Commentaire de Mélusine ou la Robe de Saphir.
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Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 1er juin 2018 19:19

chez moi, mon homme s’est plutôt uni à une Mélusine et ce soir : LE SAR DINE A L’HUILE. 
Dès le début du roman de Jean d’Arras, la nature de Mélusine est mise en question. Elle est indécise et l’auteur ne souhaite jamais vraiment la définir. Il évoque seulement des créatures « lesquelles aucuns appeloient luitons, aucuns autres les faes, aucuns autres bonnes dames qui vont de nuit »4. L’essence de Mélusine est profondément mystérieuse, multiple et masquée par les métamorphoses et les faux-semblants. La belle dame dont Raymondin est épris ressemble pourtant à une espèce de géante bâtisseuse : elle « fist bastir la ville de Lusignen et fonder les murs sur la vive roche. Et la fit estoffer de fortes tours drues, machicolees et a terrace, et les murs machicoléz et alees au couvert dedens la muraille »5. Jean d’Arras rappelle également que Mélusine est d’abord défricheuse : « apperceurent sur la roche de la Fontaine de Soif grans trencheiz et arbres abbatus d’une part et d’autre dont ilz se prindrent fort a merveiller, car oncques mais ilz n’avoient veu trencheiz. Remondin, qui bien s’apperceut que sa dame avoit ouvré, se teust »6. En outre, elle inspire à son époux Raymondin un stratagème magique pour délimiter son territoire, qui n’est pas sans évoquer une gigantisation de la matière. En effet, le jeune homme réclame qu’on lui fasse don d’autant de terre qu’il en pourra enceindre avec une peau de cerf7. Or cette peau paraît presque surnaturelle puisqu’elle permet de circonscrire un très vaste territoire, qui « comprenoit bien deux lieues de tour »8, sous le regard effaré des assistants ! Le processus est expliqué par la confection, avec la peau, d’une fine lanière formant un écheveau. Or cet agrandissement démesuré de la surface que peut enclore une peau de cerf est associé à un autre motif qui peut faire soupçonner une appartenance au monde gigantal : la peau commence significativement par enclore une montagne, habitat-vestige de géants, s’il en est9. Jean d’Arras affirme encore que les édifices qu’érigent Mélusine par féerie sont d’une taille jusqu’alors inconnue et surtout qu’ils se construisent à une vitesse prodigieuse, inhumaine : « Moult fu la forteresce grant et fort a merveilles ! Et sachiéz que le conte de Poictiers et tuit ly nobles et les menuz peuples du paÿs furent tous esbahiz comment si grant ouvraige pouoit estre en si pou de temps faiz ne achevéz »10. L’évocation des nombreux maçons convoqués par la fée pour réaliser ses projets et originaires d’on ne sait trop où ne serait alors que la preuve d’une volonté de rationalisation du mythe. On pourrait y voir, à la façon de J. Le Goff11, la volonté touchante de Mélusine de vivre parmi les hommes. Il n’en demeure pas moins, qu’elle laisse dans le monde des vestiges de pierres, comme les géants de légendes qu’on devine sous les ruines d’édifices extraordinaires.


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