samedi 31 octobre 2009 - par Axel de Saint Mauxe

Charles de Gaulle Terminal 1 : l’aérogare mal-aimée

 L’architecture des années 60 à 70 est souvent décriée. Les grands travaux gaulliens, qui ont considérablement modifié la physionomie de la région parisienne ont été l’occasion pour les architectes de concrétiser des utopies d’alors.
En 1964 le Général de Gaulle lance la construction d’un troisième aéroport parisien à Roissy en France à 25 km de Paris. Le Bourget et Orly arrivent en effet à saturation.
 
Paul Andreu est désigné maître d’oeuvre pour la construction de la première aérogare, mise en service en 1974.
 
C’est ce bâtiment délirant, unique au Monde, un peu oublié mais fraichement rénové, que nous souhaitons vous faire (re)découvrir.
 
Visite guidée
 
Une aérogare conçue pour l’automobile
 
Nous vous conseillons d’arriver très tôt le matin. En arrivant par l’autoroute A1, après avoir emprunté quantité de bretelles, de voies de sortie, on découvre face à nous l’ombre menaçante du « camembert » géant.
 
Vue générale du terminal n°1
 
Ce qui frappe en premier lieu, c’est le parti pris du concepteur pour l’automobile. La route nous mène directement au cœur de l’ouvrage.
 
Première surprise, si vous souhaitez vous garer, vous n’allez pas vous rendre dans un parking souterrain, mais dans un parking aérien.
 
L’architecte a en effet choisi d’affecter les trois derniers étages aux parkings, ainsi que la terrasse, où se situe la barrière de sortie.
 
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est donc au moment de quitter l’aérogare, en payant votre place de parking, que vous aurez le seul contact visuel de votre visite avec le ciel !
 
Ainsi, pour accéder aux salles d’embarquement, vous faut-il prendre l’ascenseur dans le sens descendant, ce qui, au moment d’appuyer sur le bouton entrave cet instinct qui nous commande de monter pour sortir.
 
Premier ensemble fonctionnel : les halls des départs (enregistrement) et des arrivées.
 
Le camembert est symboliquement coupé en quatre. Huit halls d’enregistrement se répartissent ainsi sur les deux niveaux inférieurs. Juste au dessus, le hall des arrivées.
 
Sols en pierre naturelle, béton mis à nus, encorbellements en tôle émaillée, éclairage soigné, réorganisation de l’espace, l’équipe d’architecte qui a rénové le bâtiment entre 2004 et 2009 a réellement réussi son pari.
 
Le hall des départs
 
Le caractère bâclé des aménagements d’origine avait grandement contribué à la désaffection du public dès son inauguration.
 
Au centre de cet espace circulaire un puits de lumière qui vient éclairer les étages inférieures, vouées aux fonctionnalités nobles de l’aérogare.
 
Deuxième ensemble fonctionnel : les zones de filtrage.
 
Pour y accéder, vous devez être muni d’une carte d’embarquement. Vous emprunterez l’un des tubes transparents qui traversent de part en part et de façon faussement aléatoire le puits de lumière évoqué plus haut.
 
Le puits de lumière
 
Vous serez alors dans la partie supérieure du Camembert, à proximité de son centre (la périphérie est, nous l’avons vu, réservée aux parkings).
 
Il vous faudra vérifier la bonne porte et surtout ne pas vous tromper, car vous allez redescendre, cette fois sous le niveau de sol pour emprunter un long souterrain qui rejoindra l’un des sept pavillons annexe (ou satellite), devant lequel vous attendra votre avion.
 
Troisième ensemble fonctionnel : les satellites.
 
Une fois passée l’épreuve du souterrain, vous arrivez dans un « satellite ». C’est un bâtiment annexe, de forme trapézoïdale, qui abrite les salons d’attente. Ils sont fort agréables et donnent enfin au voyageur aérien une vue sur les pistes et le ciel. Quel soulagement et quelle récompense après les multiples formalités d’embarquement et les cheminements interminables dans l’ouvrage !
 
Un salon d'attente, dans un satellite
 
La faillite d’une utopie ?
 
Ouvert aux passagers dès 1974, la finition initiale des espaces a beaucoup contribué à la mauvaise réputation du bâtiment.
 
Conçu selon les standards des années 70, les architectes et décorateurs faisaient alors peu de cas du choix de matériaux d’habillage (petits carreaux ronds type RER) ainsi que de l’éclairage. De plus les Aéroports de Paris accordait alors peu d’intérêt à la propreté et la maintenance.
 
