mercredi 11 avril 2018 - par Sylvain Rakotoarison

Barbara Hannigan, la « crazy girl » de la musique contemporaine

« La musique parle d’abord à un sens qu’elle charme et dont l’excitation, se propageant à tout l’organisme, produit une volupté tantôt douce et calme, tantôt fougueuse et violente, qu’on ne croit pas possible avant de l’avoir éprouvée. » (Hector Berlioz, le 7 mars 1849).



Je propose ici un petit mot sur la soprano canadienne Barbara Hannigan à l’occasion d’un petit anniversaire. Née en 1971, elle chante depuis 1988, surtout dans des opéras (pas seulement) de compositeurs de musique contemporaine. Elle a participé à près d’une centaine de créations d’œuvres musicales contemporaines. Depuis longtemps, elle a une belle réputation, cumulant reconnaissance, récompenses et prix.

J’ai eu la chance, double chance, de l’écouter le 27 septembre 2011 à Paris. Elle chantait dans une œuvre majeure de Pierre Boulez (1925-2016) inspirée par Stéphane Mallarmé, "Pli selon pli", dirigée par le compositeur lui-même (voilà la seconde chance !) et j’ai adoré cette œuvre et cette interprétation, qui, évidemment, sort des sentiers battus de la musique classique que je dirais "ordinaire". Barbara Hannigan n’a donc pas peur d’aller au-delà du conformisme habituel.

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Son dernier CD, "Crazy Girl Crazy" sorti le 22 novembre 2017, a été récompensé comme l’album de musique classique de l’année 2018 (JUNO Award), un prix canadien, mais elle a reçu aussi une récompense en Belgique pour ce même album.

Depuis quelques années, Barbara Hannigan n’est plus seulement "qu’une" cantatrice, puisqu’elle est devenue également chef d’orchestre et a même été recrutée comme la principale chef d’orchestre invitée de l’Orchestre Symphonique de Göteborg (Gothenburg Symphony), l’orchestre national de Suède, à partir de la saison 2019-2020 pour au moins trois années. Elle connaît bien cet orchestre avec lequel elle a déjà souvent collaboré et elle dirigera d’ailleurs trois concerts à Göteborg les 12, 14 et 15 décembre 2018, respectivement à 19 heures 30, 18 heures et 15 heures.

Quant à son "actualité" immédiate, elle termine une série de concerts à l’Opéra de Paris du 17 mars au 11 avril 2018, dernière représentation ce mercredi 11 avril 2018 à 19 heures 30, au Palais Garnier, où elle chante dans une tragédie lyrique en un acte de Francis Poulenc, "La Voix humaine" (1959) selon un livret de Jean Cocteau, sous la direction d’Ingo Metzmacher et mise en scène par Krzysztof Warlikowski.

Je voudrais évoquer un autre compositeur, György Ligeti (1923-2006). Il a composé notamment un opéra en deux actes entre 1974 et 1977 sur un livret (allemand) de Michael Meschke (et Ligeti) : "Le Grand Macabre", issu d’une pièce de Michel de Ghelderode (publiée en 1934). Cet opéra a été créé il y a juste quarante ans, le 12 avril 1978 à Stockholm, en version suédoise (la version française fut créée quelques années plus tard, le 23 mars 1981).

L’opéra est plutôt particulier, dans un univers fantaisiste, plein de noirceur et avec des noms de personnage peu orthodoxes, comme "Clitoria", "Spermando", "Astramadors", "Venus", Prince Go-Go", "Mescaline", etc.

Barbara Hannigan a chanté cet opéra dans plusieurs concerts. Elle a pris le rôle du chef de la police secrète (la "Gepopo", petit air de Gestapo). Que sa prestation fut digne de l’œuvre, cela ne faisait aucun doute. Mais elle n’a pas seulement chanté. Barbara Hannigan, qui jouit d’une plastique privilégiée, a aussi joué les filles provocatrices, en n’hésitant pas à se vêtir avec des vêtements qu’on observe très rarement dans les salles de concert …classiques !

