Commentaire de Christian Labrune
sur La violence d'État


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Christian Labrune Christian Labrune 12 janvier 2019 11:44

à l’auteur,

Je comprends très bien votre exaspération, mais je crains tout de même que vous n’exagériez un peu. Vous êtes en train de nous refaire le coup du slogan « CRS -SS » de 1968 qui a, depuis, fait rigoler les historiens.

Je suis plus heurté par tel ancien ministre qui se prétend « philosophe » et qui, du fond de son fauteuil, préconiserait qu’on usât des armes pour mater l’insurrection que par la violence toute relative des forces de l’ordre. Des scènes comme celle que nous avons tous vue sur la passerelle Senghor rappellent les meurtres au coin des rues qui ont précédé les massacres de septembre 1792.

Les incapables au pouvoir, de fait, n’ont toujours rien compris, et c’était Macron, hier, qui trouvait encore le moyen de faire remarquer : « les Français ont perdu le sens de l’effort ». Ben oui : tout le monde sait déjà qu’il leur suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, mais ils n’ont même pas le courage de faire les trente pas qui les séparent d’un emploi grassement rétribué. Ils préfèrent encore se plaindre, ces fainéants.

On va vers une situation carrément révolutionnaire, et ce n’est pas pour rien que les images d’une révolution française mythique et très superficiellement connue refont surface. Quand La Rochefoucauld réveille le roi en pleine nuit à cause de ce qui se passe à Paris, le brave homme répond à peu près « ah, bon, c’est une révolte ? » -Non, sire, c’est une révolution, répond l’autre. On en est à peu près là.

Encore Louis XVI était-il un homme cultivé et curieux, désireux de bien faire son « métier de roi », comme eût dit son ancêtre, et soucieux de l’avenir du pays. Jamais un roi de France, même Louis XIX, n’aurait pu non pas dire mais même penser qu’il y avait en France des gens « qui n’étaient rien ». 

L’exaspération va donc aller en s’accroissant. Le grand projet de concertation bidon n’aboutira pas, il ne pourra peut-être même pas commencer. Une politique répressive était bien la dernière à envisager. Je ne sais pas ce que serait devenu un Pompidou si la mort ne l’avait pas fauché. Le bonhomme n’était probablement pas un modèle de vertu, mais il avait eu l’extrême intelligence, dans une situation encore plus surprenante et plus violente que l’actuelle, de voir qu’il fallait lâcher du lest et se garder de tout durcissement de la répression.

Le choix qu’ont fait nos irresponsables au pouvoir, c’est celui de la politique du pire, et c’est bien le pire qu’il faut craindre. Si la situation économique lamentable dans laquelle se trouvent un grand nombre de Français, justifie pleinement leur protestation, la violence physique reste répugnante, de quelque côté qu’elle vienne, et je ne concevrais pas que des internautes, au chaud derrière leur écran, pussent la juger légitime. Elle ne le sera jamais, et l’illusion lyrique des révolutions, avec le recul de l’histoire, apparaît toujours comme une affreuse calamité.


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