Jill Bolte Taylor, neurobiologiste étasunienne brandissant un
cerveau humain, sur le cliché ci- contre, pour nous en décrire le
fonctionnement.
Un flash s’impose à moi, Hamlet dans la même attitude, sérieux et
sombre, exposant un
crâne humain, méditatif.
Un jour cette scientifique bascula
de l’autre côté de l’écran, elle devint pendant un temps hors du temps,
le metteur en scène, l’actrice et la spectatrice de sa
propre vie.
En miroir de l’image théâtrale, le drame fut shakespearien.
Peu de chercheurs ont l’opportunité de vivre par eux même une métamorphose, "anglo-saxonne", rappelant celle du Dr Jekyll et de Mr Hyde. "
Ce qui a joué en partie dans l’orientation professionnelle de Jill, c’est que l’on a diagnostiqué chez son frère une schizophrénie. Cette pathologie psychiatrique a débuté à son adolescence. Les schizophrénies ont pour conséquences des altérations de la perception de la réalité (délire) et des troubles cognitifs.
Un matin, Jill s’est réveillée en réalisant qu’elle avait elle même une pathologie cérébrale. Elle ignorait alors qu’un vaisseau sanguin avait explosé dans la partie gauche de son cerveau. Pendant 4 heures, elle assista impuissante, à la dégénérescence de son cerveau dans sa capacité à traiter toute information.
Le matin de l’hémorragie, Jill ne pouvait plus marcher, parler, lire, écrire, ni se rappeler de sa vie passée. Le stade infantile dans un corps de femme.
Dans le cerveau, les deux hémisphères sont séparés l’un de l’autre. Relativement à l’ordinateur, le lobe droit fonctionne comme un processeur parallèle, tandis que le lobe gauche, comme un processeur linéaire. Les deux hémisphères communiquent à travers le corps calleux, qui est composé de 300 millions de fibres nerveuses.Les deux hémisphères sont dissemblables et traitent l’information différemment.
Notre hémisphère droit, c’est l’instant présent, ici et maintenant. Il pense en images, s’informe de manière kinesthésique à travers le mouvement de notre corps. L’information sous forme d’énergie s’écoule simultanément à travers tous nos systèmes sensoriels. Par ce moyen, nous sommes des êtres d’énergie connectés les uns aux autres. Nous formons une grande famille humaine dans le passé et le futur.
Notre hémisphère gauche pense en langage, c’est la petite voix, le bavardage mental permanent qui établit en le dialogue entre le monde extérieur et intérieur. C’est la gestion comptable de ma vie...être ou ne pas être...dans ce cas présent, c’est, "Je suis". Je deviens séparé, un individu isolé, séparé du flux d’énergie qui m’entoure.
Le matin de l’accident cérébral, une partie de son cerveau gauche est défaillante et fortement douloureuse. Jill tente de réagir, elle investit son appareil de musculation et constate très vite qu’elle est une espèce de monstre grotesque qui gesticule maladroitement. Ses mains sont perçues comme des serres préhistoriques agrippant la barre. La chose étrange se retrouve dans un espace ésotérique, le mal de tête empire.
Elle tente un déplacement et réalise que son corps se déplace très lentement, la démarche est rigide et forcée, le champ de perception diminue. Jill constate qu’elle ne délimite plus son corps. Elle s’interroge...une magnificence, elle se sent énorme, expansive... le silence.
Son hémisphère gauche interfère " nous avons un problème, cherchons de l’aide". Puis de nouveau propulsée dans un lieu étrange et magnifique...elle se sent légère, paisible, débarrassée de tout son stress. C’est l’euphorie.
L’hémisphère gauche ressurgit " Tu dois te ressaisir, chercher de l’aide". Jill se vêt mécaniquement " je dois aller au travail, pourrais-je conduire ?" " Mon bras droit est paralysé...j’ai une attaque cérébrale ! "
En même temps, la chercheuse reprend le dessus et s’enthousiasme d’avoir l’opportunité d’étudier son propre cerveau, se pense comme une neuro-scientifique privilégiée. En même temps elle réalise qu’elle est une femme très occupée et qu’elle n’a pas le temps d’avoir une attaque cérébrale. Elle tente de joindre un collègue au travail, prend une poignée de cartes de visite, sans pouvoir identifier leur nature, mélange de mots, de symboles et de gribouillis dissociés...compose laborieusement un numéro, formule dans sa tête, échange dans une dichotomie de bruits de voix partagés entre l’émetteur et le récepteur et réciproquement. Un peu plus tard, elle est enfin secourue.
