lundi 3 février 2014 - par Bernard Dugué

Gleemen, back to 1970

Nous sommes en 1970, le rock progressif était alors inexistant mais les grandes tendances du rock étaient affirmées. Le beat fonctionnait au maximum et les innovations se greffaient inexorablement, de disque en disque, avec des inventions sonores et des guitares distordues. Les morceaux de musique s’étiraient, comme le flux temporel des cerveaux sous acide. Les vies devenaient plus intenses, parfois tragiques. Janis et Jimy sont morts, un an avant Jim. Et la vague rock s’étendait avec des formations où les musiciens jouaient de prouesses en facéties. Keith Moon envoyait valser les cymbales alors que son compère Pete Townsend fracassait sa guitare. Les Beatles se séparaient. Chaque année, la longueur des cheveux augmentait de 5 centimètres, en même temps que les espérances d’une jeunesse conquérante, généreuse mais aussi insouciante et parfois arrogante. En 1970, l’essence coulait à flot, avant que ne se produise le choc pétrolier en 1974 et la crise économique, précédant le no futur d’une autre époque plus sombre avec le marasme de la classe ouvrière. L’époque se prêtait à de nombreuses expérimentations artistiques dans tous les domaines, surtout la musique rock. En l’espace de quelques 15 années, la plupart des genres avaient été inventés, de 1967 à 1983.

Il ne fait plus de doute que l’année 1970 a été charnière. Ce qui est moins connu, c’est le développement particulier de la musique rock dans les grandes nations européennes ainsi qu’aux Etats-Unis. L’Europe a été plus audacieuse en la matière et l’on a assisté à la naissance de plusieurs écoles, assez proches dans le style mais que l’oreille avertie sait différencier. En Angleterre, des tendances progressives et symphoniques avec également des formation atypiques. En Allemagne, un rock affirmé, avec également des orientations atypiques, très inventive. Troisième grande nation du rock, l’Italie, et son rock foisonnant qui échappa pour l’essentiel aux revues spécialisées de chez nous. C’est dans ce contexte très porteur que le groupe Gleemen produisit un album remarqué, notamment grâce aux partie de guitare exécutée par « Bambi » Fossati dont le style se situe entre Clapton et Hendrix, avec bien entendu une originalité prononcée et des distorsions sans lesquelles une guitare ne sonne pas seventies. Cet album est devenu un collector. Le groupe est devenu un trio et changea de nom pour se nommer Garybaldi. Quelques albums remarquables.

44 ans après leur unique album, Gleemen revient avec une brochettes de musiciens se complétant pour produire un disque qui en une dizaine de morceaux, revisite le style rocks blues et art rock des débuts du rock en Italie. On retrouve Maurizio Casinelli aux percussions et parties vocales, Bambi Fossati pour des parties de guitare hallucinantes et quelques compositions avec Casinelli et Alessandro Paolini qui joue de la basse. Les morceaux sont très variés, offrant diverses ambiances. Le disque commence par un rock musclé et bien envoyé à la Cream. Puis des balades blues rock qui rappellent Santana. Arrive enfin le morceau 4, « schizoid blues », avec une guitare qui fuzze et qui pourrait très bien figurer sur un disque de Hendrix. Les morceaux se succèdent sans se ressembler, avec parfois une ballade rock agrémentée par un violon joué à la Ponty. L’ensemble sonne très seventies, sauf le son qui est nickel, sans faute, une production bien léchée. Bref, ces anciens du rock n’ont rien perdu de leur jeunesse et ce qu’ils offrent à nos oreilles rivalise largement avec les CD produits par formations musicales en vue du moment. Il faut juste apprécier cette musique et surtout l’époque qu’elle incarne avec une audace qui de nous jours fait défaut.

« Oltre, lontano, lontano » est signé Gleemen et produit sur le label indépendant Black Widow qui ne cesse de monter et d’agrandir son répertoire dans des genres très différents. Ces septuagénaires sont aussi doués que les Stones pour faire du rock bien envoyé. Puisque actuellement on revisite les années bonheur, autant se replacer à la meilleure époque en écoutant ce qui se faisait de meilleur et qui revient avec force en ce début de 21ème siècle.

 




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