Le Père protecteur devient persécuteur, non comme représentant de la loi mais comme figuration d’adoration haineuse. Il ne reste que la représentation d’un monde de marionnettes manipulées par une force toute-puissante sur laquelle est projetée l’image du père archaïque terrifiant, en somme le diable qu’il faut tuer pour lui dérober son pouvoir. C’est pour cela que ces théories visent inlassablement à réinstaller l’Amérique à cette place de Père tant honni et tant admiré, muni de son bras armé, le Mossad.

46Dans un monde idéal rêvé par les philosophes des Lumières ou par Freud plus tard, l’homme est gouverné par la raison, le bien public ou la prise de conscience des enjeux conflictuels dont il est l’objet, et se débarrasse des croyances irrationnelles et archaïques.

47Mais dans le monde tel qu’il est, la religion, moyen le plus commode de pacifier et de réguler l’agressivité (issues de la répression des pulsions de meurtre et d’inceste), a laissé la place au Néant. Néant que viennent combler des bricolages individuels, comme pourraient le faire des idoles domestiques. Les théories du complot s’accumulent, chacun organise sa constellation de croyances à usage individuel en tentant de la partager « en réseau » de manière totalement anarchique.