Commentaire de kalachnikov
sur Sommes-nous libres ou automates du destin ? Le cas de la cosmogonie Raja Yoga


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kalachnikov kalachnikov 31 mai 2018 11:26

’@ Gollum

’On n’a pas l’impression que Rimbaud aurait pu être apte à dominer, à terme, le processus.’

C’est pourtant le cas ! S’il y a quelqu’un qui a dépassé l’ego, c’est bien Rimbaud, son soudain mutisme en est la preuve éclatante. Son oeuvre, du reste, se lit en tant qu’expérience initiatique, il faut l’envisager comme un témoignage, ’la saison en enfer’ étant l’ultime testament (au sens de témoignage, compte rendu). Par saison en enfer, il convient d’entendre, me semble-t’il, ’mon existence parmi les hommes, partageant le lot commun’. Cette oeuvre de Rimbaud, nous ne devrions pas la connaître parce que Rimbaud avait demandé à son ami Demeny, ainsi qu’à sa soeur, de tout brûler et que ceux-ci ont désobéi. Mais Rimbaud a quitté son ancienne vie sans jamais plus y revenir, de façon radicale, et embrassé une nouvelle vie. Cette nouvelle vie était occupée par des activités alimentaires, le négoce,jusqu’au trafic d’armes, mais aussi une autre activité passionnelle, la géographie en tant que science. Il envoyait l’argent qu’il gagnait à sa famille et se faisait envoyer des instruments de relèvement de la topographie, ce genre de choses, et durant cette période a fait des relevés d’endroits où personne (nul occidental) n’était encore allé, envoyant des rapports à l’Académie des Sciences.

Rimbaud, c’est tout de même un type qui dans la lettre dite du Voyant (une lettre à son ami Demeny) dit qu’il a trouvé la signification vraie du Moi (’Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !’), qu’il a accès au psychisme en tant que mécanique (’Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène.’), dit qu’il comprend l’inconscient (qu’il appelle l’Inconnu - ’Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?’). Etc, et tout ça bien avant le vampirisme réducteur freudien et l’obscurantisme qui s’ensuit.

Bon, c’est écrit dans un langage spécial, Rimbaud c’est un gamin poussé à la sauvage, il n’est pas scientifique, etc. Mais force est de constater qu’à ce discours vertigineux, il assortit une conduite. Il y a une authenticité chez lui, ce n’est pas de la belle parole, faire l’habile comme il dit d’autres et qu’il dénonce, et il est très proche de Nietzsche qu’il n’a pas connu, leur trajectoire étant assez similaire et faisant qu’ils sont obscurs de leur vivant. ’Je ne crois à un philosophe que s’il est un exemple’ [N.]

Le moment de sa mort, aussi, est vertigineux, parent de celle de Rilke, et très révélateur.


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