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C’est une bonne manière de "dédramatiser" la musique dite classique, mais est-elle si classique quand elle est autant contemporaine que cela ?! La musique est avant tout un divertissement et une source de joie, pas de gravité.

Alors, c’est sûr qu’en s’habillant de vêtements de prostituée, ou de collégienne ingénue et aguicheuse comme dans des films porno les plus éculés, ou encore (peut-être qu’il y avait beaucoup d’enfants dans le public), en portant un déguisement fantasmagorique (qui pourrait faire penser à Barbarella ou encore à l’extraterrestre du navet "La soupe au chou"), Barbara Hannigan apporte sa contribution à la démocratisation des œuvres musicales, qui ne s’adressent pas seulement à quelques connaisseurs ou érudits mélomanes, mais à tout le monde, même profane mais qui, comme elle, ne manquerait pas de sens de l’humour. Il faut évidemment avoir une bonne dose de courage, d’audace et de don comique pour avoir le cran de jouer ainsi sur scène !… Chapeau !

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Je propose donc ici quatre concerts, quatre versions différentes de ce "Grand Macabre" version Crazy girl Hannigan…



1. Sous la direction d’Alan Gilbert (2010)

Alan Gilbert dirigeait le Philharmonique de New York.le 29 mai 2010 au Avery Fisher Hall du Lincoln Center de New York.







2. Sous la direction de Barbara Hannigan elle-même (2011)

Barbara Hannigan dirigeait le Avanti Chamber Orchestra lors du Festival Présences le 18 février 2011 à Paris.







3. Sous la direction de Barbara Hannigan également (2013)

Barbara Hannigan dirigeait l’Orchestre Symphonique de Göteborg le 12 avril 2013 à Göteborg (en Suède).







4. Sous la direction de Sir Simon Rattle (2015)

Le concert a eu lieu le 15 janvier 2015 au Barbican Hall de Londres. Sir Simon Rattle, qui dirigeait l’Orchestre Symphonique de Londres (London Symphony Orchestra), ne manquait pas non plus d’humour. Lorsque la cantatrice s’est pointée, elle a longuement et langoureusement enlevé le chewing-gum de sa bouche que Simon Rattle a ensuite collé sous son pupitre, comme un mauvais garnement. Bad girl, bad boy !

Patrice Imbaud, de ResMusica, notait le 11 décembre 2017 (lors de la sortie en DVD) : « Déguisée en écolière mâchant du chewing-gum, elle entame avec une facilité déconcertante des vocalises et onomatopées explosives et vertigineuses, parfaitement en place, soutenue par un orchestre et un chef extrêmement complices ».







Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu

Les photographies, à l'exception de celle avec Pierre Boulez, proviennent des quatre vidéos de concert proposées.


Pour aller plus loin :
Barbara Hannigan.
György Ligeti.
Claude Debussy.
Binet compositeur.
Pierre Henry.
Pierre Boulez.
Karlheinz Stockhausen.

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14 réactions


  • Fergus Fergus 11 avril 2018 11:11

    Bonjour, Sylvain

    Carrément délirant et inaudible ! Au moins les lecteurs d’AgoraVox savent quels concerts éviter.

    Dommage, car cette fille a un vrai talent de chanteuse !


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 avril 2018 14:52

      @Fergus

      Bonjour. Pour ce qui est de son talent en accord avec vous. Pour la musique contemporaine, il faut des clefs pour entrer comme dans d’autres genres .Ici ça m’est difficile aussi . Je retourne à Phillip Glass et sa musique répétitive.


    • vesjem vesjem 11 avril 2018 18:10

      @Ratatouille
      le rythme est un peu rapide ; t’avais pris du viagra pour « assurer » ?


