lundi 20 juin 2016 - par Frédéric Degroote

Cinq-Mars de Charles Gounod

 

Si le Palazetto Bru Zane se plaît en général à exhumer des compositeurs romantiques français aux noms peu connus, le dernier livre-cd paru chez Ediciones Singulares met à l'honneur Charles Gounod (1818-1893), un des cadors du répertoire romantique français. C'est ici son opéra Cinq-Mars qui est enregistré, basé sur l’histoire d’Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, dit le marquis de Cinq-Mars, favori du roi Louis XIII qui finira exécuté avec Françoise-Auguste de Thou pour avoir comploté contre le cardinal Richelieu. Suite à une commande du nouveau directeur de l'Opéra-Comique, la première se donne le 5 avril 1877, dix ans après « Roméo et Juliette », et l’opéra restera ensuite à l'affiche pendant un an avant de disparaître progressivement. Si l'œuvre n'est pas novatrice vis-à-vis de ses plus illustres aînées (FaustMireille, etc.), elle n'en est pas moins d'excellente facture à la fois dans le traitement vocal soliste et choral que dans le traitement orchestral. 

Sous la baguette d’Ulf Schirmer, l’Orchestre symphonique et le chœur de la Radiodiffusion bavaroise serpentent adroitement entre les différentes ambiances de la partition. Que ce soit dans la solennité de l’ouverture, les ambiances pastorales de la deuxième scène du second acte, les chœurs de rébellion ou les instants plus dramatiques, la direction est intelligente et ressentie, se concrétisant dans une palette sonore extrêmement étoffée. Dans cet écrin sonore, on notera la performance de Véronique Gens dans le rôle de la princesse Marie de Gonzague. La magnifique cantilène du premier acte montre une soprano en parfaite maîtrise de ses moyens, ce qu’elle confirme tout au long de la partition d’une voix chaleureuse et parfaitement intelligible. Norma Nahoun et Marie Lenormand complètent avec brio le reste du cast féminin dans les rôles plus champêtres de Marion Delorme et Ninon de l’Enclos.
Du côté masculin, on pourra peut-être s’étonner du choix du rôle-titre en la personne de Mathias Vidal. Initialement prévu pour le ténor américain Charles Castronovo, malade peu avant l’enregistrement, celui qu’on connaît en général pour ses qualités de haute-contre a repris le rôle au pied-levé. Si on a l’habitude de voix plus ronde pour les héros de Gounod, le chanteur compose intelligemment avec son appareil vocal et livre une version plus que convaincante, construisant un personnage tout teinté de la fougue du jeune marquis. Bien que l’on peut sentir quelques tensions dans les aigus à des moments plus dramatiques, ces dernières sont très vites oubliées devant la justesse des intentions. Enfin, on est agréablement surpris du soin apporté à la diction du reste du casting, compréhensible d’un bout à l’autre de l’œuvre, et ce jusque dans les choeurs.

Ce nouveau volume de la collection « opéra français » est donc une réussite pour le centre vénitien — même peut-être l’un des plus réussis — tant il semble replacer Cinq-Mars en bonne place dans la production de Gounod. Outre la belle surprise qu’est Mathias Vidal dans ce répertoire et la confirmation de la maestria de Véronique Gens, on apprécie plus généralement une distribution très égale et investie ainsi qu’un orchestre et des choeurs aux mêmes superlatifs, participant à ce qui est le meilleur plaidoyer possible pour découvrir cet opéra.

 Maxime Melnik

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Charles Gounod (1818-1893)


Cinq-Mars, opéra en quatre actes et cinq tableaux (extrait)


Mathias Vidal : Le Marquis de Cinq-Mars
Véronique Gens : La Princesse Marie de Gonzague
Tassis Christoyannis : Le Conseiller de Thou
Andrew Foster-Williams : Le Père Joseph
André Heyboer : Le Vicomte de Fontrailles
Norma Nahoun : Marion Delorme
Marie Lenormand : Ninon de L’Enclos, Un Berger
Jacques-Greg Belobo : Le Roi, Le Chancelier

Andrew Lepri Meyer : De Montmort, L’Ambassadeur
Matthias Ettmayr : De Montrésor, Eustache
Wolfgang Klose : De Brienne

Chor des Bayerischen Rundfunks
Münchner Rundfunkorchester
Ulf Schirmer, direction


2016 Ediciones Singulares/Palazzetto Bru Zane ES 1024


Ce livre-disque peut être acheté ICI



2 réactions


  • Antoine 20 juin 2016 23:23

       L’un des plus beaux opéras de Gounod, voire le meilleur, étrangement rare à l’affiche. Tout le monde (du moins ceux qui sont pourvus d’organes de part et d’autre de la tête) s’y régalera en particulier avec la merveilleuse « nuit resplendissante » et l’acte échevelé de la conspiration !


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