Commentaire de eddofr
sur La privatisation des autoroutes est-elle un exemple ?


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eddofr eddofr 4 mai 2018 11:27

L’un des problèmes liés à la privatisation c’est la prise en compte des investissements à long termes engagés par l’état.

Lorsque une activité est exercée par l’état, celui-ci consent à des investissements sans contrainte de rentabilité immédiate, soit dans une optique de progrès sociétal à long termes, soit dans une optique de « prestige politique », soit encore dans une optique « stratégique » (indépendance énergétique, impératifs de défense, ...)
Par exemple, le TGV pour la SNCF, le nucléaire et le surgénérateur pour EDF, le Concorde pour l’aéronautique, etc.
Ces investissement sont souvent déficitaires à court, voire même à moyen termes.
Or, dans notre système économique, ultra-capitaliste financiarisé, l’objectif d’une entreprise privée est, à juste titre, la rentabilité à court termes.
C’est donc sur ce critère qu’elle va évaluer l’intérêt d’acquérir une activité privatisée et c’est donc sur ce critère de profit à court termes que sera évaluée l’activité en vue de sa privatisation.
L’investissement à long termes consenti par l’état sera donc, au mieux, « détourné » au profit de l’intérêt privé ou, au pire, abandonné pour cause de non rentabilité immédiate.
A cela s’ajoute la propension de l’entreprise privée, toujours sur la base du critère de profitabilité à court termes à négliger l’entretien des infrastructures jugées non rentables ou pas assez rentable à court termes et à se concentrer sur la recherche appliquée (facilement rentabilisée) plutôt que sur la recherche fondamentale (dont la rentabilisation est peu probable dans le temps « des affaires »).
L’état s’expose donc à une double perte, celle de son investissement initial et celle de l’inévitable remise à niveau des infrastructures après que l’entreprise privée en ait négligé l’entretien pendant un certain temps (cf. le cas des chemins de fer anglais).

L’erreur fondamentale que commettent les tenant de la réduction de l’état aux seuls activités dites « régalienne » c’est de négliger l’importance stratégique et sociétale de certaines activités dites « économiques ».

Dans la répartition entre privé et publique, devraient entrer en ligne de compte la problématique de l’investissement à long ou très long termes et la problématique de l’importance stratégique.

les deux éléments majeurs expliquant l’inefficacité économique de l’état sont :
d’une part, la problématique de gestion du capital humain tant en coût qu’en flexibilité  :
Dans le privé, une entreprise qui ne gère pas bien l’employabilité de son personnel, peut toujours s’en sortir en le renouvelant (faisant ainsi porter la charge de l’employabilité sur la société, c’est à dire l’état) ou en délocalisant et, au pire, même si elle disparaît, elle est remplacée par une autre entreprise privé (la gestion des conséquences sociales de cette disparition étant, à nouveau, reportée sur la collectivité et l’état).
Dans le privé, un employé coûte tant qu’il est « utile », licencié, malade ou retraité, il passe à la charge de la collectivité, dans le public, le fonctionnaire, inemployé, malade ou retraité reste à la charge de l’état.
d’autre part, le fait que l’efficacité économique n’est pas le critère principal de gestion de l’état (parfois à bon escient et parfois à mauvais escient).

Ce qui devrait être limité au domaine régalien c’est le statut de fonctionnaire (qui ne se justifie que par la nécessité de garantir l’indépendance et l’équité du service public vis à vis de tous les usagers, sans distinction de richesse, de pouvoir, d’obédience politique, ...).

Ce qui devrait changer également, c’est la manière dont on évalue l’efficacité de l’état : l’efficacité économique ne peut en être le seul critère, ni même le premier d’ailleurs.


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