La répétition
Des Fous de Bassan du Pouliguen…
De passage au Pouliguen je me devais de rendre visite à mes amis chanteurs. Leur répétition a lieu tous les mercredi soirs et je me fis un plaisir d'assister à celle-ci alors qu'ils préparaient leur prochain concert. Le rituel est immuable, chacun s'installe selon son pupitre, se plaçant derrière un lutrin en deux rangées copieusement garnies. Ils font face à la chef de chœur installée derrière son piano ou bien debout avec son accordéon tandis que derrière elle, un bassiste et un guitariste assurent l'accompagnement.
Il manque un guitariste qui a eu la mauvaise idée de laisser son cœur battre un peu trop la cadence. Il se repose pour revenir en pleine forme lors du prochain concert où il reprendra sa place comme si de rien n'était. Il demeure néanmoins très présent puisqu'une nouvelle chanson est née de sa plume et de ses mélodies. Elle ressemble à ce sympathique personnage et constituera à n'en point douter un grand succès.
L'échauffement vocal semble immuable. Chacun reprend ces gammes avec sérieux et application sans que la chef ait besoin d'imposer quoi que ce soit. Puis c'est le travail proprement dit, l'affinage d'une interprétation chorale qui exige toujours justesse, expression et mesure. Les corrections sont prises immédiatement en compte, je vois à quel point cet ensemble est rôdé et toujours à l'écoute de celle qui le dirige.
Une chanson de François Morel, nouvelle venue au programme, est travaillée. Nathalie, la chef de chœur me demande mon avis, moi le spectateur d'un jour, si piètre chanteur que mes camarades m'implorent de me contenter exclusivement de parler sur scène. Pourtant j'ose une petite remarque, une précision sur l'attaque du refrain qui me semblait inappropriée.
Mon avis est retenu, la correction réalisée promptement et de l'avis général, c'est beaucoup mieux. J'imagine intérieurement la réaction de mes partenaires s'ils avaient été témoin de la scène. J'en souris encore. Pour me remercier sans doute et pour honorer ma présence, la chorale reprend trois de mes chansons qui figurent à leur programme. L'émotion me gagne comme à chaque fois. Comment décrire ce sentiment entre fierté et reconnaissance quand des mots jetés sur le papier prennent ainsi corps par le truchement d'une chorale ?
Un choriste émet le vœu que son groupe puisse participer au prochain Festival de Loire en 2025. Que lui répondre si ce n'est que ma voix n'est que de bien peu d'importance pour lui accorder ce plaisir que je prendrai pour un immense honneur. Que cet ensemble de chants marins reprennent quatre textes d'un orléanais ne rentrera sûrement pas en ligne de compte pour les programmateurs. Ils ont aussi un texte de Mac Orlan, un autre orléanais, beaucoup plus célèbre celui-là et qui sait, peut-être de nature à faire pencher la balance.
La soirée s'achève en libation pour célébrer des anniversaires. Une chanson est reprise pour fêter les heureux élus tandis que de son centre de rééducation, notre ami le guitariste au grand cœur a envoyé un enregistrement qu'il entend offrir à ses collègues. Oh surprise, c'est un de mes textes, « La venelle à quatre sous » qu'il a arrangé à sa manière pour me faire ce délicat clin d'œil et saluer mon passage.
Je vois parmi les choristes de nombreux regards qui brillent. Ils ne connaissaient pas ce texte et le trouve tout à fait à leur goût. Je ne désespère pas qu'ils rejoignent les quatre autres au répertoire des Fous de Bassan. Je les laisse célébrer les anniversaires et quitte cette belle assemblée ému et chagrin de ne pouvoir être présent le 20 juillet quand ils feront spectacle sur le port du Pouliguen. Il me reste à faire en sorte de pousser plus fort encore pour qu'ils soient au programme du prochain Festival de Loire à la mesure de mes misérables moyens.