Commentaire de argoul
sur Qui est « réactionnaire » ?


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argoul (---.---.18.97) 17 juin 2006 10:31

A Domver

Enfin un commentaire qui concerne le sujet et pas le narcissisme médiatique des commentateurs.

Le « bougisme », comme vous dites, est ce que j’ai appelé « l’activisme » dans la note ; c’est un excès et, en tant que tel, à considérer avec suspicion (voir Trostky et surtout ses successeurs...)

Mais la nature depuis qu’elle existe ne cesse d’être en mouvement. Il s’agit d’un « réel » que beaucoup de religions d’ailleurs ont repris à leur compte avant la méthode scientifique (hindouisme, bouddhisme, zoroastrisme, confucianisme, taoisme, zen). Reconnaître ce mouvement pour s’y adapter est le propre de tout système vivant et la définition même du mot « intelligence ». C’est donc qu’il y a quelque chose de plus que le rejet pur et simple que vous en faites.

La gauche a chevauché le mouvement historique comme le mouvement qui travaille la société génération après génération (mouvement « réel », sinon nous serions encore dans les cavernes, n’ayant rien appris, rien compris). Ce mouvement l’a parfois submergé comme il submerge parfois tous les acteurs qui croient le maîtriser (Descartes et la nature) ou le chevaucher (Marx et l’Histoire), voire le créer (Hilter et le nazisme).

Seuls les monothéismes tendent à immobiliser le réel puisque leur doctrine veut que TOUT soit donné une fois pour TOUTES par un Omniscient Omniprésent à l’Origine et à la Fn de TOUT.

Cela se constate à droite, notamment lors de la Révolution de 1789 où il s’agissait d’opposer une vision du monde « voulue par Dieu » (ou par la Tradition millénaire, voire Burke) et organisé socialement selon Son Modèle, et les révolutionnaires, « de gauche », qui ont forcé la révélation du mouvement déjà à l’oeuvre dans l’histoire des techniques, l’organisation efficace de la société et la maturation des idées.

Cela se constate aussi à gauche, tant dans le communisme qui avait « tout compris » des Lois de l’Histoire et obéissait donc à son Avènement inéluctable par son militantisme, que dans les rejets « mystiques » des anti-productivistes, du Luddisme à Bové, où « la Nature », sacralisée, doit être laissée à ses équilibres, l’homme se refaisant « sauvage » pour « conserver » la terre « Vierge et Mère » (je caricature à peine).

Cet anti-bougisme est proprement « réactionnaire » car il fige le réel alors que le réel est sans cesse en mouvement. Il ne s’agit certes pas de « laisser faire » tout ce qui arrive, comme ce libéralisme qui rejoint l’anarchie, donc la « loi du plus fort ». L’être humain n’existe que comme être individuel ET social, car l’enfant sauvage est « sauvage » et non pas « enfant ». L’homme n’est rien sans les autres hommes. Il est donc nécessaire d’agir ensemble, sans laisser en chemin ceux qui ne peuvent pas suivre.

Mais cela ne veut pas dire revenir à un « âge d’or » du « bon vieux temps », irrémédiablement passé, comme ces Trente Glorieuses dont la mystique sociale-gauchiste se glorifie (après avoir combattu bec et ongles toute la période gaulliste, pompidolienne et giscardienne - soit les 3/4 des ces 30 années glorieuses...). Rêver d’un « âge d’or » est proprement « réactionnaire » au sens de la langue française, c’est être négatif, se réfugier dans le passé pour ne pas voir le présent, mythifier l’avant plutôt que d’analyser le présent, sortir de l’histoire puisque le monde humain est toujours historique, jamais figé parce que le vivant naît, se développe et meurt et que l’homme n’est pas Dieu.

Sans laisser personne de côté, car l’être humain est un être social, il faut reconnaître le mouvement qui va, pour s’y adapter au mieux, l’infléchir si l’on peut. Mais il est nécessaire d’être alors POSITIF dans ses analyses et propositions, ne pas se contenter de REAGIR par réflexe à ce qui est proposé par d’autres. La défense est toujours l’attaque, disent les tacticiens. C’est valable aussi en politique.

Ce pour quoi je déplore la fadeur inconsistante du programme du Parti Socialiste : 3/4 de mesure « contre » ce qui a été fait, 1/4 de mesures positives, malheureusement non financées (que par des yakas). Comme s’il s’agissait d’une plateforme de rassemblement, sur laquelle le candidat s’il est élu n’aura plus qu’à s’asseoir dessus et à « suivre le mouvement » selon son « bon plaisir ». Rien de très démocratique... Comme quoi il est UTILE d’analyser les mots et d’observer ce que recouvre ce mot-valise, si facile d’emploi, de « réactionnaire ».


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