Commentaire de Durand
sur Repentance HAÏTI
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L’oubli fut organisé administrativement. Les anciens esclaves vont accéder à l’individualité puisque leur est attribué un nom, indispensable pour l’état-civil. Ils avaient subi la confiscation de leur identité individuelle. En les achetant, le maître leur attribuait un prénom, dans l’indifférence du meurtre symbolique que signifiait cette négation du nom de naissance et d’appartenance à un groupe et à l’histoire d’un lignage. Ils sont désormais recensés dans une catégorie statistique générale. Ils obtiennent un nom en plus de leur prénom. A la rature de leur généalogie d’avant la capture pour la traite, s’ajoute désormais la biffure de leur vie d’avant l’abolition.
L’oubli fut organisé juridiquement. L’amnistie est proclamée à l’intention des esclaves « que l’horreur de la servitude a portés à s’enfuir » et aux marrons qui consentiront à ne plus « occuper les terres qui ne leur appartiennent pas et à ne plus s’isoler d’une société qui ne voit plus dans tous ses membres que des frères égaux ». Manifestement, il n’y avait pas lieu d’amnistier les maîtres qui avaient pratiqué les mutilations et les mises à mort. Ils étaient dans leur droit. Et les abus ne pèsent pas lourd lorsque le droit lui-même, le code noir, institue l’arbitraire, délègue à des personnes une part du monopole régalien de la violence, au seul titre de leur qualité de membre de la classe possédante...
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