« Cabaret », aux Folies Bergère

En osant un final surexposé dans une lumière blanche éblouissante transgressant radicalement les conventions du happy end où l’avenir s’ouvrirait sur des perspectives forcément heureuses, le musical Cabaret emporte définitivement l’adhésion envers une production internationale (Stage Entertainment) qui a le talent de personnaliser complètement le fond et la forme de sa représentation.
Comment désormais en effet imaginer un aménagement d’espace mieux adapté que celui conçu en la circonstance pour les Folies Bergère ? Plus de cent tables de bistrot accompagnées chacune de quatre chaises ont ainsi pris place à l’orchestre après la pose de 400 m2 de plancher en chêne pour transformer la mythique salle en un cabaret du Berlin des années trente, le Kit Kat Klub, tamisé par un éclairage intime à dominante rouge voluptueux et sensuel, prêt pour sa rencontre avec les sortilèges du plaisir mais aussi avec les turpitudes de la destinée humaine.
Cette association d’un lieu attaché aux folles nuits parisiennes de la Belle époque comme cadre d’une comédie musicale inspirée par le roman Adieu à Berlin de Christopher Isherwood, est tout simplement magique.
Cette alliance de la langue française (adaptation : Jacques Collard / Eric Taraud) avec le rythme anglosaxon du théâtre dramatique (livret : Joe Masteroff) qu’une musique lancinante (compositeur : John Kander / parolier : Fred Ebb) entraîne dans la spirale de la fascination est une réussite enlevée par une distribution osant flirter avec le bon et le mauvais goût s’adonnant à des moeurs festives et érotiques, sous une grâce similaire :
En effet Claire Pérot (Sally Bowles), Fabien Richard (Emcee), Catherine Arditi (Fraülein Schneider), Pierre Reggiani (Herr Schultz), Geoffroy Guerrier (Cliff Bradshaw), Patrick Mazet (Ernst Ludwig) et Delphine Grandsart (Fraülein Kost)... nous plongent au coeur de la décadence éthique en même temps que sourd la montée du nazisme avec la conviction et la fantaisie de comédiens qui chantent et dansent sur un volcan dont l’orchestre live au-dessus de leurs têtes se targuerait de faire monter le stress !
D’ailleurs le maître des cérémonies accueille les spectateurs au cabaret de l’histoire en leur recommandant de laisser tous leurs soucis au vestiaire afin de mieux se distraire en compagnie des artistes mais concédera en épilogue que le retour à la réalité ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.
Sulfureux, ce parti pris scénographique implique le public en une descente aux enfers objective qu’au moment ultime celui-ci peut éviter, bien sûr en applaudissant à tout rompre mais aussi en recouvrant de lui-même... les issues de secours !
Spectacle de divertissement certes, spectacle de qualité assurément mais surtout challenge artistique hors des sentiers balisés (mise en scène : Sam Mendes / BT McNicholl), voilà de toute évidence un nouvel enjeu du théâtre musical consistant à se donner les moyens de placer "l’empire du sens" au coeur de l’acte de création.
Photo © Stage Entertainment France / Sébastien Mathé
CABARET - **** Theothea.com - de Joe Masteroff - mise en scène : Sam Mendes - avec Catherine Arditi, Claire Pérot, Fabian Richard.... - Théâtre des Folies Bergère -