Alain Delon, le grand paradoxe
L’acteur est hors du commun, car il possède un physique de gendre idéal, tout en pouvant incarner des rôles de tueur, une spécificité étonnante.
Delon ; beau, fragilité trompeuse, distinction naturelle, tueur.
Personne avant lui ne réunissait toutes ces facettes en même temps. Ces qualités, antagonistes entre elles, seront exploitées en le mettant en concurrence directe avec des acteurs d’une virilité abrupte.
Burt Lancaster, Gabin, Lino Ventura, Anthony Quinn, Charles Bronson.
Et Belmondo avec sa virilité joyeuse, un brin goguenarde.
Delon ; le plus beau des morts du cinéma
Quand la femme s’en mêle, L’insoumis, Le samouraï, Scorpio, Le clan des siciliens, Deux hommes dans la ville, Jeff, 3 hommes à abattre, La veuve Couderc, peut-être d’autres.
Encore ce paradoxe surnaturel. Tueur du mauvais côté de la morale, il était quand même le héros qu’on aime bien. Delon rendit pour la première fois au cinéma, et contre toute logique, le tueur à gage sympathique. Par contre, « Les aventuriers » un peu fous, sa mort injuste renforcera son image du héros égaré, dans un monde pas fait pour lui.
Delon ; face à ses partenaires féminines
Les actrices prisonnières du scénario, quel que soit leur talent, n’avaient que peu de chance de rivaliser en intensité, n’ayant que des rôles convenus. Une seule actrice a eu ce privilège, et par deux fois, Simone Signoret. L’actrice a pu donner aux deux personnages incarnés, toute la dimension de son immense talent, Granges brulées et la veuve Couderc.
Delon ; acteur comique, tout en nuances.
La tulipe noire lui donna l’occasion de démontrer cette aptitude, à faire sinon rire, du moins sourire.
Texas nous voilà, le confirmera face à Dean Martin, star américaine au comique décontracté
Doucement les basses, un film récréation, pour un rôle décalé.
Delon ; incarnant la dérive
Le modèle cassant son image, avec Notre histoire et Le professeur. Le héros devenu pathétique. L’acteur a l’épaisseur dramatique d’un Harry Baur, mais pas le physique.
L’homme privé regardant la star qu’il est devenu
Le seul parlant de lui, comme de quelqu’un d’autre. Cette faculté de séparer son intimité vraie, à celle de l’homme public, n’est pas de la vanité, mais de la lucidité protectrice.
Alain, spectateur paradoxal de Delon.