Giardino, entre ligne claire et clair obscur
Dessinateur de BD et illustrateur à ses heures, Vittorio Giardino est assez peu connu du grand public français. Si vous connaissez un magasin qui possède l’intégralité de sa production, faites moi signe, car ma collection est loin d’être à jour. En attendant, je béni le hasard qui m’a jeté devant l’un de ses albums.
Pourtant dans son pays, l’Italie, il est considéré comme un maître de la bande dessinée. Ancien ingénieur en électronique, il a tout lâché pour se consacrer à son art.
Pour moi, il a rudement bien fait...
Giardino n’est pas un auteur très prolifique, mais les très bons auteurs le sont rarement. On dit de ses intrigues qu’elles sont difficiles, touffues et qu’elles s’adressent à un public restreint, plus quinqua que trenta.
La série Max Fridman (cinq albums) est l’histoire d’un espion juif français, à la recherche d’un ami, qui se trouve projeté au coeur des guerres de l’ombre, de Budapest à Barcelone, vers 1938.
25 ans pour trouver son point d’orgue*. Un rythme de production que l’acheteur du tome1 aurait certes voulu plus rapide, mais c’est oublier le souci du détail et notamment le gros travail d’archive qui se cache derrière le récit.
Giardino, adepte de la ligne claire en milieu clair obscur, est surtout reconnu par ses pairs, autant pour la finesse de son trait que pour son grand souci de vérité historique. Retracer des faits connus et ceux plus secrets des heures sombres de l’histoire contemporaine, en y faisant traverser le héro, plutôt comme témoin que protagoniste, est une recette chère aux grands metteurs en scène. Certains trouveront peut-être dans l’oeuvre de Giardino une filiation fellinienne, dans l’album Vacances fatales pour le moins...
En tout cas, voilà un souci du détail qui l’amène à se choisir des héros juifs pour mieux s’adjoindre toute la palette de noirceur et de tension, pour donner plus d’épaisseur au récit.
Si Max Fridman est une plongée dans les horreurs des guerres de l’ombre, aux prémices du nazisme, Jonas Fink, dépeint la vie d’un jeune tchèque avant la chute du mur de Berlin, une trajectoire qui va de l’enfance à l’âge adulte avec, pour toile de fond, la guerre froide au temps du communisme.
"Une histoire de l’autre côté de la frontière, quand la frontière existait encore", écrit Giardino en préambule du premier tome.
Comme souvent en temps de guerre et d’oppression, la vie d’un homme se conjugue entre nécessité d’être acteur de l’évènement et envie d’explorer l’amour, la vie...
En fait, il y a deux Giardino, celui de Max Fridman et de Jonas Fink et celui de Vacances fatales. On voudrait voir, dans ce dernier où, contrairement aux deux autres, tout est luxe et volupté, une sorte de repos du guerrier dessinateur. Erreur fatale... chassez le naturel...
Dans Vacances Fatales, les femmes sont belles, riches et cultivées et les hommes... cyniques.
Le théâtre idyllique de leur quotidien oscille entre villas cossues à Venise, Capri et chalets enneigés.... Idyllique... en apparence seulement. Car les femelles de Giardino sont aussi glaciales que volages et au final, parfaitement venimeuses pour les imprudents quidams qui s’aventurent dans la toile de leurs dessous chics.
Ce Giardino là aime les femmes, et quelles femmes ! ...
* Sin Illusion est le cinquième tome de Max Fridman