" Deux semaines et demi après l’hémorragie, les chirurgiens m’ont enlevé un caillot de sang de la taille d’une balle de golf qui appuyait sur les zones du langage. Cela m’a pris 8 ans pour guérir complètement."
Evoquant ses souvenirs :
" Je me sentais énorme et expansive, comme un génie juste libéré de sa lampe merveilleuse" "J’ai trouvé le Nirvana et je suis toujours vivante, alors toute personne vivante peut vivre la même expérience."
" J’ai imaginé un monde empli de personnes belles, paisibles, compatissantes et aimantes qui savent qu’elles peuvent venir dans cet espace à tout instant. Elles peuvent choisir délibérément d’évoluer d’un hémisphère à l’autre pour trouver la paix."
" Alors qui sommes nous ? Nous sommes la force vitale de l’univers, avec une dextérité manuelle et deux consciences cognitives. nous avons la capacité de choisir, instant après instant, qui, et comment, nous voulons être dans le monde. Ici et maintenant, je peux passer dans la conscience de mon hémisphère droit, devenir la force vitale de l’univers. Je peux aussi passer dans la conscience de mon hémisphère gauche, où je deviens un individu isolé, solide et séparé du flux, séparé de vous. Je suis le Dr Jill Bolte Taylor, intellectuelle, neuro-anatomiste."
Voyage au delà de mon cerveau " (éditions J. C. Lattès)
L’auteur nous propose quelques pistes à travers la méditation et la création artistique.
On n’évoque pas volontiers les troubles neuronaux...tabou. Au USA, c’est l’occasion d’une mise en scène bon enfant. Ce qui me semble intéressant dans cette expérience, c’est son ouverture. La pédagogie, l’art de communiquer et celui de s’enthousiasmer. L’occasion aussi de glorifier le merveilleux de l’humain. L’humain si puissant et tellement vulnérable. Le pouvoir de créativité qui s’inscrit dans notre désir de vivre. Nous parlons et parlons, et bla bla...et le grain de sable et la machine implose. Mais ce qui est miraculeux, c’est le réflexe de survie avec son inventivité. La force de recommencer toujours.
Expérience particulièrement intéressante, merci pour cet article. Les livres d’Oliver Sacks sont également des mines d’information quant au fonctionnement de notre cerveau.
Raisonnons simplement. Quand une ombre gigantesque nous enveloppe, c’est qu’il existe quelque part en nous un contrepoids de lumière colossal qui s’est implanté. La question est de l’admettre dans un premier temps, dans un second temps, cultiver les caractéristiques d’un explorateur et se mettre en quête. Comme l’alchimiste, le désir permanent du questionnement et de la recherche. Cultiver toutes formes de vie en nous et autour de nous.
Très bel article ! Mais laissons l’alchimiste de côté (l’ésotérisme qui fascine), le désir permanent du questionnement et de la recherche c’est la démarche du chercheur au sens le plus large, dans la vie courante ou dans l’exercice le plus pointu sur le fonctionnement neuronal.
Merci, Ce qui me plait chez cette femme, c’est son enthousiasme juvénile, cette propension au merveilleux. « L’esprit américain » est formellement plus ludique, que « l’idée » que je me fais de celui des scientifiques français. D’un point de vue graphologique, ça me vient à l’esprit, l’écriture des scientifiques américains est plus portée à l’extraversion, à la gestuelle expressive, aux prolongements, aux excès, aux débordements, à la familiarité. Nos scientifiques sont plus introvertis, plus contrôlés, moins expansifs et familiers...pourquoi je vous dis ça ? je ne le sais. Gilles de Gêne était merveilleusement ouvert, simple et très pédagogue, l’exception qui confirme la règle. Je le regrette beaucoup.
Pour m’être documenté sur le sujet des EMI, tout porte à croire que le cerveau et la conscience sont deux choses distinctes, de quoi remettre en question une approche rationnelle pure et dure sur le sujet du cerveau...
Cher Jack, 1/ Parler au silence, c’est l’assurance d’avoir une écoute, à défaut de réponse. Parler à la nuit, c’est se mettre en situation de voir une lumière, si par mégarde elle venait à passer
2/ Mon hémiplégie me conduira désormais à ne commenter qu’un de vos articles sur deux.
3/ Pour éclairer votre propos et vos commentaires d’une touche d’humour noir Desprogien, il disait ceci : « Tu es tranquille sur le terrain de boules avec tes amis, dans l’odeur de pastis et le bruit des grillons, à te demander si tu la tires ou si tu la pointes. Et tout à coup, le truc te pète dans la téte, et tu t’effondres dans la sciure au milieu du bruit et des odeurs. Et c’est là que je pose la question, camarades : à qui est le point ? »
Merci Desproges, il manque à la pelle, celui-là aussi.
