle à gonfler : le crédit immobilier.

Aux États-Unis, ce marché est normalement régi par des règles strictes. L’emprunteur doit disposer d’au moins 10% d’apport personnel et présenter des garanties de remboursement. Au tournant du troisième millénaire, les banques se firent soudain moins regardantes, offrant des prêts à la construction à des gens incapables de faire face aux échéances.

Goldman Sachs lança alors des produits appelés CDO, en fait des obligations (2), gagées sur les prêts immobiliers, dont beaucoup étaient véreux. Puis, comme d’autres banques, elle revendit ces CDO aux investisseurs, principalement les compagnies d’assurances, des fonds de pensions et d’autres banques. Le système des subprimes était né dont l’explosion, en 2008, devait provoquer une crise mondiale.

Ce type de manipulations avaient déjà provoqué des catastrophes par le passé (3). Percevant le danger de ces CDO, la présidente du CFTC (4), Brooksley Born, recommanda avec le bureau de la comptabilité du gouvernement de réglementer plus sérieusement les CDO.

Mais les banques, avec les hommes de Goldman Sachs, montèrent au créneau. Alan Greenspan et Robert Rubin (5) avec quelques autres, firent obstacle aux recommandations de la CFTC (4) et obtinrent une loi « de modernisation des transaction à terme », en 2000. Les banques pouvaient désormais acheter et vendre les emprunts douteux en toute liberté.

La soif d’argent des banquiers et des spéculateurs restant inassouvie, début 2008, Goldman Sachs et consort se tournèrent du côté du pétrole. On se souvient de l’explosion des prix de l’or noir à cette époque. Or, non seulement l’offre avait augmenté, mais la demande s’était tassée. En termes d’économie, le pétrole aurait dû baisser et cette tendance s’afficher à la pompe. Que s’est-il passé ?

Le procédé est simple. Aux États-Unis, la loi autorise un agriculteur à vendre sa production à un spéculateur avant la récolte. Cela lui permet de s’assurer un acheteur et d’éviter de se voir obligé de vendre à bas prix quand le blé et le maïs arrivent en masse sur le marché.

Toute l’habileté de Goldman Sachs a consisté à obtenir une exemption du gouvernement, pour appliquer la réglementation réservée à l’agriculture à certaines matières premières, dont le pétrole. Résultat, entrant dans le circuit de la spéculation, l’or noir permit la naissance d’une nouvelle bulle financière. Ainsi, en 2008, sur le papier, un baril de pétrole, passant de spéculateur en spéculateur, changeait en moyenne 27 fois de main avant d’être livré à la raffinerie.

Comme pour mieux signer le délit, dans le même temps, Arjun Murti, un analyste de Goldman Sachs, lançait des alertes à la pénurie mondiale de pétrole, quand la banque savait pertinemment l’offre en léger excédent. Puis, rattrapé par la vérité, la bulle de l’or noir éclata et les prix plongèrent de 147 $ le baril à 33 $. La pastèque était arrivée au sol !

Prenant connaissance du comportement et des méthodes employées par les banquiers de Wall Street, sans doute comprendrez-vous pourquoi nous tremblons, nous remémorant les propos de David Rockefeller le 8 juin 1991, à ESSEN : « Le monde est maintenant plus sophistiqué et disposé à marcher vers un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et des banquiers mondiaux est sûrement préférable à l’autodétermination nationale que l’on pratiquait dans les siècles passés...  »

 

Notes

(1) NASDAQ : deuxième marché d’actions des États-Unis et indice boursier.
(2) Une obligation est un titre de créance qui peut faire l’objet d’une cotation en bourse.
(3) Le comté d’Orange (Californie), acquéreur de tels produits, avait dû se mettre en cessation de paiement en 1994. Procter et Gamble, d’une part, Gibson Greetings, d’autre part, avaient eux aussi perdu beaucoup d’argent.
(4) « Commodity Futures Trading Commission », agence du gouvernement américain chargée d’interdire les contrats frauduleux.
(5) Alan Greenspan, alors président de la Réserve fédérale. Robert Rubin, ancien vice-président de Goldman Sachs, comme nous l’avons vu plus haut, servait comme ministre des Finances.

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