« Avatar » en DVD : Destination Pandora
Encore une fois, Avatar est parti pour battre tous les records. Après ses multiples cartons au box-office (2,7 Md$ de recettes sur la planète), le film, décliné en 2D dans sa version DVD classique et en version Blu-Ray Combo, « se vend comme des petits pains », dixit un vendeur de
Avatar, c’est un film malin comme un singe, il est par excellence une production hollywoodienne, alliée à la puissance de frappe économique de l’Amérique, mais il se donne des airs de « film de gauche », pro-Obama et anti-Bush, ouvert sur l’Autre, contre la loi du profit et antimilitariste au possible, tout en assurant une maestria au rayon pyrotechnique ne pouvant que convaincre ceux qui se laissent facilement séduire par les sirènes de la puissance guerrière. Il s’agit de ratisser large.
Et c’est un film Placebo ! Vous en avez marre de votre « vie en captivité » dans les grandes mégalopoles à l’asphyxiante culture ? Eh bien plongez-vous fissa dans la nature revigorante d’Avatar !
Puis, dans ce film fédérateur, il y a tout ce bleu partout, nous invitant à s’enfoncer dans les profondeurs de cette couleur préférée par la plupart d’entre nous. Le bleu, c’est la couleur de
De plus, Avatar aurait-il autant marché si, en 2006, Le Nouveau Monde signé du génial Malick, chef-d’œuvre déjà inspiré de la légende de Pocahontas, avait davantage cartonné au box-office ? Pas sûr du tout. C’est d’ailleurs à mes yeux, et encore plus à la revoyure en DVD, la grosse faille du film : autant les Na’vi ont un look très étudié là-dedans, autant leurs coutumes, habitus et croyances religieuses, sur fond de New Age surfant sur la croyance animiste des Indiens autour de l’éloge de la vie et de l’énergie, virent à la caricature. Difficile de ne pas trouver risible l’espèce de Danse avec les Schtroumpfs autour de l’Arbre-Maison, surtout quand on a en mémoire la magie chamanique du New World malickien. Par contre, de là à l’accuser de plagiat, je ne m’y risquerai pas car, dans n’importe quel domaine, quel créateur ne s’inspire point, d’une manière ou d’une autre, de ce qui l’a précédé ? Et existe-il au monde une création artistique ex nihilo ? J’en doute fort…
Soyons honnêtes, il est toujours facile de tirer à boulets rouges sur un blockbuster hollywoodien en l’accusant de ne pas faire dans la dentelle, ou d’expliquer les raisons du succès d’un film en arrivant après la bataille (son triomphe dans les salles obscures), beaucoup plus difficile est la capacité à créer un film générationnel qui marque les esprits. Or, à ce niveau-là, Cameron est un cinéaste gros calibre hors pair. Mieux que Le Seigneur des Anneaux (vous me direz que ce n’est pas très difficile !), meilleur que Star Wars, ne cherchez plus, c’est Avatar. Un film qui gagne à être revu parce que James Cameron, avec son 8e film, crée un panaché de tous ses films précédents (Terminator, Aliens, True Lies, Abyss, Titanic) sans jamais, cependant, perdre le fil rouge d’un film-monstre qu’il a couvé pendant quinze ans. A n’en pas douter, s’il y a, entre autres, quelque chose de séduisant, voire de fascinant, chez ce cinéaste canadien, c’est sa capacité à se donner à 200% sur chacun de ses opus : il ne lâche rien, il y croit dur comme fer et, pour reprendre un propos du peintre Denis Laget, « J’envie quelquefois la naïveté des artistes des nouveaux médias, tout à la fascination de leur lanterne magique ». Il y a cru comme personne à son film, et à travers sa croyance inébranlable en son art (le 7e), Cameron donne à voir un monde qui colle à la rétine : la flore et la faune de Pandora, avec leurs montagnes flottantes, leurs méduses volantes translucides, leurs grands oiseaux préhistoriques, leurs plantes exotiques rétractiles, leurs panthères-hyènes diaboliques et autres Thanators destructeurs, apportent une jouissance de l’œil. Ce n’est pas un hasard si le film insiste tant sur le regard (l’un des plans forts du film montre une pupille dilatée ; un Marine déclare qu’il est aveugle lorsqu’il perd le contrôle de l’une de ses mini-caméras intrusives), il s’agit, semble nous dire Cameron, de se laver le regard, d’apprendre à nouveau, loin des accessoires inutiles (jeans, bières industrielles, gadgets high-tech), à voir, à ressentir le monde. Courant loin devant moult movie makers actuels - faites par exemple la comparaison entre le dressage de l’ikran par Jake Sully et à peu près la même séquence déclinée dans les derniers Besson (Adèle sur un ptérodactyle) et Leterrier (Persée sur le destrier volant Pégase), et vous verrez toute la différence entre une grande mise en scène et une réalisation plan-plan -, Cameron, avec Avatar, a fait un film de cinéma mainstream qui fera date, non seulement parce qu’il est pionnier dans la 3D dernier cri, mais aussi et surtout, parce qu’en reprenant intelligemment tous les codes du cinéma US, il a ouvert, avec ce film de science-fiction, une boîte de Pandore fascinante (un film qui s’aventurerait du côté de Pandora sera aussitôt taxé d’avataresque) et créé une « émotion grand écran » qui emporte tout sur son passage, y compris les quelques scories du film. Quant à ceux, avatariens ou non !, qui s’inquiéteraient de suites éventuelles données à Avatar (Cameron a lui-même annoncé un 2e qui se concentrerait sur les océans de Pandora et un 3e s’intéressant à tout le système Alpha Centauri), rassurons-les aussitôt, Cameron n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est aux commandes d’un numéro 2, cf. les excellents Aliens et Terminator 2. Attendons de voir, donc.
* 2ème photo (Fnac des Halles, mai 2010) de Walter Rizotto et Jean-Loup de