Commentaire de microf
sur Foi et raison : l'éternel dilemme des temps modernes


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

microf 9 février 2021 12:48

Suite 5a. La Foi et la Raison Jean-Paul II

Plus récemment, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, accomplissant sa tâche spécifique au service du Magistère universel du Pontife romain, a dû intervenir aussi pour rappeler le danger que comporte l’acceptation non critique, de la part de certains théologiens de la libération, de thèses et de méthodologies issues du marxisme. Le passage qui suit est important « Si nous considérons notre situation actuelle, nous voyons que les problèmes du passé reviennent, mais sous de nouvelles formes. Il ne s’agit plus seulement de questions qui intéressent des personnes particulières ou des groupes, mais de convictions diffuses dans le milieu ambiant, au point de devenir en quelque sorte une mentalité commune. Il en va ainsi, par exemple, de la défiance radicale envers la raison que révèlent les plus récents développements de nombreuses études philosophiques. De plusieurs côtés, on a entendu parler, à ce propos, de « fin de la métaphysique » : on veut que la philosophie se contente de tâches plus modestes, à savoir la seule interprétation des faits, la seule recherche sur des champs déterminés du savoir humain ou sur ses structures. Dans la théologie elle-même, les tentations du passé refont surface. Dans certaines théologies contemporaines par exemple, se développe de nouveau une forme de rationalisme, surtout quand des assertions retenues philosophiquement fondées sont considérées comme des normes pour la recherche théologique. Cela arrive avant tout quand le théologien, par manque de compétence philosophique, se laisse conditionner de manière acritique par des affirmations qui font désormais partie du langage et de la culture courants, mais dépourvues de base rationnelle suffisante. »

On rencontre aussi des dangers de repliement sur le fidéisme, qui ne reconnaît pas l’importance de la connaissance rationnelle et du discours philosophique pour l’intelligence de la foi, plus encore pour la possibilité même de croire en Dieu. Une expression aujourd’hui répandue de cette tendance fidéiste est le « biblicisme », qui tend à faire de la lecture de l’Écriture Sainte ou de son exégèse l’unique point de référence véridique. Il arrive ainsi que la parole de Dieu s’identifie avec la seule Écriture Sainte, rendant vaine de cette manière la doctrine de l’Église que le Concile œcuménique Vatican II a confirmée expressément. Après avoir rappelé que la parole de Dieu est présente à la fois dans les textes sacrés et dans la Tradition, la Constitution Dei Verbum affirme avec force : « La sainte Tradition et la sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la parole de Dieu, confié à l’Église ; en y adhérant, le peuple saint tout entier uni à ses pasteurs ne cesse de rester fidèlement attaché à l’enseignement des Apôtres ». Cependant, pour l’Église, la sainte Écriture n’est pas la seule référence. En effet, la « règle suprême de sa foi » lui vient de l’unité que l’Esprit a réalisée entre la sainte Tradition, la sainte Écriture et le Magistère de l’Église, en une réciprocité telle que les trois ne peuvent pas subsister de manière indépendante. En outre, il ne faut pas sous-estimer le danger inhérent à la volonté de faire découler la vérité de l’Écriture Sainte de l’application d’une méthodologie unique, oubliant la nécessité d’une exégèse plus large qui permet d’accéder, avec toute l’Église, au sens plénier des textes. Ceux qui se consacrent à l’étude des saintes Écritures doivent toujours avoir présent à l’esprit que les diverses méthodologies herméneutiques ont, elles aussi, à leur base une conception philosophique : il convient de l’examiner avec discernement avant de l’appliquer aux textes sacrés.

D’autres formes de fidéisme latent se reconnaissent au peu de considération accordée à la théologie spéculative, comme aussi au mépris pour la philosophie classique, aux notions desquelles l’intelligence de la foi et les formulations dogmatiques elles-mêmes ont puisé leur terminologie. Le pape Pie XII de vénérée mémoire a mis en garde contre un tel oubli de la tradition philosophique et contre l’abandon des terminologies traditionnelles.

Et de conclure « En définitive, on observe une défiance fréquente envers des assertions globales et absolues, surtout de la part de ceux qui considèrent que la vérité est le résultat du consensus et non de l’adéquation de l’intelligence à la réalité objective. Il est certes compréhensible que, dans un monde où coexistent de nombreuses spécialités, il devienne difficile de reconnaître ce sens plénier et ultime de la vie que la philosophie a traditionnellement recherché. Néanmoins, à la lumière de la foi qui reconnaît en Jésus Christ ce sens ultime, je ne peux pas ne pas encourager les philosophes, chrétiens ou non, à avoir confiance dans les capacités de la raison humaine et à ne pas se fixer des buts trop modestes dans leur réflexion philosophique. La leçon de l’histoire de ce millénaire, que nous sommes sur le point d’achever, témoigne que c’est la voie à suivre : il faut ne pas perdre la passion pour la vérité ultime et l’ardeur pour la recherche, unies à l’audace pour découvrir de nouvelles voies. C’est la foi qui incite la raison à sortir de son isolement et à prendre volontiers des risques pour tout ce qui est beau, bon et vrai. La foi se fait ainsi l’avocat convaincu et convaincant de la raison. »


Voir ce commentaire dans son contexte