lundi 5 avril 2021 - par rosemar

La mer perfide hululait doucement...

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"La mer perfide hululait doucement", écrit Giono, au début de son roman, Naissance de l'Odyssée : Ulysse écoute le murmure de la mer, alors qu'il est étendu, harassé de fatigue, sur une plage. Il vient d'échapper à un naufrage et semble renaître peu à peu à la vie.

 

Que de poésie dans cette simple phrase ! Que de résonnances !

 

Le verbe "hululer", employé dans cette expression, crée un effet poétique particulier, ce verbe étant le plus souvent associé à un oiseau nocturne : il signifie "crier ou pousser un long gémissement" : grâce à ce mot, la mer s'anime sous nos yeux, lance des cris.

 

La mer est doublement personnifiée puisqu'elle est, aussi, qualifiée de "perfide".

 

Ce mot "hululer" très expressif est, en fait, une onomatopée qui reproduit dans ses sonorités le cri de l'animal, le hurlement plaintif de quelqu'un qui crie, qui se lamente : la voyelle et la consonne redoublées miment ce cri : on a l'impression de l'entendre. On perçoit des bruits qui reviennent, le sac et le ressac de la mer, ses flux et ses reflux.

 

De nombreux mots qui évoquent des cris, des paroles sont des onomatopées : ainsi, les deux verbes "murmurer, marmonner" désignent le fait de parler entre ses dents, de manière indistincte...

 

La mer mugit et Ulysse, qui semble épuisé de fatigue, se laisse bercer par ces échos qui lui parviennent des flots, des échos pleins de douceur. Ses jambes sont comparées à des "algues", ses bras à des"fumées d'embrun".

 

Ainsi fusionnent le monde humain et la nature : ils semblent se confondre.

 

Comment ne pas être sensible à l'originalité de la phrase de Giono qui contient à la fois l'idée de cruauté des flots, et une impression agréable : le murmure des vagues sur la grève, un murmure apaisant ? Comment ne pas être sensible à cette harmonie qui réunit l'homme et la mer ?

 

La phrase construite sur des jeux d'opposition attire aussi notre attention, nous étonne, nous éblouit.

 

Une simple phrase nous fait entrer dans un univers poétique, fait d'images, de personnification, de contraste : c'est, là, la magie de l'assemblage des mots ! c'est, là, la magie du langage !

 

Les sonorités elles mêmes sont révélatrices : on perçoit la rudesse de la perfidie, à travers la consonne "r" contenue dans ce mot, et on ressent une forme de délicatesse grâce à la sifflante s" de l'adverbe "doucement".

 

Voilà une harmonie faite de contrastes d'idées et de sonorités, voilà une harmonie qui nous séduit et nous captive.

 

Sans cesse, dans son oeuvre, Giono nous montre une nature animée, vivante, mystérieuse : il réunit le monde humain à la nature qui l'entoure...

 

Personnifications, images, fusion de deux univers différents, Giono nous fait goûter à l'essence même de la poésie.

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Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/article-la-mer-perfide-hululait-doucement-122452948.html

 



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