Commentaire de Jean Dugenêt
sur Les amis de Bachar el-Assad


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Jean Dugenêt Jean Dugenêt 7 juin 2021 10:16

@megawatt

"Je ne revendique pas une « découverte exceptionnelle » en rappelant la volonté américaine de détruire 5 républiques arabes laïques et de noter que le cas de la Syrie est un échec de cette politique grâce à l’intervention russe.« 

Il n’est pas vrai qu’en Syrie les américains ont échoué à cause de l’intervention russe. J’ai déjà écrit pas mal de choses à ce sujet et je vais donc écrire tout un nouvel article sur cette question qui revient sans arrêt et qui mérite donc d’être éclaircie. Je vais prendre le temps de rédiger quelques réflexions sur le sujet.

Il est possible, et même quasiment certain, que les américains ont eu des visées impérialistes sur toute la région et en particulier sur la Syrie. Il y a donc à ce sujet des déclarations et des documents. Ce que les américains n’ont pas voulu c’est le »printemps arabe« . Dans la foulée de ce mouvement sur la vaste région qui va de la Mauritanie à l’Irak, les dirigeants américains n’ont pas voulu le déclenchement d’un mouvement de protestation en Syrie. Au début de ce mouvement, les américains ont envisagé de liquider Assad à la fois dans le cadre de leur visées impérialistes et pour satisfaire l’opinion publique américaine en faisant une intervention »humaniste« . Ils ont fait les déclarations sur la fameuse politique de »la ligne rouge« . Il leur fallait pour cela une solution de rechange qui maintiendrait le régime capitaliste. Ils ont œuvrer à mettre en place une opposition syrienne en exil avec »des représentants des syriens" (des représentants des syriens choisis par les américains !).

Un tournant important dans la situation est apparu à la suite de l’attaque au gaz sarin de la Ghouta le 21 août 2013. Allaient-ils liquider Assad comme promis dans leurs déclarations sur « la ligne rouge » ? En Syrie, nous n’étions plus alors seulement à un mouvement de protestation mais à une véritable révolution. Les forces militaires fidèles à Assad étaient rejetées de plus de la moitié du territoire. Des comités locaux s’étaient mis en place pour organiser la vie et ils commençaient à se fédérer. Il y a eu une réunion de 70 comités locaux. C’était un pouvoir révolutionnaire qui apparaissait. Les américains n’avaient pas de solutions de rechange pour sauver le capitalisme. Les représentants « bourgeois » (pro-capitalistes) de l’opposition syrienne en exil n’auraient pas été suivis. Liquider Assad dans ces conditions c’était la porte ouverte à ce que craignent le plus les américains : une révolution victorieuse sur la région. Après de multiples réunions (voir le reportage sur Assad actuellement en replay sur la 5) et des hésitations, ils ont pris l’importante décision de laisser Assad en place pour qu’ils fassent tous les massacres qu’il voulait pourvu qu’il liquide la révolution.

Les américains ne sont pas du tout intervenus en Syrie entre mars 2011 (le début du mouvement de protestation) et la nuit du 6 au 7 avril 2017, moment où les USA ont envoyé 59 missiles Tomawalk sur la base aérienne d’Al-Chaayrate en réponse à la deuxième grande attaque chimique au gaz sarin sur Khan Cheikhoun le 4 avril 2017.

A ceux qui prétendent le contraire, j’ai plusieurs fois posé la question : Quels sont les dégâts que les américains ont infligés aux troupes de Bachar ! Combien d’avions ont-ils descendus ? Combien d’hélicoptères, de chars d’assauts, de canons, de camions, de lances missiles, de mitrailleuses lourdes ? Combien d’installations militaires ont-ils endommagées ? Lui ont-ils pris un canon, un fusil, un poignard, un canif ? Rien ! Les américains n’ont jamais dérangé Bachar el-Assad pendant ces six années.

Je signale toutefois qu’il y a eu une erreur militaire, quand russes et américains se partageaient le travail. Je ne compte pas cette erreur comme une agression américaine contre le pouvoir d’Assad, le 17 septembre 2016, lors de la bataille de Deir ez-Zor un tir accidentel des américains avait tué une soixantaine de soldats syriens. Voici ce qu’en dit la Wikipédia

« Le 17 septembre, l’État islamique attaque le bataillon d’artillerie sur le mont al-Tharda, près de l’aéroport. Les forces du régime reculent et se regroupent pour contre-attaquer. Les forces aériennes de la coalition interviennent alors mais elles bombardent par erreur les positions loyalistes. L’EI annonce ensuite, via Amaq, s’être emparé du mont al-Tharda. Selon le ministère russe de la défense, 62 soldats syriens sont tués et une centaine blessés par quatre frappes effectuées par deux F-16 et deux A-10. »

Il faudra ensuite voir comment s’est faite l’intervention russe. Il ne déplaisait pas aux dirigeants américains que les russes fassent le sale boulot à leur place. Il faudra voir ensuite comment russes et américains se sont partagés le travail. Je m’en tiens là pour l’instant.

Il y a tellement d’intoxication idéologique de faite sur le conflit syrien qu’il faut faire un important travail d’examen des faits pour faire émerger la vérité. Par rapport à votre affirmation de départ, il faut bien considérer que des documents (rapports secrets ou public, contrats...) ne sont que des morceaux de papiers et les discours des paroles qui s’envolent. Cela ne prend de l’importance que lorsque s’est corrélé avec des faits.



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