Mais ça, mais c’est bien sur...Desproges a fait des petits !
Passer derrière lui, c’est risqué, à moins de se nommer Sandro.
Quelle tête avec ses neurones en goguettes, entrainés à Olympie pour les épreuves
les plus spectaculaires, en plein ciel culturel.
Où bien plus contemporain, sous les feux des projecteurs, funambules
en paillettes, dans le ciel du chapiteau, pour les grands enfants attentifs.
Quelle vie, courte mais pleine. Quel cirque, quelle joie.
C’est un exercice, pour entretenir l’hémisphère droit, il me faut travailler l’espace et le mouvement.
Au fond, c’est dangereux la pétanque...après les mots bleus, l’humour noir.
Tu es hémiplégique, rassure toi, je suis manchot, et bien sur j’écris avec mes pieds,
mais ne fais pas de déduction hâtive.
A bientôt
Merci pour votre info. D’intuition, je ne partage pas l’avis des parents et l’optimisme des médecins. J’ai pensé à une maladie dégénérative. Je vous fais parvenir une information qui prolonge le débat dans une perspective intemporelle, en souvenir de la première impression que j’ai eu de vous. Chaque commentaire est chargé d’une énergie particulière, les mots, leur emploi, je dirais presque la voix de l’intervenant qu’il me semble entendre à la lecture du texte.
@L’auteur, La connaissance du cerveau est l’objectif de ce 21ème siècle. Le coeur n’était qu’un pompe réglée par un « plombier expert ». Le cerveau et ses neurones en réseaux que l’on ne reproduit que vaguement avec Internet. Les cellules souches, l’hérédité, l’ADN, les autres énigmes.
Je ne m’y fait pas aux pseudos...au XXI ème, nous devrions porter des noms d’étoiles. C’est vrai, merveilleux programme scientifique et pourtant, quel foutoir que l’humanité, Quelle brutalité primitive, quel barbarie, à tous les niveaux. Merci pour votre passage.
Être, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? Mourir.., dormir, rien de plus… et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du cœur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir.., dormir, dormir ! Peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action…
Peut être pourrions nous établir un parallèle entre Shakespeare et Molière,
Le premier libère la tragédie spectaculairement, au fond de lui, la légèreté, la fantaisie, la comédie,
Le second s’amuse et se fait ludique en surface, mais contient la tragédie au fond de lui.
Peut être un aspect du comportement humoristique inversé des éternels adversaires et voisins.
Merci pour la traduction, même si cela vous coute...
Je ne résiste pas, tant tout est là ; et qu’importe cette hisoire de contenant vide iu de contenus hors de son contexte...En Anglais c’est encore meilleurs
To be, or not to be—that is the question :
Whether ’tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune
Or to take arms against a sea of troubles
And by opposing end them. To die, to sleep—
No more—and by a sleep to say we end
The heartache, and the thousand natural shocks
That flesh is heir to. ’Tis a consummation
Devoutly to be wished. To die, to sleep—
To sleep—perchance to dream : ay, there’s the rub,
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause. There’s the respect
That makes calamity of so long life.
For who would bear the whips and scorns of time,
Th’ oppressor’s wrong, the proud man’s contumely
The pangs of despised love, the law’s delay,
The insolence of office, and the spurns
That patient merit of th’ unworthy takes,
When he himself might his quietus make
With a bare bodkin ? Who would fardels bear,
To grunt and sweat under a weary life,
But that the dread of something after death,
The undiscovered country, from whose bourn
No traveller returns, puzzles the will,
And makes us rather bear those ills we have
Than fly to others that we know not of ?
Thus conscience does make cowards of us all,
And thus the native hue of resolution
Is sicklied o’er with the pale cast of thought,
And enterprise of great pitch and moment
With this regard their currents turn awry
And lose the name of action. — Soft you now,
The fair Ophelia ! — Nymph, in thy orisons
Be all my sins remembered.
Sérieux comme un philosophe, profond comme un alchimiste, ludique comme un humoriste Un ami sympa pour les chemins de la découverte. Merci au colporteur joyeux
Merci pour ce bel article, de quoi réfléchir un peu plus sur la nature humaine dans sa complexité. Le cerveau et la conscience sont à l’aube de séries de découvertes passionnantes, peu être une raison de plus pour aimer la vie, au sens le plus large possible.