Commentaire de Régis DESMARAIS
sur Hydroxychloroquine : l'affaire est entendue…


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Régis DESMARAIS Régis DESMARAIS 25 mai 2020 10:29

Bonjour Monsieur,

Nos deux articles étant publiés quasiment en même temps sur Agoravox et exposant une analyse diamétralement opposée, il m’a semblé naturel de commenter votre travail.

En premier lieu, je tiens évidemment à saluer la qualité rédactionnelle de votre article qui est agréable à lire et expose très clairement votre positionnement.

En deuxième lieu, j’ai beaucoup apprécié votre défense des études observationnelles. Vous avez raison, ce type d’études a son utilité et parfois, dans cette certaine situation, ce sont les seules études qui peuvent être conduites…. Sauf à se transformer en assassins de chats.

En dernier lieu, je ne partage pas la majeure partie de votre analyse. Cela ne veut pas dire que vous avez tort et que j’ai raison, cela veut dire que je vous trouve soit partial, soit oublieux de certains fondamentaux qui ne relèvent pas de la médecine, mais de la science en général, voire du bon sens. Ne critiquons pas le bon sens, ce dernier a souvent sauver les hommes de grands désastres.

J’ai fait de longues études supérieures mais je ne suis pas médecin. De fait, je me garderais bien d’exprimer un avis relevant du médical. Je tiens juste à soulever quelques points qui normalement devraient interpeller toute personne lisant cette étude.

Premier point : cette étude est une étude observationnelle fondée sur des analyses statistiques de données informatisées collectées dans un but autre qu’une étude sur l’efficacité d’un traitement contre le Convid-19. Ces données informatisées proviennent de 671 hôpitaux répartis principalement aux Etats-Unis (presque 66 % des données). Or, vous le savez, nous ne savons pas si les règles de construction et d’alimentation des bases de données dans ces 671 hôpitaux sont les mêmes. Certes, un mort à New-York n’est guère différent d’un mort à Nice. Ce qui est différent, c’est l’histoire de cette personne décédée et son histoire médicale. Or, nous ne savons parfois guère de choses sur ce passé médical, sur les thérapies auxquelles étaient astreintes la personne etc… De plus, nous ne savons pas si ces bases de données ont été alimentées de la même manière, avec la même précision et avec le même sérieux. Un doute est permis et ce doute a un impact fort sur l’appréciation des résultats.

Deuxième point : les auteurs de l’étude ont réalisés des corrections de bases, notamment en ce qui concerne la constitution des groupes au sein de l’étude. Ces corrections ne sont pas toujours claires et peuvent induire des biais dans les résultats.

Troisième point : cette étude indique que l’hydroxychloroquine a été administrée dans les 48 heures suivant le diagnostic de contamination au Covid-19. Presque 66% des données proviennent des Etats-Unis. Or, il ne vous est pas étranger la circonstance qu’aux Etats-Unis le système de santé ne fonctionne pas comme le système français, notamment au niveau de la prise en charge économique des soins. Des différences économiques et sociales singularisent les populations françaises et américaine (au sens populations des Etats-Unis). Aux Etats-unis, quand un patient se rend à l’hôpital c’est souvent parce qu’il ne peut plus faire autrement. En France, malheureusement, beaucoup de gens engorgent les hôpitaux pour des problèmes souvent mineurs et qui auraient pu être traités en médecine de ville. Ainsi, il n’est pas déraisonnable de penser, qu’au regard des modalités d’accès à l’hôpital aux Etats –Unis, ceux qui s’y sont rendus avaient depuis plusieurs jours, si ce n’est semaines, des symptômes liés au Covid-19. En clair, ils n’avaient pas d’autres choix que de se rendre à l’hôpital. Dès lors, si l’hydroxychloroquine a été administrée dans les 48 heures suivant le diagnostic de contamination fait à l’hôpital, ces 48 heures succèdent très certainement à plusieurs jours, voire semaines de contamination. L’hydroxychloroquine a donc été administrée trop tardivement. Cette tardiveté est d’autant plus soupçonnable, qu’aux Etats-Unis, jusqu’à fin avril, l’hydroxychloroquine n’était délivrée que dans les cas de patients déjà gravement atteints.

Vous me direz que je ne fais que des suppositions par rapport à la période de contamination au Covid-19 avant son repérage à l’hôpital, certes, mais l’étude ne nous permet pas d’en savoir plus. Je vous rappelle sur ce point que c’était l’un des reproches adressés à l’étude du professeur Raoult, l’absence de fiabilité de sa cohorte. Ce qui était critiquable pour l’étude du professeur Raoult, vous en conviendrez en toute logique et honnêteté intellectuelle, l’est aussi pour l’étude publiée dans The Lancet.

Enfin, pour limiter la longueur de ce commentaire déjà trop long, vous écrivez qu’aucune étude n’a montré l’efficacité de l’hydroxychloroquine associée à un macrolide, ceci est faux. Vous avez été non informé de l’existence de ces études, je vous invite donc à en prendre connaissance.

Beaucoup d’autres critiques peuvent encore être formulée à l’encontre de l’étude publiée dans The Lancet. Pour ma part, je m’en tiens à ce que j’ai écrit et j’invite les lecteurs à se forger leur propre opinion en lisant la littérature produite sur ce sujet.

Cordialement.


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