Commentaire de PascalDemoriane
sur Cerveau et esprit (2/2)


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PascalDemoriane 12 octobre 2021 12:01

Merci à l’auteur qui via ces articles enchaînés propose un travail aussi précieux que périlleux : en ces matières on ne peut que naviguer, ramer à vue sur un thème océanique liquide insaisissable, et qu’user de mot-bouées fugitives, « esprit, conscience... » impossible à ancrer faute de fond solide tangible. Casse-gueule cette affaire ! Ma critique est donc d’abord une auto-critique qui ne s’adresse pas à l’auteur, mais à l’intellection humaine commune elle-même. Nous sommes dans le même bateau.

Exemple parmi tant d’autres : dans le paragraphe « Le nouveau-né et les êtres spirituels », on a :

« ...[l’enfant nouceau-né :] l’objet privilégié de son activité visuelle est le visage humain...
Cela signifie que l’enfant possède des compétences sociales innées qui ne sont pas à la portée du cerveau, cet « ordinateur sensoriel ». Il existe un phénomène, la conscience spirituelle, qui est au-delà de la perception et de la survie. »

Ces phrases affirment mais n’expliquent rien. Elles témoignent d’une confusion intellectuelle commune, confusion psycho-linguistique paradoxale, qui nous pousse tous à vouloir formuler articuler, modéliser via un niveau de langage donné, ici celui de l’intellection consciente du sens commun adulte par défaut (le français du quotidien en phase textuelle), des phénomènes sub- ou infra- langagiers, infra-conceptuels, extra-référentiels.
Ben çà marche pas, c’est pas possible ! Et dieu merci ! Sinon nous serions inondés par l’intellection de notre propre « inconscient ». L’outil verbal n’est pas le bon pour y plonger !

C’est d’ailleurs ayant constaté cette limite au contact du réel physique que les humains ont inventé les mathématiques au sens large, en ont normalisé, désubjectivé, désobjectivé les composants morpho-syntaxiques et les signes langagiers. Essayer de résoudre une (pas) simple équation du 3e degré avec des arguments psycho-théologico-philosophiques... c’est évidement pas le bon langage, çà marche pas. De même il est impossible de « penser » la psychogénèse profonde d’où émerge le mot « conscience » avec « les mots » de sa surface. Une barque n’est pas un bathyscaphe. Il faut un appareil conceptuel ad hoc.

Voyons cela dans l’exemple où on parle :

1. « des compétences sociales innées » [du nouveau-né] : non et non ! Des potentialités structurelles d’amorçage d’interactions relationnelles proto-langagière, oui peut-être, d’ailleurs pré-natales, sans doute, mais absolument pas « sociales » et pas des « compétences » ou alors ces mots ne veulent rien dire rien ni psycho ni en socio ! La relation organique de parturition mère-enfant, de tétée, n’est pas « sociale » ni même « proto-sociale » ! mot ici intrusif, étranger au processus.

2. [compétences] « qui ne sont pas à la portée du cerveau » : ben voyons, à portée de quoi alors ? De main, de visage, de sein ? Sauf qu’il n’existe pas de cerveau sans main ni de sein sans cerveau...d’âme sans corps ni de corps sans âme, de psyché sans soma... ni enfin et surtout d’enfant sans mère, c’est à dire d’être sans relation ontogénésique cyclique. Le mot « cerveau » ici n’est pas cohérent avec le propos.

3. cerveau, cet "ordinateur sensoriel"  : non et non ! métaphore piégeuse à ici posée contre emploi : car justement le génie du numérique électronique c’est qu’il n’y a pas de distinction qualitative entre données binaires codifiées (data des capteurs « sensoriels ») et données binaires codifiantes (algorithme du processeur) et c’est de là que la machine, à l’imitation du langage autogène du vivant con-sciant, tire son potentiel de « quasi-conscience » artificielle, d’apprentissage retro-algorithmique. Aucun mystère là-dedans ! Donc cerveau vivant ou machine, « l’ordinateur sensoriel » çà veut rien dire !

En bilan d’étape, il semble que l’auteur postule dès le départ de ses exposés l’idée d’une insoluble rupture esprit/matière, conscience/réalité, psyché/soma, d’un pont introuvable, et finalement fait un courageux panorama des sciences pour le confirmer. Sa question est déjà sa conclusion. Au lieu de chercher ce qu’il trouve, il ne trouve que ce qu’il cherche faute de voyager en façonnant le bon véhicule mental, intellectuel, se contentant du « sens commun » pré-construit qui n’est pas fait pour cela.
Mais la suite prouvera peut-être que je me trompe.


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