samedi 2 novembre - par DerWiderstand

Catherine Jarrett, une actrice à l’écoute de la parole

 - « Rien ne trahissait le mystère d'une âme envolée au milieu des flammes d'une folle ivresse / Sur ses traits, flottait la beauté froide des marbres de la Grèce ! »  : Catherine Jarrett lit Lermontov, grand poète russe, en prenant à témoin les mots eux-mêmes.

Lire à haute voix devant le public ; un exercice aussi simple que de danser sur un fil tendu dans le vide ! Entre écriture et oralité se tient l'« orature », concept forgé par Martin Adamiec, quand narrateur et auditoire participent, soudain, d'une même voix. Catherine y parvient, sans filet de secours. Simple don ou entraînement acharné ?

-Après avoir embrassé le métier de médecin, virage à 180 degrés, vous faites allégeance à l'art. Pouvez-vous décrire ce moment de bascule ? Fut-il progressif ou brutal ?

Ce « devait » être ainsi. De mon « immémorial » temps, écrit. Et se fit douce la transition parce qu’elle était « écrite », dans mon esprit écrite, depuis la petite enfance presque où le père ne cessait de répéter « tu seras médecin, nous monterons ensemble une clinique… » alors les études de médecine pour lui plaire, puis une première année de spécialisation en psychiatrie, et puis… et puis, partir, rompre, oser.

-Avant d'être publication, exposition, scène sociale, la poésie est aussi et avant tout intime présence. Comment se manifeste-t-elle dans votre vie ? Chemin ou destination ? Fulgurance ou présence discrète (René Char ou Jacottet) ? Douleur ou douceur d'être ?

Chemin sûrement, mais nécessité toujours ; manière d’être, oui, d’être au monde, car pour moi tout est désir sinon tentative de créer quelque chose de l’ordre du poétique, quelque chose qui emporte, et une phrase de René Char me revient « il n’y a pas une place pour la beauté, toute la place est pour la beauté », beauté, poésie, une même quête, un même regard, car comment vivre sans poésie ? Pour moi, la poésie n’est pas que le poème écrit, c’est le poème que l’on vit, la vie dans le poème, le poème-vie, la vie-poème. Alors bien sûr, fulgurances, emportements, mais la discrétion tendre et juste d’un Philippe Jaccottet, un sentir-être, un doux silence aussi..

-Ni surjoué, ni quelconque, votre art de mettre les beaux textes en voix est saisissant. Avez-vous suivi des cours de théâtre ? Comment vivez-vous intérieurement ces moments vocaux devant le public ?

Au tout début, entendu écouté observé aimé les joutes oratoires de mes parents durant mon enfance, qui lisaient, se lisaient, des pièces de théâtre, imaginant des scènes, inventant force personnages, jurant de monter tel Shakespeare ou Musset ou autre auteur, contemporain ou non, ils étaient éclectiques...

Alors l’école, puis le lycée, les prix de diction etc.. !! Comment je vis ces moments devant le public ? En actrice, probablement, c’est-à-dire que je m’évade de moi-même pour devenir l’objet ou le sujet du poème.

Devenir personnage, en l’occurrence, le texte - lequel, si je l’ai écrit - m’échappe alors, et m’envoler, en équilibre sur le fil de cet être semi-inconnu que j’apprivoise, respecte, et tente de livrer, le plus honnêtement possible en fonction de ce que j’en perçois.. plaisir du partage.

-Comme le poète et comédien alsacien Martin Adamiec, on vous sent habitée par la passion de l'oralité. Avez-vous, comme lui, théoriser cette question essentielle ?

Théorisé la passion de l’oralité ? Je ne pense pas. Ou peut-être oui, de manière inconsciente. Je lirai Martin Adamiec.

-Cri est le titre de votre prochain recueil. Ce titre bref et claquant avoue-t-il des révoltes d'ordre public ou bien des « cris » personnels et privés ?

Des douleurs certes, de la souffrance, d’où le temps pris pour le livrer, ce Cri, l’oser donner.

Donc, pour répondre à votre question, d’ordre personnel certes, mais tout se rejoint. Je crois à l’harmonie à l’échange, à l’unité : l’intime la tristesse, la dévastation éprouvée, tant psychique que physique, rejoint la douleur de l’autre, c’est-à-dire de toi, d’eux, de nous.

-Vous êtes à la fois poète, actrice de cinéma (quarante films à votre actif !) et peintre, quel est l'art qui vous sied le plus ? Quel jardin à le plus grâce à vos yeux ?

Le Peindre, l’Écrire, le Dire, le Jouer, tous ces jardins me siéent, tous procèdent de la même démarche. De l’odeur de l’herbe au saut de Dame Grenouille, verte ou riante, dans l’ambre roux des nénuphars, des terres retournées tel cerveau exploré, d’une Phèdre désespérée à une Elvire rassérénée, tous m’inspirent, me poussent à vous les retranscrire par écrit, voix, lumières, couleurs, murmures, ou tout autre procédé...

Tous ces jardins me siéent .. mais parfois, ce désir d’éprouver la matière : sentir d’un réel plus « cru » dans la main, froid d’un pinceau, grain d’une toile, onctuosité d’une couleur, bavant, pénétrant les ongles, m’apaiseront davantage tel déferlement, peuplement, vie nouvelle inventée sur cette même toile..

Avaler se goberger de hasards, miracles, de ce fait inouï d’être vivant, et puis les retranscrire, peints, écrits, lus, dansés, pour vous les retourner - les retrouver, décalés différents - la grâce de ces jardins...

-Vous diriez-vous plutôt « poète » ou « poétesse » ?

Poète, poétesse, les deux termes me conviennent ! « Poétesse » me renvoie à poétisse et au Moyen-âge, en ce 15ème siècle où le terme, semble-t-il, était usité, et me permet d’errer en un temps plus ancien. « Poète » m’incite à me poser la question de savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme qui a écrit telle ou telle ligne et donc d’imaginer, de concocter élaborer, de m’évader.. encore.

La page de Catherine Jarrett : https://souffleinedit.com/poesie-art-litteraire/catherine-jarrett/ contient un éventail de son œuvre polymorphe. contact : [email protected]

Catherine Jarrett vous invite au vernissage de son exposition de peintures le mercredi 6 novembre à 18:30 à la Rare Galerie. L'exposition est collective. Elle a lieu jusqu'au 5 décembre.

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La Rare Galerie du 17 rue Francois-Miron à Paris, est animée par Wilson et son équipe de telle manière que les oeuvres s'intègrent à merveille dans l'espace exigu de la cave. Les « peintures-énergétiques » d'Anna Dietz, originaire de Franconie, contribuent sans doute à cet unique rayonnement. https://www.annadietz.de

Le soir, la cour d'immeuble située devant la galerie laisse apparaître un carré de ciel ; une "Sternstunde" - une heure étoilée - vous attend en plein cœur de Paris ! La Rare Galerie est aussi un centre d'expression culturelle qui organise, dans un esprit de fraternité, concerts et lectures.

Elle est l'un des rares espaces parisiens à donner sa chance à des artistes inconnus. Condition sine qua none, les œuvres candidates doivent être présentées in situ. Même si la photo est bonne, venir sur place muni d'une œuvre témoin. Se renseigner auprès de Wilson : tél. : 0662504375

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