vendredi 26 mai 2006 - par Theothea.com

Doute, mis en scène par Roman Polanski au Théâtre Hébertot

De Hedda Gabler en 2003 au Théâtre Marigny jusqu’à Doute actuellement au Théâtre Hébertot, Roman Polanski est cet unique metteur en scène célébré avec sept oscars et la Palme d’or pour Le Pianiste en 2002, mais dont la critique théâtrale, de la première à la seconde, est passée du déni complet aux louanges unanimes.

Si à l’époque Emmanuelle Seigner, son épouse, n’avait pas convaincu le gotha culturel pour son interprétation autistique du personnage d’Ibsen, Dominique Labourier, Noémie Dujardin et Félicité Wouassi bénéficient toutes trois aujourd’hui d’un consensus opposé auquel nous souscrivons à part entière, mais non sans percevoir, même à trois ans d’intervalle, la continuité d’implication distanciée d’une mise en scène l’autre.

Si depuis l’ombre des coulisses, Roman Polanski aime agiter au devant de la rampe des "poupées de chiffon", c’est pour mieux faire surgir les contradictions internes qui rivalisent en arrière-plan de la conscience de chacune.

En effet, campés dans leurs incertitudes morales, des personnages fantoches, qu’ils soient extravertis ou non, affichent leur désarroi face à la nature humaine complexe et ambivalente.

Ici rejouant La ville dont le prince est... " un enfant dont la présence sur scène reste virtuelle, c’est le démon de la rumeur, de la calomnie, du harcèlement qui s’invite sur le plateau en prenant toute son expansion à travers quatre comédiens dont le jeu consiste à maintenir, du dedans, la force d’irrésolution qui va répandre un scepticisme généralisé.

Le clergé, dans ce milieu scolaire privé du Bronx des années 1960, vécues par l’auteur John Patrick Shanley dans la frustration de son enfance, sert ici de terrain de contestation où l’opposition entre le corps et l’esprit atteint ces degrés irréversibles où l’ambiguïté de l’inconscient affleure les couches de la pédagogie en provoquant des ravages tacites insupportables par la hiérarchie institutionnelle.

Prise en tenaille entre une soeur supérieure psychorigide et un prêtre (Thierry Fremont) s’affranchissant des conventions, la soeur novice exprimera tout la confusion d’un monde en recherche de nouvelles valeurs éthiques.

Très pragmatique, une mère de famille connaissant le prix de l’exclusion viendra relativiser les principes de salubrité sociale à l’aune d’une appréciation globale souhaitant faire la part des choses.

A terme, chacun des protagonistes, renvoyé dans une position de retrait, laissera au spectateur le soin d’utiliser si possible le doute au profit de la plurivocité que l’adaptation française de Dominique Hollier sait bien rendre tactile

DOUTE - *** Theothea.com - de John Patrick Shanley - mise en scène : Roman Polanski - avec Thierry Fremont, Dominique Labourier, Noémie Dujardin et Félicité Wouassi - Studio des Champs Elysées -



1 réactions


  • Marcel Patoulatchi (---.---.103.59) 27 mai 2006 01:11

    Cela me fait toujours bizarre d’entendre évoquer les questionnements métaphysiques, « les contradictions internes qui rivalisent en arrière-plan de la conscience de chacune », d’un metteur en scène qui ne peut se rendre dans une des grandes démocraties du Monde car il y fut condamné pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure de 14 ans, condamnation qu’il n’a jamais exécuté, ayant décidé de se carapater... Etrange d’être invité à refléchir sur la nature humaine par quelqu’un qui a refusé le jugement de la société sur ses propres actes, n’est-il pas ?


Réagir