Aussi, quelques années seulement après son inauguration, mais comme beaucoup de constructions contemporaines (cf. les gares RER de Châtelet les Halles ou Gare du Nord), l’aérogare donnait déjà une impression désagréable de vétusté et de saleté.
 
L'arrivée dans le satellite
 
Mais au delà de ces aspects liés aux aménagement intérieurs, que dire du concept ?
 
On ressent que l’architecte a travaillé de manière très poussée les fonctionnalités de l’ouvrage, avec les contraintes inhérentes au transport aérien (formalités, transport des bagages), mais en se plaçant du point de vue de l’usager depuis son arrivée en automobile jusqu’à son entrée dans l’avion.
 
Le camembert est ainsi au cœur du dispositif, le point d’entrée qui concentre dans un espace limité l’ensemble des services nécessaires à l’embarquement, sans se préoccuper du fait que l’on est ou non dans un aéroport. C’est en effet dans le satellite, aboutissement de son séjour dans l’aérogare, que le voyageur verra devant lui les pistes et le ciel.
 
S’il présente un intérêt indéniable (concentration des services aux voyageurs, du parking à l’enregistrement, tout en s’adaptant au besoin d’espace des avions, grace aux satellites), ce concept n’a jamais été reproduit ailleurs et pour cause.
 
Son concepteur lui même en a abandonné le principe en construisant l’aérogare n°2, de manière plus traditionnelle.
 
Principaux inconvénient du système circulaire, la grande surface utilisée par les satellites, mais surtout l’impossibilité d’en augmenter la capacité, ce qui n’est pas le cas de l’aérogare n°2, construite de manière linéaire, qui se voit ajouter régulièrement une extension (on en est au terminal 2F). Le terminal 1 n’absorbe plus qu’une partie très modeste du trafic de l’aéroport.
 
Pour conclure, gageons que nous apprendrons à aimer ce bâtiment si décrié.
 
Bien que faisant déjà indiscutablement partie de notre patrimoine architectural national, cette aérogare tentaculaire, qui nous semble aujourd’hui grise de laideur, nous apparaîtra dans quelques années comme représentative d’un certain génie, propre à une époque.
 
Article publié dans L’ÉCLAT
 
Fiche technique de la rénovation de 2004-2009 : 
  • Maître d’ouvrage : René Brun Directeur de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle assisté de Jean Louis Cavaillès, directeur des terminaux 1 et 3 de Paris-Charles de Gaulle
  • Maître d’ouvrage délégué : Guillaume Sauvé directeur de la maîtrise d’ouvrage, assisté de Pascal François (DMO).
  • Chef de projet maîtrise d’œuvre : Stephane Tilly, Thierry Delaune et Bruno de la Fayolle (INA)
  • Architectes : Jean-Paul Back et Karine Droit-Mijoule (INA)
  • Durée des travaux : Juin 2004 à mars 2009. En 4 phases successives sans interruption d’exploitation. Phase 1 : novembre 2005. Phase 2 : mars 2007. Phase 3 : mars 2008. Phase 4 : mars 2009
  • Investissement estimé : 280 millions d’euros
  • Surface commerciale : 2 500m² de commerces et 2 400m² de restaurants
  • Capacité globale : 12 millions de passagers après rénovation (2009)
  • Surface (SHON) : Corps central 126 400m². Satellites : 52 200m²


7 réactions


  • Iren-Nao 1er novembre 2009 01:49

    Reflexion architecturale pas tres interessante.

    Mais aeroport remarquablement desagreable.

    Je crois bien avoir lu recemment que cet aerogare a decroche le prix nobel de plus mauvais aeroport du monde.
    J’aurais par grande et facheuse experience des lieux tendance a etre d’accord.
    Certes, tout cela est fort mal entretenu et plutot crade (Je n’y suis pas passe depuis un an..).
    Pour le reste, ca fonctionnerait pas pire qu’ailleurs sauf que le passage a l’immigration est juste odieux.
    Mon dernier passage apres 12 heures de vol, a l’aube, avec bebe, on se retrouve dans une queue pas possible devant maxi 3 guichets de flics.
    Il n’y a plus de segregation entre membre de l’UE et autres, et comme il y a 2 gros porteurs en provenance d’Afrique, je dis pas le bouchon..
    Lamentable, Honteux, a chier !
    Les Flics sont comme d’habitude desagreables, pas tres propres, souvent mal rases.
    Bref a peine arrive on a une tres mauvaise impression de la France.
    J’en profite pour rappeler que cote embarquement (a une epoque j’allais tres souvent en Irlande) on est souvent au bord de l’incident avec les demeures des services de soit disant securite (on dit qu’un Prefet s’est recemment enerve... ! On peut comprendre)
    J’en connais qui preferent arriver a Bruxelles, il y a des TGV aussi.
    D’ailleurs, depuis longtemps on est de plus en plus mal traites en voyage aerien.

