Anquetil tout seul, et Matila Malliarakis
La compétition cycliste vous indiffère ? Les tribulations de Virenque, Armstrong, Froome et autres vous exaspèrent ?? Le dopage vous hérisse le poil ??? Ce spectacle est fait pour vous. " Anquetil tout seul" incarné par le formidable Matila Malliarakis vous fera comprendre que les champions de cette dimension sont des héros épiques, pas forcément des modèles, mais des héros .

Anquetil … Dans la légende des cycles*, c’est un Lancelot du Lac revu et dérangé par Shakespeare qui en fait un de ces héros monstrueux dans leur démesure, mais un héros. Un sorte de Cyrano prêt à tous les défis. Pas forcément un modèle, mais quel destin, et quelle volonté hors du commun pour l’accomplir. Ce spectacle d’une intensité rare nous fait entrer dans toutes les arcanes qui mènent un champion aux sommets de son art. Anquetil a été un phénomène unique en son genre. Il a repoussé les limites grâce à des moyens physiques exceptionnels, il n’est pas le seul, mais il a eu un plus, l’orgueil majuscule, le plus efficace des dopants. En supplément des « soutiens » et fortifiants qui sont en usage dans ces sports parfois inhumains.
Matila Malliarakis incarne Jacques Anquetil avec une présence bluffante, surtout pour ceux qui ont été contemporains de cette époque. Et si vous avez un peu pratiqué le vélo, même en simple cyclotouriste, Matila fait ressurgir dans votre corps le souvenir des douleurs dans les muscles quand il faut monter l’Izoard ou le Tourmalet. Et si vous n’avez jamais fait de vélo, vous comprendrez ce qu’il faut de force, de souffrance, de volonté et de courage, ou d’inconscience pour devenir Anquetil, un hyper champion qui a trangressé toutes les règles établies, autant dans sa vie sportive que familiale. Ce fut la quête de l’impossible exploit, ce qu’il a fait, aucun coureur au monde ne l’a fait. Et dans cette folie que fut le doublé vainqueur Critérium du Dauphiné/Bordeaux-Paris, il a mis à ses genoux un public qui lui a souvent préféré Poulidor, son éternel second. Car Poulidor ressemble à plus à la majorité « normale » que ce géant d’Anquetil. Ce provocateur qui a défié le monde cycliste en prenant position très clairement sur le dopage. Quelle que soit l’approche qu’on ait de ce sujet, son discours est cohérent. Matila Malliarakis est Anquetil, il est sa voix, ce qu’il a dit en 1968, repris texto, est valable en 2016. Ce n’est en aucun cas un plaidoyer pour les artifices, tous les produits ne feront jamais d’un percheron un pur sang gagnant les grandes courses, c’est juste un constat. Lucide.
Dans son épopée scénique, Matila Malliarakis est entouré des deux personnages les plus importants de la geste anquetilienne, Janine, la dame blanche*, blonde, la scandaleuse, confidente et égérie, et le grand fusil, Raphaêl Géminiani, un condottiere à la faconde pagnolesque, au verbe fleuri, une sorte de corsaire intrépide, le parfait compagnon qui a su magnifier les rêves les plus fous de ce maître impitoyable que fut Anquetil. Et ensemble, ils ont constitué une escouade de coursiers-flibustiers qui a bien secoué les traditions des pelotons entre 1960 et 1969.
Il n’est pas indispensable d’être un aficionado de vélo pour se nourrir de cette pièce, écrite à partir du livre Paul Fournel, (adaptée par et mise en scène par Roland Guénoun) pour qui Anquetil fut le dieu du cyclisme, c’est toute la problématique des champions du sport professionnel qui est mise en filigrane, et ça reste actuel. C’est aussi la problématique de la vie en général, qu’êtes-vous prêts à faire pour sortir du commun des mortels ? Qu’êtes-vous prêts à VOUS faire ?? Car c’est avant tout le combat de l’homme contre lui même qui lui permet de dépasser la moyenne, et ça c’est valable dans tous les domaines, se dépasser pour aller au delà de quelque chose qu’on n’explique pas forcément, mais aller au bout de soi, et ne rien regretter. Quoi qu’il arrive.
Au cours de cette traversée scénique, on a croisé Darridage, Antonin Magne, Poulidor bien sûr, Baldini, Anatole Novak, Stablinski, interprétés par Stéphane Olivié-Bisson (qui est surtout Géminiani) et la belle dame blanche, Janine-Clémentine Lebocey, qui interprète aussi Sophie et Annie, les femmes de la vie de Jacques… De cette situation particulière, (voir le livre de Sophie Anquetil) Sophie dira « j’ai eu deux fois plus d’amour » C’est ce qu’on peut retenir de cette histoire compliquée, point d’orgue de la vie d’un monstre sacré, un sacré monstre. Tout est dans la pièce, c’est à 19 h au Studio Hébertot jusqu’au 13 Novembre 2016.
- La légende des cycles (Antoine Blondin) La dame blanche, clin d’oeil à Fausto Coppi qui avant Anquetil avait scandalisé l’Italie avec « sa dame blanche » en rupture de ménage pour son champion.
Norbert Gabriel
Infos, détails pour réserver, c’est là : http://www.studiohebertot.com/