Commentaire de Christian Labrune
sur Un procès en appel contre Georges Bensoussan dans le contexte d'un antisémitisme terrifiant


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Christian Labrune Christian Labrune 2 avril 2018 18:34

C’est dans les évangiles que nous apprenons à connaître l’Homme-Dieu. »
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@Pierre Régnier

Que Jésus soit Dieu, cela ne commence à devenir une vérité obligatoire dans le christianisme qu’à partir du Concile de Nicée I réuni par la volonté de Constantin pour lutter contre l’arianisme, c’est-à-dire à partir de 325. très longtemps, donc, après la crucifixion. Le dogme trinitaire ne prend sa forme définitive qu’à partir du concile de Constantinople en 381, à partir d’un bricolage philosophique de la métaphysique de l’UN d’un Plotin qui avait été par ailleurs presque aussi hostile au christianisme que Porphyre, son élève et le propagateur de sa philosophie.

La manie de voir dès les plus anciens textes une annonce de l’apparition du Christ est à peu près constante dans toute l’histoire du christianisme. Dans la littérature et la peinture du XVIe siècle, on va jusqu’à faire de la figure fort païenne d’Hercule une préfiguration du Christ. D’où L’Hercule chrestien de Ronsard, par exemple, ou le christ herculéen de la chapelle Sixtine, mais ces sortes d’exemples, dans la peinture, sont innombrables, et vous en trouverez beaucoup, jusque dans la peinture flamande.

Que Josué soit lui aussi, dans le délire chrétien, une préfiguration du Christ, pourquoi pas ? Ce qui vous dérange, c’est qu’on massacre beaucoup - et avec la bénédiction de Dieu !- dans le livre de Josué, mais c’est un trait d’époque. J’évoquais plus haut, dans un autre message, la civilisation égyptienne, qui rechercha toujours, malgré les guerres et les batailles, une vie très paisible dont les règnes des premiers ramessides offrent l’exemple admirable. Pourtant, le pouvoir royal y est toujours représenté d’une manière extrêmement violente. Sur la palette de Narmer, un des plus anciens documents connus (32e siècle !), le roi est représenté en train de fracasser le crâne d’un ennemi. Ce type d’image traverse toute l’histoire de l’Egypte antique, et Claire Lalouette dans son bouquin sur Thèbes évoque un bas-relief représentant Toutankhamon occupé à la même charmante activité, bien que le malheureux soit mort très jeune et n’ait jamais eu le temps d’entreprendre aucun guerre.

On ne peut évidemment pas lire les documents anciens sans tenir compte des moeurs de l’époque, et plus encore des codes narratifs tout à fait stéréotypés dont ils procèdent et qui n’ont plus rien à voir avec les nôtres. Si vous voulez pousser jusqu’au bout l’déalisation de la figure du Christ, il faudra expurger les Evangiles de l’épisode des marchands du Temple, et de pas mal de phrase où le brave homme ne se montre pas très tendre avec sa mère et ses proches. Ni avec ce pauvre Lazare qu’il oblige à crever une seconde fois, comme si une seule n’était pas déjà bien suffisante !


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