« De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites » ou de la reprise en salles d’un film poétique

De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (1h40, 1973), film très étrange (en reprise depuis le 10 septembre*) sur la relation mère-fille réalisé, grâce à un prêt de
Pourtant, tous deux ont connu leurs heures de gloire en tant qu’acteurs dans les sixties et seventies (A bout portant, Les Douze Salopards, Rosemary’s Baby, Fury, Un tueur dans la foule, Luke la main froide, Butch Cassidy et le Kid, L’Arnaque,
Petite réflexion, si cet étonnant De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites – quel titre ! - était signé John Cassavetes, il est fort possible, au vu de son charme intimiste à aborder le jardin secret et les zones d’ombre de femmes-marguerites entre trois âges (l’affiche américaine titrait « Mother of the Year » et avait pour catchline « If you had a mother like this, who would you be today ? »), qu’il aurait déjà le statut de grand classique indépendant US. Mais il est labellisé « Paul Newman » et, il faut bien le dire, l’image de celui-ci, en tant que créateur de notre temps (il est né dans l’Ohio en 1925 et toujours vivant, 83 ans !), est moins forte, non pas moins iconique (ça reste un acteur de légende) mais moins mythologique en tout cas. Ne l’oublions pas, à l’écran et dans nos imaginaires personnels et surtout collectifs, voire politiques, c’est également la signature qui fait le film, et un Cassavetes (1929-1989), si grand soit-il, l’avait parfaitement compris en fusionnant l’art et la vie, le cinéma action-filming et sa personne puissamment bord-cadre et ô combien séduisante. Comme le rappelle Thierry Jousse dans son excellent John Cassavetes (Coll. Auteurs, 1989, p.5), ce cinéaste plein d’énergie, aux films torrentiels, a pour toujours la « stature d’auteur mythique aux yeux du public européen (…), en lutte permanente contre l’énorme machinerie capitaliste hollywoodienne. » Il est l’auteur culte de home-movies et de buddy movies (films de potes) libertaires : « Faire des films, c’est en fait du plaisir à l’état pur. Il faut s’amuser, être dégagé, aimer son travail et le faire en compagnie de gens formidables. C’est ce qui me garde en vie. (…) Si je peux, je ferai des films avec des non-professionnels, des gens qui peuvent se permettre de rêver à une récompense autrement importante que l’argent, des gens qui ont une envie frénétique de participer à un truc créatif sans savoir exactement de quoi il s’agit. Ce que je demande à une équipe, c’est qu’on me donne autant d’amour pour le film, l’histoire, les acteurs et autant d’inventivité et d’audace qu’il est humainement possible. » (Cassavetes, in John Cassevetes/Autoportraits, p. 16, Cahiers du cinéma, éditions de l’Etoile, 1992).
Bref, tout ça pour dire que j’ai trouvé De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, adaptation d’une pièce de Paul Zindel (prix Pulitzer en 1971), très fort, inégal et en déséquilibre à l’instar d’un film cassavetien traversé par des forces invisibles (celles du cœur ? Des sentiments ?), et qu’il faut donc le revoir à la hausse ! On peut parfois penser à Tenessee Williams, que Newman adaptera d’ailleurs au cinéma en 1987 avec
Paul Newman était en admiration devant (le jeu de) sa femme et, franchement, il y a de quoi, pour lui ce film était une sorte de défi lancé à sa femme-actrice : « J’ai acheté ce texte parce que je pensais que c’était un rôle impossible à jouer pour ma femme… Mais à chaque fois que je la mets devant une caméra, elle me prouve entièrement le contraire. » Pour la petite histoire, il faut savoir qu’ils se sont épousés en 1958, qu’ils détiennent ainsi le record du couple marié à Las Vegas qui a la plus longue durée de vie commune !, et qu’en 1973, ce De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites avait été sélectionné en compétition officielle pour le 26ième Festival de Cannes : Joanne Woodward s’y était d’ailleurs distinguée en remportant le Prix d’interprétation féminine. Prix amplement mérité, c’est le moins qu’on puisse dire, lorsqu’on voit, 35 ans après sa réalisation, sa performance impressionnante et impressionniste dans ce film chaleureux et précieux, mais sans préciosité ni affèterie de surface. Oui, contrairement à son titre floral, n’y voyez pas un film cucul la praline, ce n’est pas du tout ça. C’est un film sensible et rare, traversé par des lignes de force, notamment celle de la trop rare Joanne Woodward qui, tout en étant carrément à l’Ouest, évite de tomber dans le corps hystérique et le cabotinage relevant de la course vaniteuse aux Oscars.
* Actuellement au cinéma. Sur Paris, on peut le voir à