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 avril 2018 20:45

      @Ratatouille

      Tout en instruments traditionnels ,y compris le votre.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 avril 2018 20:58

      @Ratatouille

      Glassworks ...putain d’album.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 avril 2018 23:20

      @Ratatouille

      A cette attaque sur ma mère qui a porté des strings mais jamais à Kaboul ; je répondrais en sa memoire Gnossiennes et Gymnopédienes de Satie. Na !


  • scorpion scorpion 11 avril 2018 14:42

    Ça, c’est vraiment de la fiente comme les articles de notre inénarrable Rakototo... Un par jour qu’il nous pond le lèche cul merdiatique du système. A quand un article sur la servitude et le vide intellectuel, ce serait top de votre part, vous avez tous les prédispositions pour nous en pisser quelques lignes... 


  • Agafia Agafia 11 avril 2018 14:54

    ^^ Mmmmm... L’en faut pour tous les goûts... ça doit être trop intello pour moi ^^


    Bon, franchement, quel dommage de travailler des heures et des années durant d’un instrument ou de sa voix pour servir des machins pareils, sortis du cerveau de je ne sais quel prétentieux compositeur méprisant la musique...

  • vesjem vesjem 11 avril 2018 18:15

    pendant qu’on parle de çà, on oublie que les orgues sont en place, et que le tocsin va peut-être les accompagner


  • Paul Leleu 11 avril 2018 22:08
    « La musique est avant tout un divertissement et une source de joie, pas de gravité. » N’importe quoi ! C’est vraiment un truc de propagance. Si, la musique est source de gravité. Et la gravité en soi est un délassement dans ce monde débile et hystérique. 

    « Barbara Hannigan apporte sa contribution à la démocratisation des œuvres musicales, qui ne s’adressent pas seulement à quelques connaisseurs ou érudits mélomanes, mais à tout le monde, même profane mais qui, comme elle, ne manquerait pas de sens de l’humour. »  Gros poncif débile digne d’une plaquette de la DRAC ! 

    D’abord, je ne vois pas l’intérêt de « démocratiser » la musique classique. Elle est déjà très démocratique, puisqu’il suffit de se pointer dans un concert de qualité, ça coute le prix d’un paquet de clopes ou d’une pinte de bière à Paris. Les étudiants dépensent 10x plus en cocke et en cinoche. C’est juste que les gens n’ont pas envie de venir. Ben, c’est tant pis pour eux. On n’en a vraiment rien à foutre ! Qu’ils croupissent dans leur merde, dont ils sont d’ailleurs très satisfaits. Donc, je vois pas le problème. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi prostituer l’art de la sorte va le démocratiser. Si c’est ça, pour 50 balles, autant aller aux putes (au moins on peut « toucher »). 

    Les « connaisseurs » et les « spécialistes » comme vous dites, ce sont juste des gens ordinaires (comme vous et moi), qui ont la particularité de ne pas écouter de « musique » atlantiste. C’est en effet une élite restreinte. C’est eux la démocratie. 
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  • Antoine 11 avril 2018 23:14

    L’opéra où triomphent le burlesque et l’absurde. Ça rugit de partout. Grand classique dont l’impact dépend aussi des affinités littéraires. Mais on ne fait pas plus vivant et bigarré, du véritable théâtre musical. Mais pas à la portée de tout le monde, suffit de lire les messages de tous ces philistins...


  • egos 12 avril 2018 18:09

    La provocation n’est certainement pas la voie la plus aisée afin d’ouvrir les tympans sensibles et les esprits rétifs aux agréments des productions musicales contemporaines,

    Cette disposition ne faisait pas défaut à Ligéti, et selon toutes apparences pas + à l’interprète qu’à Sylvain Rakotoarison. 
    Le choix d’une œuvre moins abrupte d’approche, quoique flamboyante mais datée (cad marquée par l’influence de l’époque de sa composition) eut-il été plus convaincant, sans avoir pour autant à céder à la tentation de la facilité ?
    Rien n’est acquis en la matière, 
    la réceptivité des auditeurs reste dépendante d’un trop grand nombre de facteurs pour se forger un jugement en la matière.

    Merci pr ces extraits.


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