    Tchao

    Iren-Nao


    • Iren-Nao 1er novembre 2009 09:14

      Cher Calmos

      Je ne suis certes pas un « citoyen du Monde » vous etes un fin observateur.
      Encore bien moins un touriste, mais surement un gros voyageur.

      Cette semaine j’ai passe les frontieres a Bangkok, Saigon, Singapore et Jakarta. (Saigon est un peu lourd et moyen aimable, mais plus correct et propre qu’a Paris, et ca ne manque pas de guichets ni de flics).

      Absolument partout il y a des files pour les Nationaux (ou assimiles genre ASEAN, UE), une pour les equipages et les diplomates, et un certain nombre pour le tout arrivant.
      Ce qui accelere serieusement le service.

      A Paris, la Police des Frontieres semblent toujours surprise par le nombre d’arrivants, faudrait les informer....

       Desormais dans pas mal de pays ( Singapore, Dubai, bientot Bangkok), il n’y a plus de flic pour les nationaux, juste une carte magnetique.

      La veulerie anti segregationiste en France ne tardera pas a interdire la segregation des chiottes male/femelle.

      Effectivement le passage d’un gros porteur en provenance de bled africain prend plus de temps que l’avion qui arrive de Bruxelles.
      Curieux, encore du racisme.

      On peut ajouter mon minet que 500 personnes qui viennent de passer la nuit en Avion, il y a des « bruits et des odeurs »...

      Bon voyage.

      Iren-Nao


  • manusan 1er novembre 2009 10:24

    le T1 de CDG est un des pires aéroport international du monde, à part JFK a New york, je n’ai pas vue pire.

    Le must de la médiocrité étant l’immigration, 1 à 2 heures d’attente à chaque fois en moyenne, c’est bien simple, n’arrivez jamais le matin à l’heure des charters africains, 3 malheureux douaniers pour 2 charters.


  • kitamissa kitamissa 1er novembre 2009 19:38

    tiens,c’est plein de souvenirs ,à l’époque je bossais chez Razel on a participé au chantier du futur aéroport comme plein d’autres entreprises de BTP .....

    c’était la période des grands travaux comme Melun Sénart ,Trappes Elancourt ,A86,Marne la Vallée etc....

    on arrivait,il n’y avait que des champs et des terrains vagues,et petit à petit,on voyait le résultat de notre boulot sortir de terre !..


  • PUCK 1er novembre 2009 19:41

    Si ,manusan ,il y a pire :Francfort . On est pratiquement toujours dans des souterrains interminables ,les ascenseurs fonctionnent de manière aléatoire ,et ,je ne parle pas de l’amabilité de la PAF !!!

    Quand à arriver aux petites heures du matin ,ce qui est souvent mon cas ,je dois dire que c’est presque partout pareil :lugubre . Récemment ,j’arrivais des Antilles autour des 6 heures du matin ,pas bien réveillé non plus ,et ,j’ai eu un sursaut de panique en voyant TOUT le personnel d’accueil : c’est bien simple ,j’ai cru que l’avion avait fait demi-tour !


  • Jurassix Jurassix 2 novembre 2009 08:51

    J’ai pas mal roulé ma bosse en aéroports, et CDG est l’u des pire aéroports que j’ai pu franchir. Résultat, je n’y passe plus.
    - 3 douaniers la matin, même pas une file UE pour aller plus vite, alors que trois 747 sont arrivés.
    - signalisation abominable, 1h pour trouver le loueur de voitures.
    - personnel froid, pas aimable, tirant la gueule, merci l’image du français.

    Assez d’accord pour dire que JFQ est aussi une horreur (2h30 pour passer l’immigration), mais au moins, on s’y retrouve.

    Pire aéroport Européen, peut être bien le pire au monde, du moins pour les pays « développés » (mais Paris, humainement parlant, est elle développée ?).


  • Axel de Saint Mauxe Nico 7 novembre 2009 00:25

    Merci aux anciens « constructeurs » de l’ouvrage. Je suis par contre un peu déçu par certains commentaires, hors sujet.

    Cet article ne parle pas du service fourni par ADP, mais sur la conception même de cette construction mal-aimée qui pourtant m’a inspiré un vrai sentiment d’humanité (je ne pourrai effectivement pas en dire autant du personnel).


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